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il est exaucé précisément parce qu’il prie dans son temple. Car il prie en esprit et en vérité, puisqu’il prie dans la paix de l’Église[1], et non dans un temple matériel qui n’en est que la figure.
2. Il y avait une figure, en effet, quand le Seigneur chassa du temple ces hommes qui cherchaient leurs intérêts, et n’y entraient que pour vendre et acheter[2]. Or, si ce temple était une figure, il devient évident que le corps de Jésus-Christ, qui est le véritable temple, et dont cet autre n’était que la figure, renferme aussi des vendeurs et des acheteurs, ou des hommes qui recherchent leurs intérêts, et non pas ceux de Jésus-Christ[3]. Mais un fouet de cordes va les en chasser. La corde en effet signifie les péchés, comme il est dit par un Prophète : « Malheur à ceux qui traînent leurs péchés, comme une longue chaîne[4] ». Or, c’est traîner ses péchés comme une longue chaîne qu’ajouter péchés sur péchés ; que recouvrir un péché que l’on vient de commettre par un autre que l’on commet ensuite. De même en effet, que pour faire une corde on joint filasse à filasse, et qu’on la tord au lieu de la tirer en droite ligne, de même, ajouter l’une à l’autre des actions perverses et qui sont des péchés, aller de faute en faute et enrouler péché sur péché, c’est en composer une longue chaîne. « Leurs voies sont contournées, leurs démarches tortueuses[5] ». Mais à quoi servira cette corde, sinon à leur lier les pieds et les mains pour les jeter dans les ténèbres extérieures ? Vous savez ce que dit l’Évangile à propos de certain pécheur : « Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; c’est là qu’il y aura pleur et grincement de dents[6] ». Il n’y aurait pas moyen de lui lier les pieds et les mains, si lui-même ne s’était fait une corde. De là ce mot si clair d’un autre endroit : « Chacun est garrotté par les liens de ses péchés[7] ». C’est donc parce que les hommes sont frappés par les cordes de leurs péchés que le Seigneur se fit un fouet avec des cordes, et qu’il chassa du temple ceux qui cherchaient leurs intérêts, et non ceux du Christ[8].
3. Tel est donc le temple qui parle dans notre psaume. C’est dans ce temple, ai-je dit, que l’on prie le Seigneur ; c’est là, et non dans le temple matériel, qu’il nous exauce en esprit et en vérité. Car le temple de Jérusalem n’était qu’une figure qui annonçait l’avenir ; et voilà pourquoi il est tombé ; mais la maison de notre prière est-elle tombée ? Loin de là ; car ce n’est point ce temple qui est tombé que l’on pouvait appeler maison du Seigneur, et dont il est dit « Ma maison sera appelée chez tous les peuples une maison de prière ». Vous entendez en effet cette parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Il est écrit », nous dit-il, « que ma maison sera appelée chez tous les peuples une maison de prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs[9] ». Mais ceux qui ont pu faire de la maison de Dieu une caverne de voleurs, ont-ils bien pu détruire ce même temple[10]. De même ceux qui dans l’Église catholique ont unie vie déréglée, font de la maison de Dieu une caverne de voleurs, autant qu’il est en eux ; mais ils n’en renversent point le temple. Un temps viendra qu’ils en seront chassés par le fouet de leurs iniquités. Or, ce temple de Dieu, ce corps du Christ, cette assemblée des fidèles n’a qu’une même voix, et chante notre psaume comme un seul homme. Déjà nous avons entendu sa voix dans bien des psaumes, écoutons-la encore dans celui-ci. C’est notre voix, si nous le voulons ; si nous le voulons encore, écoutons de l’oreille et chantons du cœur, Si nous refusons, au contraire, nous serons dans ce temple comme des vendeurs et des acheteurs, c’est-à-dire, cherchant nos propres intérêts. Nous entrerons dans l’Église, non pour y chercher ce qui est agréable aux yeux de Dieu. Que chacun de vous, dès lors, examine sa manière d’écouter, s’il écoute pour tourner en dérision, s’il écoute pour négliger ce qu’il entend, s’il écoute pour correspondre, c’est-à-dire, s’il reconnaît sa propre voix et s’il joint la voix de son cœur à la voix qu’il entend. Notre psaume néanmoins ne laisse point de chanter : que ceux-là s’en instruisent qui le peuvent, et même qui le veulent ; pour ceux qui ne le veulent point, qu’ils ne soient un obstacle pour personne. Que l’on nous prêche l’humilité ; c’est ainsi qu’il commence :
4. « Seigneur, mon cœur ne s’est point élevé ». L’interlocuteur a offert un sacrifice. Comment prouver qu’il a offert un sacrifice ? C’est qu’il y a sacrifice dans l’humilité du

  1. Jn. 4,21-24
  2. Id. 2,15
  3. Phil. 2,21
  4. Isa. 5,18
  5. Job. 6,18
  6. Mt. 22,13
  7. Prov. 5,22
  8. Jn. 2,15 ; Philipp. 2,21
  9. Mt. 21,12-13
  10. Jn. 2,19