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Il est vrai qu’on appelle quelquefois tabernacle de Dieu la maison de Dieu, et maison de Dieu le tabernacle de Dieu ; cependant, mes frères, à proprement parler, le tabernacle de Dieu serait l’Église en cette vie, et la maison de Dieu la céleste Jérusalem, où nous irons un jour. Car, le mot de tabernacle ou de tente rappelle des soldats en campagne, en guerre ; les soldats ont des tentes quand ils font des sièges, des expéditions ; de là ce mot de contubernales, donné aux soldats qui habitent sous la même tente. Tant que nous avons un ennemi à combattre, nous sommes sous la tente avec Dieu. Mais quand le temps du combat sera passé, quand sera venue cette paix qui est au-dessus de tout ce que nous pouvons comprendre, selon le mot de saint Paul : « La paix de Dieu qui est au-dessus de toute intelligence[1] » ; quelque effort, en effet, que fasse notre pensée, elle ne saurait comprendre cette paix, tant que notre esprit est sous le poids de notre corps : quand donc sera venue cette paix, nous serons alors dans la maison, et comme nul adversaire ne nous attaquera, nous n’aurons plus besoin de tente. Nous ne marcherons plus au combat, nous demeurerons pour louer Dieu. Qu’est-il dit, en effet, à propos de cette maison ? « Bienheureux ceux qui habitent votre maison, ils vous loueront dans les siècles des siècles[2] ». Nous gémissons sous la tente, nous bénirons Dieu dans la maison. Pourquoi ? Parce que c’est le propre des exilés de gémir, le propre de ceux qui sont dans la patrie de louer Dieu. Mais d’abord, cherchons ici-bas une tente au Dieu de Jacob.

11. « On nous a dit qu’elle était en Ephrata ». Qui « Elle ? » La demeure de Dieu. « On nous a dit qu’elle était en Ephrata ; nous l’avons trouvée dans les campagnes boisées[3] ». L’a-t-il trouvée à l’endroit qu’on lui avait indiqué ; ou bien a-t-il entendu un endroit, et l’a-t-il trouvée dans un autre ? D’abord, cherchons ce que signifie Ephrata qu’on lui a indiqué, puis nous chercherons ces campagnes des forêts où il a trouvé la demeure de Dieu. Ephrata est un mot hébreu qui signifie miroir, si nous en croyons à ceux qui nous ont laissé l’interprétation des mots hébreux pour nous en donner l’intelligence ; car ils ont d’abord traduit l’hébreu en grec, puis le grec a été traduit en latin. Plusieurs, en effet, se sont appliqués à l’étude approfondie des Écritures. Si donc Ephrata signifie miroir, c’est dans un miroir que l’on a entendu parler de cette habitation trouvée dans les campagnes boisées. Or, le miroir reflète une image. Et toute prophétie est une image de l’avenir. Cette maison future de Dieu nous a donc été prédite sous une image prophétique. Car, on nous en a parlé dans un miroir, c’est-à-dire, « nous en avons ouï parler en Ephrata. Nous l’avons trouvée dans les campagnes boisées ». Quelles sont ces campagnes boisées ? des champs pleins de bois ; non point de ces bois dont on dit : cette forêt a tant d’arpents. Mais un lieu boisé est un lieu inculte et sauvage. On trouve, dans certains exemplaires, des lieux sauvages. Quelles étaient donc ces campagnes boisées, sinon les nations incultes ? Quelles étaient ces campagnes boisées, sinon ces campagnes couvertes des broussailles de l’idolâtrie ? Et néanmoins, dans ces broussailles de l’idolâtrie, nous avons trouvé un lieu pour le Seigneur, une tente pour le Dieu de Jacob. « Ce que nous avons entendu dans Ephrata, nous l’avons trouvé dans les campagnes boisées » ; ce qui a été prêché en figure aux Juifs a été manifesté aux Gentils par la foi.

12. « Nous entrerons dans ses tabernacles[4] ». Dans les tabernacles du Dieu de Jacob. Ceux qui entrent pour habiter sont aussi ceux qui entrent pour être habités eux-mêmes. Tu entres dans ta maison pour l’habiter, dans celle de Dieu pour être habité. Dieu vaut mieux qu’une maison, et quand il aura commencé à habiter en toi, il te donnera le bonheur. Et s’il n’habite en toi, tu seras malheureux. Il voulut s’appartenir, ce fils qui dit dans l’Évangile : « Donnez-moi la portion de l’héritage qui doit m’échoir[5] ». Cette part se pouvait conserver entre les mains de son père, et n’eût pas été dissipée avec les femmes de mauvaise vie. Il reçut donc cette part qui fut mise en son pouvoir ; et il s’en alla dans un pays lointain la dissiper avec des prostituées. Puis il souffrit la faim, se souvint de son père, retourna vers lui afin de se rassasier de son pain. Entre donc dans cette maison afin d’être habité, de n’être point à toi, mais à Dieu. « Nous entrerons dans ses tabernacles ».

13. « Nous adorerons dans le lieu où ses pieds

  1. Philipp. iv, 7.
  2. Ps. lxxxiii, 5.
  3. Id. cxxxi, 6
  4. Ps. cxxxi, 7
  5. Lc. xv, 12