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aussi « sur le soir, et qu’ils souffrent la faim comme les chiens ». Qu’ils désirent la grâce de Dieu, qu’ils comprennent qu’ils sont pécheurs : que ces forts deviennent faibles, que ces riches deviennent pauvres, que ces justes reconnaissent leur état de péché, que ces lions deviennent des chiens. « Qu’ils se convertissent sur le soir et souffrent la faim comme les chiens, et ils parcourront les alentours de la ville ». Quelle est cette ville ? C’est ce monde, qu’en certains endroits l’Écriture appelle une ville d’environnement, parce que le monde, composé de toutes les nations de la terre, enveloppait de part et d’autre et isolait le peuple juif, au milieu duquel se disaient ces vérités saintes ; il avait reçu, pour ce motif, le nom de ville d’environnement. « Devenus des chiens affamés, ils parcourront les alentours de cette ville ». Et comment les parcourront-ils ? En prêchant l’Évangile. De loup qu’il était, Saul est devenu un chien sur le soir, c’est-à-dire qu’il s’est converti tard ; et, soutenu par les mies tombées de la table de son Maître, il a couru dans le chemin de la grâce, et il a parcouru la ville.
16. « Ils parleront dans leur bouche, et ils auront une épée sur leurs lèvres[1] ». Cette épée est un glaive à deux tranchants, dont l’Apôtre nous parle ainsi : « Et le glaive de l’esprit, qui est la parole de Dieu[2] ». Pourquoi ce glaive a-t-il deux tranchants, sinon parce qu’il se sert des deux testaments pour frapper ? C’est avec lui que saint Pierre frappait ceux dont Dieu disait : « Tue et mange[3]. Ils auront une épée sur leurs lèvres, car qui est-ce qui écoute ? » Ils parleront et diront : « Qui est-ce qui écoute ? » C’est-à-dire, ils s’indigneront contre ceux qui se montreront lents à accepter la foi évangélique. Ceux qui tout à l’heure ne voulaient pas croire, souffrent et se tourmentent de rencontrer des incrédules. Ainsi en est-il réellement, mes frères. Tu vois un homme se montrer indolent avant de devenir chrétien, tu lui adresses chaque jour les exhortations les plus pressantes, à peine songe-t-il à travailler à sa conversion. Qu’il se convertisse enfin ; il voudrait déjà que tous fussent chrétiens, il s’étonne de ne pas les voir déjà dans le giron de l’Église, il oublie qu’il ne s’est lui-même converti que sur le soir ; mais parce qu’il est devenu semblable à un chien affamé, il a aussi un glaive sur les lèvres, et il s’écrie : « Qui est-ce qui écoute ? » Que veulent dire ces paroles « Qui est-ce qui écoute ? » Qui est-ce qui croit ce que nous lui annonçons ? À qui la puissance du Seigneur a-t-elle été révélée[4] ? « Car qui est-ce qui écoute ? » Les Juifs n’ont pas voulu croire, et alors les Apôtres se sont tournés du côté des Gentils, et leur ont annoncé l’Évangile : les Juifs ne croyaient pas, et cependant l’Évangile annoncé par des Juifs croyants faisait le tour de la ville, et ceux qui le prêchaient disaient : « Qui est-ce qui nous écoute ? »
17. « Et vous, Seigneur, vous vous rirez d’eux[5] ». Toutes les nations doivent devenir chrétiennes, et vous dites : « Qui est-ce qui écoute ? » Qu’est-ce à dire : « Vous vous rirez d’eux ? Vous compterez pour rien tous les peuples ». Ce n’est rien à vos yeux, car rien de plus facile pour vous que la conversion à la foi de toutes les nations du monde.
18. « Je vous garderai toute ma force[6] ». Tous ces forts sont tombés, parce qu’ils ne vous ont pas gardé toute leur force : c’est-à-dire, ceux qui se sont élevés haut pour me combattre, et qui se sont jetés sur moi, ont mis leur confiance en eux-mêmes ; pour moi, « je vous garderai toute ma force » ; car, en m’éloignant de vous, je tombe ; et je deviens plus fort en m’en approchant. Voyez, mes frères, ce qu’il en est de l’âme humaine : d’elle-même elle n’a ni lumières, ni forces ce qui fait toute sa beauté, c’est la vertu et la sagesse ; or, ni la sagesse, ni la force, ni la lumière, ni la vertu ne se trouvent en elle : elle les puise à une autre source. Il est une source et un principe de vertu, une racine de sagesse ; pour le dire en un mot, si toutefois il m’est permis de parler ainsi, il est un pays où habite l’immuable vérité : que notre âme s’en éloigne, elle tombe dans les ténèbres ; qu’elle s’en approche, elle est environnée de lumière. « Approchez-vous de Dieu, et vous serez éclairés[7] », puisqu’en vous en éloignant, vous vous plongez dans les ténèbres ; « Je vous garderai donc toute ma force », je ne m’éloignerai pas de vous, je ne mettrai pas ma confiance en moi. « Je vous garderai toute ma force, car, Seigneur, vous m’avez pris sous votre garde ». Où étais-je alors ? Où suis-je maintenant ? D’où venais-je lorsque vous m’avez reçu ? Quels péchés m’avez-vous pardonnés ? À

  1. Ps. 58,8
  2. Eph. 6,17
  3. Act. 10,13
  4. Isa. 53,1
  5. Ps. 58,9
  6. Id. 10
  7. Id. 33,6