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du Christ ; car le mettre à mort, c’était éteindre sa mémoire, c’était empêcher les peuples de croire en lui, c’était faire prévaloir, à cet effet, l’imposture des gardes, qui s’étaient laissé gagner, et disaient, en conséquence, que pendant leur sommeil ses disciples étaient venus l’enlever[1]. C’était vraiment vouloir tuer le Christ, que d’étouffer sous le poids du mensonge la vérité de sa résurrection, et donner gain de cause à l’erreur sur l’Évangile. Mais de même que Saûl ne put parvenir à faire mourir David, de même la nation juive se trouva dans l’impossibilité de faire prévaloir le témoignage de gardes endormis sur la déposition d’apôtres bien éveillés. Quelle leçon les gardes reçurent-ils ? Que leur apprit-on à dire ? Nous vous donnerons autant d’argent que vous en voudrez, pourvu que vous disiez que ses disciples sont venus l’enlever pendant votre sommeil. Voilà quels témoins les ennemis du Christ figurés par Saül ont produits pour appuyer leur imposture, pour infirmer la vérité et rendre sa résurrection impossible à croire. O infidèle, interroge ces témoins endormis, qu’ils répondent et te disent ce qui s’est passé à son tombeau. S’ils dormaient, comment ont-ils pu le savoir ? S’ils veillaient, comment n’ont-ils pas mis la main sur les ravisseurs ? Que le Prophète dise donc ce qui suit :
4. « Sauvez-moi de mes ennemis, ô mon Dieu ! Délivrez-moi de ceux qui s’élèvent contre moi[2] ». C’est ce qui a eu lieu pour Jésus-Christ pendant qu’il était en ce monde, c’est encore ce qui aura lieu pour nous ; car nos ennemis, le démon et ses anges, ne cessent jamais de s’élever contre nous ; ils insultent continuellement à notre faiblesse et à notre fragilité par leurs tromperies, leurs suggestions, leurs tentations ; ils veulent nous faire tomber en toutes sortes de pièges, pendant tout le cours de notre vie terrestre. Mais que notre prière s’élève aussi sans cesse vers le trône de Dieu ; que les membres du Christ, toujours unis à leur chef qui est au ciel, s’écrient : « O mon Dieu, sauvez-moi de mes ennemis : délivrez-moi de ceux qui s’élèvent contre moi[3] ».
5. « Délivrez-moi de ceux qui commettent le péché ; sauvez-moi des hommes de sang Ils étaient, dans toute la force du terme, des hommes de sang, ceux qui ont mis à mort le juste auquel ils ne purent reprocher aucune faute. Ils étaient des hommes de sang, ceux qui, au moment où un étranger se lavait les mains et voulait renvoyer le Christ sans le condamner, ont crié : « Crucifie-le, crucifie-le ». Ils étaient des hommes de sang, ceux auxquels on reprochait de verser injustement le sans du Christ, et qui, le buvant en quelque sorte, à la santé de leurs descendants les plus éloignés, ne craignirent pas de faire entendre cette horrible imprécation : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants[4] ». Après s’être insurgés contre le chef, ces hommes de sang continuèrent à s’attaquer à ses membres. Car, après la résurrection et l’ascension du Sauveur, l’Église souffrit persécution ; et ceux de ses membres qui étaient sortis du judaïsme pour l’illustrer, furent les premiers à ressentir l’épreuve ; de ce nombre furent nos Apôtres. D’abord Étienne fut lapidé dans le pays de Judée[5], et reçut la couronne indiquée par son nom, parce qu’Etienne signifie couronne. Humilié sur la terre par sa lapidation, il fut exalté dans le ciel par son couronnement. Ensuite, parmi les nations, on vit les rois se révolter contre l’Évangile, car en eux ne s’était pas encore accomplie cette prophétie : « Tous les rois de la terre l’adoreront, et tous les peuples lui seront assujettis[6] ». Alors se déchaîna, contre les témoins du Christ, l’impétueuse fureur des nations alors coula à grands flots le sang d’une multitude de martyrs ; et, fécondée par ce sang précieux, la semence divine produisit pour l’Église une moisson plus abondante, une moisson si abondante, que le monde entier en fut rempli : nous en sommes témoins. En sa qualité de chef et en sa qualité de corps, Jésus-Christ est sorti des mains de ces hommes de sang ; oui, il est délivré des hommes de sang, qui ont autrefois vécu, qui vivent aujourd’hui et qui vivront plus tard : il est sorti d’entre leurs mains, et pour le passé, et pour le présent et pour l’avenir, car en Jésus-Christ nous devons voir le Christ tout entier, puisqu’en sa personne seront délivrés des hommes de sang les chrétiens fidèles d’aujourd’hui, d’hier et des siècles futurs : on ne dira jamais sans raison : « Délivrez-moi des hommes de sang ».
6. « Car ils ont tendu des filets à mon âme[7] ». Ils ont eu le pouvoir de me saisir et de me

  1. Mt. 28,13
  2. Ps. 58,2
  3. Id. 3
  4. Mt. 27,23-25
  5. Act. 7,58
  6. Ps. 71,14
  7. Id. 58,4