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Lorsque j’y aurai cherché un refuge, je n’aurai plus à craindre les traits de l’ennemi, et même je pourrai, en toute sécurité, lancer contre lui autant de flèches qu’il me plaira. C’est le Christ en personne qui me tient lieu de tour ; et cette tour, où nous pouvons nous garantir des attaques de nos ennemis, c’est la pierre même sur laquelle a été bâtie l’Église. Tu crains de te voir frappé à mort par le démon ? Va te mettre à l’abri des murs de cette tour, et les traits de cet ennemi infernal ne pourront jamais t’y atteindre, car tu y seras protégé et soutenu. Mais comment parvenir jusque-là ? Qu’au moment de l’épreuve, personne d’entre vous ne croie devoir chercher une tour matérielle pour s’y réfugier, de peur qu’après d’infructueuses recherches, il ne se fatigue et ne succombe ! La tour dont je parle se trouve devant toi : souviens-toi du Christ, et tu pénétreras dans la tour. Mais comment se rappeler le souvenir du Christ, de manière à pouvoir s’introduire dans la tour ? Le voici : toutes les fois que tu auras quelque peine à subir, pense qu’il a souffert le premier, et qu’il a souffert, pour mourir d’abord, et ressusciter ensuite : n’oublie pas que la souffrance te conduira au même but que lui ; espère-le : cette pensée t’empêchera d’acquiescer aux suggestions de l’ennemi, et ainsi auras-tu pénétré dans la tour. Si tu donnais ton consentement aux tentations du démon, il est sûr que, par là même, tu serais atteint des traits qu’il dirige contre toi. Ne vaut-il pas mieux lui lancer toi-même des flèches qui le blessent, et te permettent d’en triompher ? Quelles sont ces flèches ? C’est la parole de Dieu, c’est ta foi, c’est ton espérance, ce sont tes bonnes œuvres. Je ne te dis pas de te mettre à l’abri des murs de cette tour, pour t’y reposer : il ne doit pas te suffire de voir les traits de l’ennemi tomber loin de toi, hors de portée ; il faut t’y remuer : que tes mains ne restent pas inactives ; tes bonnes œuvres, voilà l’arme qui servira à donner la mort à ton ennemi.
6. « J’habiterai, comme un étranger, dans votre tente pendant tous les siècles[1] ». Il vous est facile de reconnaître que celui qui crie vers Dieu est bien celui que je vous al désigné. Lequel d’entre nous pourrait être étranger pendant tous les siècles ? Les jours dont notre vie se compose, sont en petit nombre : nous ne faisons que passer ici-bas : nous sommes maintenant des étrangers : plus tard, nous habiterons dans la céleste patrie. Tu es ici un étranger, puisque le Seigneur t’adressera ce commandement : Sors d’ici. Pour cette demeure permanente, qui t’est réservée dans le ciel, jamais personne ne t’ordonnera d’en sortir. Tu n’es donc qu’un étranger en ce monde ; voilà pourquoi nous lisons, dans un autre psaume, ces paroles : « Je suis auprès de vous un étranger et un pèlerin, comme l’ont été tous mes pères[2] ». Sur la terre, nous sommes des étrangers : le Seigneur nous donnera une habitation éternelle dans les cieux. « Il y a », dit le Sauveur, « plusieurs demeures dans la maison de mon Père[3] ». Ces demeures, il ne les donnera pas comme à des étrangers, mais comme à des citoyens destinés à y rester toujours. Cependant, comme l’Église n’est pas établie sur la terre pour quelques années seulement, mais qu’elle doit y rester jusqu’à la consommation des siècles, c’est avec raison que l’ensemble de ses enfants s’exprime ainsi : « Je « serai étranger dans votre tente pendant « tous les siècles ». Que l’ennemi emploie sa malice et ses forces à me persécuter, qu’il m’attaque en face, qu’il me tende des pièges, qu’il multiplie les scandales, qu’il remplisse mon cœur d’angoisses, peu importe : « Je serai un étranger dans votre tente pendant « tous les siècles ». L’Église ne succombera pas : elle ne sera pas ébranlée ; les plus violentes épreuves la trouveront invincible enfin viendra la consommation des siècles alors nous sortirons de notre demeure du temps, pour entrer dans celle de notre éternité, où nous conduira celui qui est devenu notre espérance. « Je serai étranger dans votre tente jusqu’à la fin des siècles ». Nous pouvons donc lui dire : Si tu es longtemps étranger, tu lutteras sur la terre contre une multitude d’épreuves, car si la durée de l’Église ici-bas devait être courte, bientôt finiraient les méchancetés insidieuses du tentateur. Je comprends. Tu voudrais que les jours de l’épreuve fussent en petit nombre ; mais si l’Église ne devait rester que peu de temps au milieu du monde, si son existence ne devait se prolonger jusqu’à la fin, comment parviendrait-elle à réunir, dans son sein, tous ses enfants ? Ne porte pas envie à tous ceux qui doivent venir après toi dans la suite des

  1. Ps. 60,5
  2. Ps. 38,13
  3. Jn. 14,2