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brûlant désir, il l’avait fait, et cependant il implore le secours du Seigneur afin de l’accomplir : « Seigneur, souvenez-vous de David et de toute sa douceur ». C’est dans cette mansuétude qu’il a fait un vœu à Dieu, afin d’être son temple. « Je n’entrerai pas dans mon palais, je ne monterai point sur mon lit de repos ; je ne donnerai pas le sommeil à mes yeux ». C’est peu selon lui de refuser le sommeil à ses yeux, et il ajoute : « Ni l’assoupissement à mes paupières, ni le repos à mes tempes, jusqu’à ce que j’aie trouvé une demeure au Seigneur, un tabernacle au Dieu de Jacob[1] ». Où cherchait-il un lieu pour le Seigneur ? S’il avait la douceur, c’était en lui qu’il le cherchait. Comment pouvait-il être un lieu pour le Seigneur ? Écoute le Prophète : « Sur qui reposera mon Esprit ? Sur celui qui est humble et tranquille, et redoutant ma parole[2] ». Veux-tu être une demeure pour le Seigneur ? Sois humble, calme, redoutant sa parole, et tu seras ce que tu cherches, Si ce que tu cherches ne s’effectue en toi-même, de quoi te servira qu’il s’effectue en un autre ? Quelquefois, il est vrai, Dieu se sert d’un prédicateur pour opérer le salut d’un autre, et de cet autre seulement, si ce prédicateur se contente de dire sans pratiquer ; et ainsi sa langue prépare à Dieu une demeure chez un autre, mais lui-même n’est point cette demeure. Mais l’homme qui pratique le bien qu’il enseigne, et qui l’enseigne en le pratiquant, devient lui-même la demeure de Dieu, de même que l’homme qu’il enseigne ; car tous ceux qui croient ne font qu’une seule demeure pour Dieu. Car Dieu habite le cœur, et tous ceux qui sont unis par la charité n’ont qu’un même cœur.
5. Combien de milliers d’hommes embrassèrent la foi, mes frères, quand ils apportaient aux pieds des Apôtres les biens qu’ils avaient vendus[3] ! Mais que dit l’Écriture à leur sujet ? Ils devinrent sans aucun doute le temple de Dieu ; et non seulement chacun d’eux était le temple du Seigneur, mais ils l’étaient tous ensemble. Ils étaient donc la demeure du Seigneur. Et pour vous montrer qu’ils ne formaient tous ensemble qu’un seul temple de Dieu, voilà que l’Écriture nous dit : « Ils n’avaient tous en Dieu qu’un seul « cœur et qu’une seule âme[4] ». Mais plusieurs ne préparent point en eux une demeure pour Dieu, parce qu’ils recherchent leurs propres intérêts, aiment ce qui leur appartient, se réjouissent d’être puissants, n’aspirent qu’à leur bien propre. Mais l’homme qui veut préparer en lui une demeure à Dieu, doit se réjouir du bien de tous, et non de son propre bien. C’est ce que firent les premiers fidèles à l’égard de leurs biens, ils en firent les biens de tous. Mais était-ce là perdre ce qui était à eux ? S’ils eussent possédé seuls, et que chacun eût possédé son bien propre, il n’eût possédé que sa seule propriété ; mais en rendant commun ce qui lui appartenait en propre, il faisait que tout ce qui appartenait aux autres était aussi à lui. Que votre charité veuille bien écouter. C’est des biens que nous possédons en propre que naissent les procès, les inimitiés, les discordes, les guerres entre les hommes, les tumultes, les dissensions, les scandales, les injustices, les homicides. De quels biens ? Des biens que nous possédons en propre. Est-ce pour les biens que nous avons en commun qu’il y a des procès ? L’air, nous le possédons en commun ; le soleil, nous le voyons en commun. Bienheureux ceux qui préparent une demeure à Dieu, de manière à ne point jouir de leur bien propre. Tel est donc l’état que décrivait le Prophète en disant : « Je n’entrerai point dans le tabernacle de ma maison ». C’était là un bien particulier, et il savait que ce bien particulier l’empêchait de préparer en lui-même une demeure à Dieu, et il énumère tout ce qui lui est propre : « Je n’entrerai point dans le tabernacle de ma maison jusqu’à ce que j’aie trouvé ». Et quand vous aurez trouvé une demeure pour Dieu, ô Prophète, entrerez-vous donc dans votre maison ? Ou bien ne ferez-vous pas votre maison de ce lieu où vous aurez trouvé une demeure pour Dieu ? Pourquoi ? Parce que vous serez vous-même la demeure du Seigneur, et que vous serez dans l’unité avec ceux qui sont sa demeure.
6. Abstenons-nous donc, mes frères, de toute possession privée, ou du moins de tout attachement, sinon de toute possession, et nous préparons une demeure à Dieu. C’est beaucoup pour moi, dit quelqu’un. Or, vois qui tu es pour préparer une demeure à Dieu. Mais si quelque sénateur, ou même, sans être sénateur, si l’intendant de quelque puissant du siècle voulait demeurer chez toi et te disait :

  1. Ps. 131,3-5
  2. Isa. 66,2
  3. Act. 4,35
  4. Id. 13,32