Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

un seul était guéri, et nous figurait l’unité de l’Église. Il est vrai qu’ils ont raison d’insulter à l’unité, ceux qui se sont séparés de l’unité. C’est justement que le nom de moines leur déplaît, eux qui ne veulent pas demeurer dans l’unité avec leurs frères, qui ont abandonné le Christ afin de suivre Donat. Votre charité vient d’entendre la recommandation de l’unité d’un seul ; réjouissons-nous donc avec le Psalmiste et voyons ce qui suit. Le psaume est court, nous pouvons avec la grâce de Dieu le parcourir rapidement. Ce que nous avons dit déjà, nous éclairera sans doute pour la suite, bien qu’on y trouve des obscurités.
7. « Voilà combien il est bon, combien il est agréable pour des frères d’habiter ensemble ». Dire voilà, c’est montrer. Pour nous, mes frères, nous le voyons et nous en bénissons le Seigneur ; nous le prions de pouvoir dire à notre tour : Voilà. Mais à quoi va-t-il comparer ces frères ? Que le Prophète nous le dise : « Comme un parfum répandu sur la tête d’Aaron, qui descend le long de sa barbe, et jusque sur le bord de son vêtement[1] ». Qu’était-ce que Aaron ? Le grand prêtre. Quel est le véritable prêtre, sinon celui qui est entré seul dans le Saint des saints ? Quel est ce prêtre, sinon celui qui a été victime et prêtre ? sinon celui qui, ne trouvant dans le monde rien que d’immonde à offrir à Dieu, s’offrit lui-même ? Sur sa tête est le parfum, parce que le Christ tout entier comprend l’Église. Mais c’est de la tête que descend le parfum. Notre tête, c’est le Christ crucifié et enseveli, et qui est ressuscité pour monter au ciel. Telle est la tête qui a envoyé l’Esprit-Saint ; où ? Sur sa barbe. Car la barbe est le symbole de la force, elle est le propre d’une jeunesse vigoureuse, alerte et robuste. De là vient qu’en parlant de ces sortes d’hommes, nous disons : c’est un barbu. Ce fut donc sur les Apôtres que ce parfum descendit tout d’abord ; il descendit sut ceux qui soutinrent les premiers chocs du monde ce fut sur eux que descendit l’Esprit-Saint. Et eux aussi qui avaient commencé à demeurer ensemble, in unum, souffrirent persécution ; mais comme le parfum était descendu sur la barbe, ils la souffrirent sans être vaincus. Déjà la tête avait précédé, et avait fait couler le parfum, et après un si grand exemple, qui eût pu vaincre la barbe qui en était pénétrée ?
8. C’est dans cette barbe qu’était le bienheureux Étienne. Et n’être pas vaincu, cela consiste à ne pas laisser vaincre notre charité par nos ennemis. Ceux qui ont persécuté les saints ont cru avoir vaincu ; les premiers frappaient, les seconds étaient frappés ; les premiers égorgeaient, les seconds étaient égorgés. Qui n’aurait cru que les uns étaient vainqueurs, les autres vaincus ? Mais parce que la charité n’a pas été vaincue, voilà que le parfum est descendu sut sa barbe. Écoutez Étienne. La charité fut violente en lui ; il était violent pour eux quand ils l’écoutaient, et il pria pour eux quand ils le lapidaient. Quel était son langage quand ils l’écoutaient ? « Têtes dures, hommes incirconcis du cœur et des oreilles, vous avez toujours résisté à l’Esprit-Saint[2] ». Voilà la barbe. Est-il flatteur ? Est-il timide ? En entendant ces reproches qui les flétrissaient (car l’emportement d’Etienne n’était que l’emportement des paroles, mais son cœur était plein de charité pour eux, et en lui la charité ne fut pas vaincue) ; ceux-ci donc n’eurent que de la haine contre ses paroles, ils étaient ténèbres et fuyaient la lumière, elles voilà qui prennent des pierres pour lapider Étienne. Les paroles d’Etienne les avaient frappés comme des pierres, et leurs pierres frappèrent Étienne Est-ce pendant qu’on le lapidait, ou pendant qu’on l’écoutait que notre Saint avait plus raison de s’emporter ? Toutefois il était doux quand on le lapidait, emporté quand on l’écoulait. Pourquoi ce transport quand on l’écoulait ? Parce qu’il voulait changer ses auditeurs. Mais les pierres qui tombaient sur lui ne purent vaincre sa charité : parce que le parfum divin était descendu de la tête sur la barbe, et la tête lui avait dit : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent[3] ». Il avait ouï de cette tête clouée à la croix cette parole : « Mon Père, pardonnez-leur, parce qu’ils ne savent ce qu’ils font[4] ». C’est ainsi que de la tête le parfum était descendu sur la barbe, et quand on lapidait ce fervent disciple, il mit le genou en terre en s’écriant : « Seigneur, ne leur imputez pas ce péché[5] ».
9. Ces saints étaient commue la barbe. Car beaucoup étaient courageux et enduraient de

  1. Ps. 139,2
  2. Act. 6,51
  3. Mt. 5,41
  4. Lc. 23,34
  5. Act. 7,59