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a toujours des Juifs. Toutes les provinces sont tombées au pouvoir des Romains : où est l’homme capable de les reconnaître toutes au milieu de l’empire romain, et de dire quels noms elles portaient autrefois, puisque tous leurs habitants sont devenus Romains et en portent le nom ? Néanmoins les Juifs subsistent encore, marqués d’un signe qui les distingue des autres ; s’ils ont subi la honte de la défaite, ils n’ont pas, du moins, été détruits et absorbés par les vainqueurs. Ce n’est pas sans raison que, après le meurtre d’Abel, Dieu a placé au front de Caïn un signe qui pût le faire reconnaître et l’empêcher d’être lui-même tué[1]. Or, voici le signe auquel on reconnaît les Juifs : ils conservent avec un soin extrême les restes de leur loi ; ils reçoivent la circoncision, observent le sabbat, immolent l’agneau pascal, et mangent le pain azyme. Il y a donc des Juifs, ils n’ont pas été anéantis : et même leur existence est indispensable pour confirmer les Gentils dans la foi. Pourquoi cela ? Afin que nous connaissions, d’après l’exemple de nos ennemis, la miséricorde de Dieu à notre égard. « Mon Dieu me l’a fait voir dans mes ennemis ». À la vue des branches orgueilleuses de l’olivier franc séparées de leur tronc, l’olivier sauvage, greffé à leur place, peut comprendre l’étendue de la miséricorde divine envers lui. Voilà où gisent les rameaux superbes : et toi, qui gisais par terre, voilà où tu as été greffé. Ne t’enorgueillis donc pas, car tu mériterais d’être à ton tour séparé du tronc. « Mon Dieu, ne les anéantissez pas, de peur qu’on oublie votre loi ».
22. « Dispersez-les dans votre puissance ». L’événement a eu lieu : les Juifs ont été dispersés parmi les nations, et ils servent de témoins pour attester à tous leur crime et la vérité de l’Évangile. Les livres qu’ils ont entre les mains, contiennent les prophéties relatives au Christ, et le Christ, nous le possédons, Si, par hasard, il s’élève dans l’esprit d’un païen des doutes concernant les prophéties qui regardent le Sauveur, et dont l’évidence le saisit d’étonnement ; si, dans le sentiment de l’admiration, il s’imagine que nous avons nous-mêmes inventé ces prophéties pour les besoins de notre cause, nous en appelons aux livres des Juifs, et leur antiquité devient entre nos mains une preuve sans réplique. Voyez donc comment certains ennemis nous servent à combattre et à vaincre d’autres ennemis. « Dispersez-les dans votre puissance. Ôtez-leur tout leur pouvoir, toute leur force. Et conduisez-les, Seigneur, qui êtes mon protecteur. Perdez en eux les péchés de leur bouche, et les paroles de leurs lèvres ; et qu’ils soient pris dans leur propre orgueil. Ils apprendront que leurs malédictions et leurs mensonges seront le principe de leur consommation dans la colère de consommation, et ils ne seront plus ». Ce passage est très obscur, et je crains de ne pas être parfaitement compris dans l’explication que je veux en donner, car vous êtes déjà fatigués de m’écouter. Remettons donc à demain l’interprétation des derniers versets de ce psaume, si, toutefois, votre charité veut bien y consentir. Le Seigneur m’aidera à m’acquitter envers vous de ma dette : car je compte plus sur lui que sur moi.

DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 58

DEUXIÈME PARTIE DU PSAUME.


1. Le long discours que je vous ai adressé hier, m’a laissé pour aujourd’hui en dette vis-à-vis de vous ; et, puisque Dieu l’a permis, et que le temps de m’acquitter est venu, je vais le faire. Plus nous nous montrons dévoués à remplir nos obligations à votre égard, plus aussi vous devez vous montrer avares créanciers : en d’autres termes, puisque le Seigneur

  1. Gen. 4,15