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l’appel de Dieu et je cours pour y arriver. Car ce n’est point pour que j’y demeure qu’il m’a laissé en chemin, et il ne cesse de me stimuler. Donc, mes frères, Dieu ne cesse de nous parler. S’il cessait de le faire, que deviendrions-nous ? Que feraient les divines lectures, les saints cantiques ? Oubliez donc ce qui est en arrière, et avancez-vous vers ce qui est en avant. Sucez le lait afin de croître et de devenir capables d’une solide nourriture. Vous goûterez la joie, quand vous serez dans la patrie. Écoutez encore l’Apôtre, qui s’avance vers la palme d’en haut. « Nous qui voulons être parfaits », nous dit-il, « soyons dans ce sentiment »[1]. Je ne parle pas aux imparfaits, je ne pourrais leur parler de la sagesse ; ils ont encore besoin de lait, et ne peuvent prendre une forte nourriture ; mais je m’adresse à vous, qui vous nourrissez plus solidement. Ils semblent parfaits parce qu’ils connaissent l’égalité du Père avec le Verbe, mais ils ne voient pas encore face à face, comme ils verront un jour ; ils ne voient qu’en partie et en énigme[2]. Qu’ils courent dès lors, puisqu’à la fin de notre carrière nous retournons dans la patrie. Qu’ils courent ; qu’ils s’avancent. « Nous qui voulons être parfaits, soyons dans ce sentiment ; et si vous avez d’autres pensées, Dieu vous éclairera ». Si vous êtes dans l’erreur en quelque point de foi, pourquoi ne point retourner au lait de votre mère ? Car si vous ne vous élevez point, si votre cœur ne cède point à l’orgueil, si vous ne prétendez point aux merveilles qui vous surpassent, si vous gardez l’humilité, Dieu vous révélera ce que vous croyez de contraire à la vérité. Mais si vous voulez défendre ce qui est peu con forme à la foi, si, dans votre obstination, vous prétendez l’établir contre la paix de l’Église ; alors vous tombez sous la malédiction du Prophète, vous êtes sur les bras de votre mère, et, déjà sevrés et en dehors de ses entrailles, vous mourrez de faim. Mais si vous persévérez dans la paix de l’Église catholique, Dieu vous instruira à cause de votre humilité, quand vous auriez des sentiments contraires à la vérité de la foi. Pourquoi ? « Parce que Dieu résiste aux superbes et accorde sa faveur aux humbles[3] ».
15. C’est pourquoi notre psaume finit ainsi : « Qu’Israël espère dans le Seigneur, dès maintenant, et jusque dans les siècles ». Cette expression du grec : apo tou nun kai eos tou aionos, est traduite par : Ex hoc nunc et usque in saeculum : Dès maintenant et dans la suite des siècles. Mais ce mot de siècle ne veut pas toujours dire ce siècle ; quelquefois il signifie l’éternité ; car éternel s’entend de deux manières. Jusque dans l’éternité signifie, ou bien sans fin, ou bien jusqu’à ce que nous arrivions à l’éternité. Comment faut-il l’entendre ici ? Espérons dans le Seigneur notre Dieu, jusqu’à ce que nous arrivions à l’éternité ; car, aussitôt que nous y serons arrivés, il n’y aura plus pour nous d’espérance, mais la réalité.

  1. Phil. 3,15
  2. 1 Cor. 13,12
  3. Jac. 4,6 ; 1 Pi. 5,5