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de l’herbe desséchée, et l’éclat de l’homme ressemble à l’éclat de la fleur du foin[1]. Le Christ met donc le feu à ces vanités, « et il convertit Joab ». Par Joab, il faut entendre l’ennemi. L’ennemi a donc été converti. Interprète ce mot comme tu voudras, si cet ennemi s’est retourné pour prendre la fuite, c’est le démon ; s’il s’est converti pour embrasser la foi, c’est le chrétien. De quel endroit le démon a-t-il pu s’enfuir ? Du cœur du chrétien ; car, dit le Sauveur, « le prince de ce monde a été chassé dehors[2] ». Mais pour le chrétien, qui s’est converti au Seigneur, comment peut-on dire qu’il est un ennemi converti ? Parce que, d’ennemi de Dieu, il est devenu son disciple fidèle. « Il a frappé Edom ». Edom veut dire terrestre. Il a fallu que l’homme terrestre fût frappé : ne devait-il pas, en effet, mourir, puisqu’il devait faire place à l’homme céleste ? En nous la vie terrestre a été anéantie ; puisse la vie céleste lui succéder ! Puisque nous avons porté l’image de l’homme terrestre, nous devons de même porter l’image de l’homme céleste[3]. Vois de quelle manière l’homme terrestre est frappé de mort. Faites mourir vos membres qui sont sur la terre[4]. Lorsque David eut frappé Edom, « il tua encore douze mille hommes dans la vallée des Salines ». Douze mille est un nombre parfait, et à ce nombre parfait correspond celui des douze apôtres : et ce n’est pas sans raison, car la parole de Dieu devait être prêchée par tout le monde. Or, la parole de Dieu, qui est le Christ, se trouve dans les nuées, c’est-à-dire dans les prédicateurs de la vérité. Pour le monde, il est partagé en quatre parties, que tous connaissent, et qui sont très souvent indiquées dans l’Écriture sous le nom des quatre vents[5] : ce sont l’Orient, l’Occident, l’Aquilon et le Midi. Le Seigneur a fait entendre sa parole dans ces quatre directions, pour appeler à lui tous les hommes au nom des trois personnes de la sainte Trinité. Trois fois quatre font douze. C’est donc à juste titre que l’on dit que douze mille hommes terrestres ont été frappés de mort, puisque le monde entier l’a été, et que l’Église, sortie du tombeau de la vie terrestre, a été formée de membres venus de toutes les parties du monde. Pourquoi est-il dit que le massacre des douze mille hommes a eu lieu « dans la vallée des Salines ? » Par vallée, on entend l’humilité ; et par Salines, ce qui donne de la saveur. Il en est beaucoup qui subissent des humiliations, mais inutilement et sans profit ; ils ne sont humiliés que dans leur vaine vieillesse. Les uns sont affligés par une perte d’argent, les autres par la privation d’un fragile honneur, d’autres encore par le retranchement des aises de la vie ; dès lors qu’ils souffrent, ils subissent une sorte d’humiliation ; mais pourquoi ne pas la souffrir pour Dieu, pour le Christ, afin d’avoir la saveur du sel ? Ne sais-tu pas que le Sauveur t’a dit : « Vous êtes le sel de la terre ; si le sel devient fade et insipide, il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors[6] ? » Il est donc bon d’être sagement humilié. Ne voyez-vous pas les hérétiques plongés dans l’humiliation ? Condamnés déjà par les lois divines, à l’empire desquelles ils ne peuvent se soustraire, ne le sont-ils pas encore par les lois humaines publiées contre eux ? Oui, ils sont humiliés, puisqu’ils sont mis en fuite et qu’ils souffrent persécution ; mais c’est d’une manière insipide ; c’est pour des choses fades et vaines, car leur sel s’est affadi et il a été jeté dehors, parce qu’il n’était plus bon à rien qu’à être foulé aux pieds par les hommes. Nous avons expliqué le titre du psaume : passons maintenant au psaume lui-même.
3. « Mon Dieu, vous nous avez rejetés et détruits ». Sont-ce les paroles de David, qui a frappé, consumé par le feu, et exterminé ses ennemis ? Ne sont-ce pas plutôt les paroles de ceux qu’il a ainsi traités, pour frapper et détruire ce qu’il y avait de mal en eux, pour leur rendre une nouvelle vie et les ramener au bien ? Telle est la grande et sanglante victoire remportée en ce monde par le Christ, par le véritable David, par celui qui fut vraiment fort, et que figurait le saint roi d’Israël. Il a opéré ces merveilles : par le glaive et le feu qu’il est venu apporter en ce monde, il a fait ce massacre immense ; car tu trouves dans l’Évangile ces deux passages : « Je suis venu jeter le feu dans le monde[7] ». « Je suis venu apporter le glaive sur la terre[8] ». il a apporté le feu qui devait consumer la Mésopotamie de Syrie, et la Syrie de Sobal ; il a apporté le glaive qui devait frapper Adam. Ce carnage a donc eu lieu en faveur de ceux qui

  1. Isa. 40,6
  2. Jn. 12,31
  3. 1 Cor. 15,49
  4. Col. 3,5
  5. Ez. 37,9
  6. Mt. 5,13
  7. Lc. 12,49
  8. Mt. 10,34