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gouverne et qu’elle n’est pas gouvernée, Or, que dit l’apôtre saint Paul ? « La loi est bonne, pourvu qu’on en use légitimement[1] ». Les filles de Loth avaient, au contraire, abusé de leur père. De même que les bonnes œuvres procèdent de l’usage légitime de la loi, ainsi les péchés viennent de l’abus criminel de la loi. C’est pourquoi, en abusant de leur père, c’est-à-dire de la loi, ces filles mirent au jour les Moabites, qui représentent les œuvres de péché. De là sont venus à l’Église les tribulations et le vase brûlant sous l’action de la flamme. Il est question de ce vase dans le livre d’un Prophète : Un vase échauffé du côté de l’Aquilon[2], c’est-à-dire, du côté du démon, qui a dit : « J’établirai mon trône vers l’Aquilon[3] ». Les plus pénibles tribulations de l’Église ne lui viennent donc que de la part de ceux qui abusent de la loi. Eh quoi ! l’Église défaudra-t-elle parce qu’il y en a pour faire un mauvais usage de la loi ? Et le vase brûlant, c’est-à-dire la multitude des scandales, l’empêchera-t-elle de durer jusqu’à la fin des siècles ? Est-ce que Juda, son roi, ne lui a pas annoncé d’avance les afflictions dont elle sera abreuvée ? Ne lui a-t-il pas dit : « La charité se refroidira, parce qu’on verra se multiplier l’iniquité[4] ? » À mesure que le vase s’échauffe, la charité se refroidit. Mais pourquoi, ô divine charité, ne point consumer par tes propres ardeurs le feu qui met ce vase en ébullition ? Tu ne saurais l’ignorer, ton Roi te parlait quand il faisait allusion à cette multitude de scandales ; il te disait : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé ». Ne cesse donc, jusqu’à la fin, de t’opposer à l’ardeur des scandales. Le feu de l’iniquité est ardent ; mais plus ardent est le feu de la charité. Ne te laisse donc pas vaincre ; persévère jusqu’à la fin. Craindrais-tu les Moabites, les œuvres criminelles de ceux qui abusent de la loi ? Eh quoi ! Juda, ton Roi, n’a-t-il pas marché devant toi ? n’a-t-il pas subi de pareilles épreuves ? Ne sais-tu pas que, par abus de la loi, les Juifs ont fait mourir le Christ ? Espère donc, et marche où ton Roi a marché le premier. Dis donc aussi : « Juda est mon roi », et parce « qu’il est mon roi », qu’est devenu « Moab ? » Il est devenu pour moi, non un vase de mort, mais « le vase de mon espérance ». Tu dois voir dans les tribulations un vase d’espérance, car l’Apôtre a dit : « Nous nous glorifions même au sein de la tribulation ». Le vase est là ; mais écoute saint Paul : il te dira que c’est un vase d’espérance. « Nous savons que la tribulation produit la patience, que la patience produit la pureté, et que la pureté produit l’espérance ». Effectivement, si la patience est le résultat de la tribulation, la pureté celui de la patience et l’espérance celui de la pureté, dès lors que la tribulation est ce vase brûlant, il est réellement un vase d’espérance, et Moab est avec raison ainsi nommé. « Or, l’espérance ne confond pas ». Quoi donc ? L’ardeur de ta charité surpasse-t-elle l’ardeur de ce vase échauffé par la flamme ? Oui, certes ; parce que l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[5].
11. « J’étendrai ma chaussure jusqu’en Idumée ». C’est l’Église qui parle : Je viendrai, dit-elle, « jusqu’à l’Idumée ». Que ses tribulations se multiplient, que le feu des scandales s’allume avec violence, « j’étendrai ma chaussure jusqu’en Idumée » : c’est-à-dire, selon le sens de ce mot hébreu qui signifie terrestre, je m’étendrai jusqu’à ceux qui vivent d’une vie terrestre. « J’étendrai ma chaussure jusqu’en Idumée » ; qu’est-ce que le Prophète entend par chaussure, sinon la prédication de l’Évangile ? « Combien sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent les biens[6] ! Et que vos pieds aient une chaussure pour être toujours préparés à aller annoncer l’Évangile de la paix[7]. Puisque « la tribulation produit la patience, que la patience produit l’épreuve, que l’épreuve produit l’espérance », le vase brûlant des afflictions ne me consumera pas, « car l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné ». Ne cessons ni de prêcher l’Évangile ni d’annoncer le Seigneur Jésus. « J’étendrai ma chaussure jusqu’en Idumée ». Est-ce que les hommes terrestres ne lui sont pas soumis ? Est-ce que ceux qui sont enchaînés par les passions de ce monde, ne l’adorent pas ? Mes frères, combien de personnes terrestres commettent aujourd’hui le vol pour faire plus vite fortune, et se rendent coupables de parjure, afin de soutenir leurs tromperies ! et, quand la crainte les saisit, elles

  1. 1 Tim. 1,8
  2. Jer. 1,13
  3. Isa. 14,13
  4. Mt. 24,12
  5. Rom. 5,3-5
  6. Rom. 10,15
  7. Eph. 6,15