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partout où il en rencontrerait, les disciples du Christ ? N’est-ce pas au moment où il agissait ainsi, où tous ses efforts tendaient à un pareil but, où il ne respirait, selon le langage de l’Écriture, que le meurtre elle carnage, n’est-ce pas à ce moment-là même qu’une voix éclatante l’a appelé du haut du ciel ; qu’il a été jeté à terre et s’est relevé ensuite ; qu’il a été aveuglé pour se voir bientôt environné de lumière ; qu’il a été frappé de mort pour revenir promptement à la vie ; qu’il a été perdu et retrouvé ensuite[1] ? Avait-il mérité de telles faveurs ? Comment les avait-il méritées ? Gardons le silence, laissons-le répondre à notre place, écoutons-le. « Auparavant », dit-il, « j’ai été un blasphémateur, un persécuteur, un injurieux ; mais j’ai obtenu miséricorde[2] ». Quoi qu’il en soit, voici une parole dont ou ne peut douter : « N’ayez de compassion pour aucun de ceux qui commettent l’iniquité ». On peut l’expliquer de deux manières : en ce sens, d’abord, que Dieu ne laisse impuni aucun péché ; en ce sens, ensuite, qu’il y a certaines fautes dont on n’obtient jamais le pardon de la part de Dieu, quand on s’en est rendu coupable. Nous allons, autant du moins que besoin sera, entretenir brièvement votre charité de cette double interprétation des paroles du Prophète.
13. Griève ou légère, toute iniquité doit nécessairement recevoir sa punition, soit que le pécheur lui-même en fasse pénitence, soit que Dieu en châtie l’auteur. Celui qui se repent se punit. Aussi, mes frères, devons-nous infliger à nos péchés la peine qu’ils méritent, si nous prétendons obtenir miséricorde de la part de Dieu. Pour lui, il ne saurait accorder son pardon à tous ceux qui se rendent coupables d’iniquité, car ne serait-ce point flatter les prévaricateurs ? Ne serait-ce point vouloir perpétuer le crime ? De là résulte évidemment la nécessité du châtiment ; qu’il vienne de toi ou de lui, peu importe. Veux-tu ne pas être puni de Dieu ? Punis-toi toi-même. Car tu as fait une chose qui ne peut rester impunie : mais il est bien préférable que le châtiment vienne de toi, parce qu’alors tu accompliras ce qui est écrit en un autre psaume « Prévenons sa face par une humble confession[3] ». « Prévenons sa face » ; qu’est-ce à dire ? Avant que Dieu se mette en devoir de punir tes fautes, préviens ses coups par une humble confession, et punis toi-même tes écarts, et que le Seigneur ne trouve rien en toi, qui soit digne de châtiment. De fait, en punissant l’injustice, tu fais acte de justice, et dès lors que Dieu te trouvera déjà appliqué à une œuvre de justice, il t’accordera ton pardon. Mais comment puis-je dire qu’en châtiant ton péché tu accomplis une œuvre de justice ? C’est que tu hais en toi ce que Dieu hait lui-même ; et en cela, tu commences à lui plaire, puisque tu punis ce qui lui déplaît : il ne peut laisser impuni aucun péché, car cette parole est vraie : « N’ayez de compassion pour aucun de ceux qui commettent l’iniquité ».
14. Examinons maintenant la seconde manière d’interpréter ce passage. Il y a certaine faute dont on n’obtient jamais le pardon de la part de Dieu, quand on s’en est rendu coupable. Vous me demanderez, sans doute, quelle peut être cette faute, en quoi elle consiste. Elle consiste à prendre la défense de ses propres Péchés. Dès qu’une personne excuse ses iniquités, elle déclare bon ce que Dieu déteste, et ainsi elle commet une grande faute, Vois combien est injuste et déraisonnable cette manière d’agir. Si l’homme fait un peu de bien, il se l’attribue ; et, quand il fait le mat, il l’impute à Dieu : ainsi, ils accusent Dieu de leurs désordres. N’est-ce point porter l’iniquité à son comble ? Personne n’oserait dire : L’adultère, l’homicide, la fraude, le parjure sont choses légitimes. Personne ne serait assez hardi pour tenir un pareil langage. Ceux mêmes qui s’en rendent coupables, crient à la prévarication et au scandale, dès qu’ils en souffrent ; nulle âme donc n’est assez pervertie, assez ennemie du genre humain, assez étrangère à l’union que doit établir entre nous notre commune origine en Adam, pour considérer comme bons et légitimes l’adultère, la fraude, la rapine, le parjure. Alors comment peut-on en prendre la défense ? En disant : Si Dieu ne l’avait pas voulu, je ne m’en serais pas rendu coupable. Puis-je m’opposer à mon destin ? Si tu leur demandes ce qu’ils entendent par le destin, ils te parlent des étoiles ; et si tu cherches à savoir qui est-ce qui a créé les étoiles et réglé leur cours, ils te répondent : C’est Dieu. Par conséquent, tu n’excuses ton péché que pour en accuser Dieu lui-même ; tu absous le coupable

  1. Act. 9
  2. 1 Tim. 1,13
  3. Ps. 94,2