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longtemps et vous ne connaissez pas mon Père ? Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père. Ne crois-tu pas que je suis en mon Père et que mon Père est en moi[1] ? » Ce disciple ne croit peut-être pas encore à cette égalité. « Levez-vous donc, venez à ma rencontre, et voyez ». Faites qu’on me voie, qu’on vous voie aussi, et que les hommes sachent que nous sommes égaux. Loin des Juifs l’idée de n’avoir crucifié qu’un homme ; sans doute le Sauveur n’a été attaché à la croix que comme homme, mais il est vrai de le dire, ils n’ont pas su qui ils faisaient mourir ; car s’ils l’avaient connu, jamais ils n’auraient crucifié le Roi de gloire[2]. Mais, afin que mes fidèles connaissent ce Roi de gloire, « levez-vous, venez à ma rencontre, et voyez.
11. « Et vous, Seigneur, Dieu des armées, vous êtes le Dieu d’Israël ». Vous, ô Dieu d’Israël, qu’on regarde comme le Dieu du peuple d’Israël seul, vous que l’on considère comme le Dieu de la seule nation qui vous adore, vous que les autres nations méconnaissent, puisqu’elles adorent des idoles, Dieu d’Israël, « hâtez-vous de visiter tous les peuples ». Qu’elle s’accomplisse cette prophétie où, parlant en votre nom à votre Église, à cette cité sainte qui vous appartient, à cette Épouse stérile et abandonnée, qui a eu ensuite plus d’enfants que la femme qui a un mari, Isaïe lui adresse ces paroles : « Réjouis-toi, stérile, qui n’enfantes pas : pousse des cris de joie, toi qui n’as point d’enfants, parce que celle qui était abandonnée aura plus d’enfants que celle qui a un mari ! » Plus que la nation juive, qui a un mari et qui a reçu une loi ; plus que ce peuple qui a eu un roi visible. Car ton Roi est caché, et cet Époux que personne ne voit, t’a donné plus d’enfants que la nation juive n’en a eu de son roi visible : c’est pourquoi le Prophète lui dit : « Celle qui était abandonnée a eu plus d’enfants que celle qui avait un mari. Etends le lieu de la tente », ajoute Isaïe ; « ne crains point d’agrandir ta demeure. Tends tes cordes plus loin : porte-les à droite et à gauche. – Renferme à droite ceux qui sont bons, et à gauche ceux qui sont méchants », jusqu’à ce que vienne le temps de vanner[3]. Entre en possession de tous les peuples. Qu’on invite aux noces les bons et les méchants ; que la salle du festin nuptial se remplisse de convives[4]. Aux serviteurs d’inviter : au Seigneur de séparer les uns d’avec les autres. « Etends donc tes cordes à droite et à gauche, car ta race possédera toutes les nations, et tu habiteras les villes qui étaient abandonnées ». Abandonnées de Dieu, des Prophètes, des Apôtres, de l’Évangile, mais remplies de démons. « Tu habiteras les villes abandonnées ; ne crains rien, car tu auras enfin l’avantage. Ne rougis pas de ce que tu as été un objet d’horreur. Ne rougis donc point de ce que les forts se sont élevés contre moi » ; quand on publiait des lois contre le christianisme, quand c’était une honte et une infamie d’appartenir à la religion chrétienne. « Ne rougis point de ce que tu as été un objet d’horreur : tu oublieras à jamais ta confusion passée ; tu ne te souviendras plus de la honte de ton veuvage. Car je suis « le Seigneur, qui t’ai faite. Le Seigneur est son nom ; celui qui t’a délivrée, sera appelé le Seigneur, le Dieu d’Israël, le Dieu de toute la terre[5]. Et vous, Seigneur des armées, Dieu d’Israël, hâtez-vous de visiter tous les peuples ». Hâtez-vous, dirai-je moi-même, de visiter tous les peuples.
12. « N’ayez de compassion pour aucun de ceux qui commettent le péché ». Ces paroles sont terribles : qui est-ce qui n’en serait pas épouvanté ? Qui est-ce qui ne tremblerait pas en faisant un retour sur lui-même ? Et si pure, si délicate que soit notre conscience, n’a-t-elle pas encore quelque faute à se reprocher ? Quiconque, en effet, commet le péché, se rend coupable d’iniquité[6] ». « Seigneur, si vous teniez compte de toutes mes iniquités, qui est-ce qui pourrait soutenir la rigueur de votre jugement, ô mon Dieu[7] ? » Et pourtant la parole du Prophète est vraie ; elle n’a pas été prononcée en vain : il faut qu’elle ait, et elle aura, dans une certaine mesure, son accomplissement : « N’ayez de compassion pour aucun de ceux qui commettent l’iniquité ». Et pourtant le Seigneur a eu pitié de Paul ; et cependant, quand celui-ci portait encore le nom de Saul, il commettait l’iniquité : quel bien a-t-il donc fait pour mériter le pardon de Dieu ? Ne traînait-il pas à la mort les saints du Très-Haut ? Ne portait-il pas de tous côtés des lettres écrites par les princes des prêtres, afin de conduire au supplice,

  1. Jn. 14,8-11
  2. 1 Cor. 2,8
  3. Mt. 25,33 ; 3,12
  4. Mt. 22,9-10
  5. Isa. 54,1-5
  6. Jn. 3,4
  7. Ps. 129,3