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et Jacob, dans le royaume des cieux ». Voilà donc ce qu’il doit greffer, et où il doit l’insérer. Que dit-il à propos des branches naturelles ? « Quant aux enfants du royaume, ils seront jetés dans les ténèbres extérieures ; c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents[1] ». Voilà ce qui est prédit, ce qui est accompli.
8. Donc « chantez au Seigneur, parce qu’il est doux ». Et voyez ce qu’il fait pour nous. « Parce que le Seigneur a choisi Jacob, il s’est fait d’Israël un héritage[2] ». Louez-le, bénissez-le puisqu’il nous a fait une telle grâce. Je ne vous énumère que des bienfaits que vous ne puissiez comprendre. Il a subordonné aux anges les autres nations ; quant à Jacob, il l’a choisi pour lui, il s’est fait un héritage d’Israël. Il s’est fait de son peuple un champ qu’il cultive, qu’il ensemence lui-même. Bien qu’il ait créé toutes les nations, il a subordonné les autres aux anges, il s’est réservé celle-ci pour la posséder, la conserver ; c’est ce peuple de Jacob qu’il a choisi. Est-ce à cause de son mérite ou bien par sa grâce ? Avant qu’ils fussent nés, dit l’Apôtre, Dieu avait prononcé que « l’aîné servirait le plus jeune ». Or, quel mérite pouvaient-ils avoir avant leur naissance, avant de pouvoir penser au bien ou au mal ? Que Jacob ne s’élève donc point, qu’il ne se glorifie point, qu’il n’attribue rien à ses mérites ; car avant tout mérite, il a été connu, prédestiné, choisi ; il ne doit donc point son élection à ses mérites, mais à la grâce de Dieu qui l’a choisi et vivifié[3]. Il en est de même de toutes les nations ; pour être greffé sur l’olivier franc, qu’avait mérité l’olivier sauvage, avec ses fruits amers, et sa stérilité ? C’était un arbre des forêts, et non du champ du Seigneur ; et toutefois, le Seigneur par sa miséricorde l’a inséré sur l’olivier franc. Mais il n’était pas encore inséré quand le Seigneur « se choisit Jacob, et fit d’Israël sa possession ».
9. Que dit ensuite le Prophète ? « Parce que je connais moi-même combien le Seigneur est grand »[4]. Son âme s’est élevée dans les régions supérieures, au-dessus de la chair et des créatures, et a reconnu que le Seigneur est grand. Tous ne peuvent le voir et le connaître ; qu’ils bénissent ses œuvres : « Il est doux ; le Seigneur a choisi pour lui Jacob, il a fait d’Israël son héritage ». Bénis-le de cette grâce. Car « pour moi, j’ai connu que le Seigneur est grand ». C’est le Prophète qui nous parle ainsi ; lui qui est entré dans le sanctuaire du Seigneur, et qui a peut-être « entendu de ces choses ineffables, qu’il n’est point au pouvoir de l’homme de redire[5] » ; qui a dit aux hommes ce qu’il pouvait en dire, et retenu pour lui ce qu’il y avait d’indicible. Écoutons-le donc en ce que nous pouvons comprendre, et croyons-le dans ce qui est incompréhensible. Écoutons cette parole facile pour tous : « Le Seigneur a choisi Jacob, il s’est fait d’Israël un héritage » ; croyons ce que nous ne pouvons comprendre, car il a connu que le Seigneur est grand ». Si nous lui disions : Expliquez-nous sa grandeur, nous vous en supplions ; ne nous répondrait-il pas : Celui dont je vois la grandeur ne serait pas grand, si je la pouvais expliquer ? Qu’il en revienne donc aux ouvrages de Dieu, pour nous en parler. Qu’il ait dans sa conscience cette grandeur de Dieu, qu’il a vue, qu’il propose à notre foi, et où il ne saurait diriger nos regards ; mais qu’il nous énumère quelques-unes des œuvres de Dieu. Si nous ne pouvons en voir, comme lui, la grandeur, que du moins sa bonté nous apparaisse dans des œuvres que nous puissions comprendre. « Pour moi », nous dit-il, « j’ai compris combien le Seigneur est grand, et de combien notre Dieu surpasse tous les autres dieux ». Quels dieux ? « Bien qu’il y en ait », nous dit l’Apôtre, « qui soient appelés dieux dans le ciel et sur la terre, et qu’il y ait ainsi plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, il n’y a néanmoins qu’un seul Dieu, qui est le Père, d’où procèdent toutes choses, et qui nous a faits pour lui, et un seul Seigneur Jésus-Christ par qui toutes choses ont été faites, et nous sommes par lui[6] ». Que les hommes soient donc appelés dieux ; puisqu’il est dit : « Le Seigneur s’est assis dans la synagogue des dieux » ; et encore : « J’ai dit : Vous êtes des dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut[7] », Dieu n’est-il point au-dessus des hommes ? Mais est-ce beaucoup que Dieu soit élevé au-dessus des hommes ? Dieu est supérieur aux anges, puisque les anges n’ont pas créé Dieu, mais Dieu a créé les anges ; et le Créateur est nécessairement supérieur à ses

  1. Mt. 8,11-12
  2. Ps. 134,4
  3. Rom. 9,11-13
  4. Ps. 134,5
  5. 2 Cor. 12,4
  6. 1 Cor. 8,5-6
  7. Ps. 81,1-6