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aller à l’église ? Tel et tel y vont tous les jours et ne mettent en pratique rien de ce qu’ils y entendent. Au moins écoutent-ils déjà ; et, puisqu’ils écoutent, prennent-ils le moyen de bien agir ensuite. Mais toi, combien tu es loin d’agir, puisque tu t’écartes si vite et si loin pour ne pas même entendre ! Mais, diras-tu encore, je ne bâtis pas sur le sable. Lorsque le torrent viendra fondre sur toi, il te trouvera exposé sans défense à l’impétuosité de ses flots : crois-tu qu’à cause de cela il ne t’emportera pas ? penses-tu que l’abondance de l’eau du ciel t’en épargnera davantage ? est-ce que la violence de la tempête te laissera debout ? – Je viendrai donc et j’écouterai. – Oui, tu viendras, et quand tu auras écouté, tu agiras. Car si tu écoutes sans agir, c’est comme si tu bâtissais sur le sable. Ne point élever d’édifice, c’est demeurer sans abri contre les éléments du dehors ; en élever un sur le sable, c’est s’exposer à une ruine certaine ; reste donc le devoir de bâtir sur la pierre et de se conduire suivant les leçons qu’on a reçues.


PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME 58

PREMIÈRE PARTIE DU PSAUME. – HUMILITÉ.

Ce psaume désigne Jésus-Christ et l’Église sous la figure de David, comme sous celle de Saül il désigne les Juifs et les impies. Saül ne put cerner la maison où David se cachait ; les Juifs ne purent empêcher ni la vérité de la résurrection d’être connue, ni les Apôtres de la prêcher. Jamais la force dont ils se vantaient n’a été capable de prévaloir contre l’humilité du Sauveur, car Dieu a soutenu cette vertu de son Fils ; il a fait connaître ce qu’elle couvrait de son voile ; il l’a récompensée. En effet, le Seigneur a manifesté la divinité de Jésus-Christ malgré les ignominies de sa passion ; puis il a récompensé son humilité en amenant au repentir et à la foi les Gentils et une partie des Juifs. Ceux d’entre eux qui n’ont fait ni aveu ni pénitence de leur faute, sont la preuve que nous ne devons chercher notre force qu’en Dieu, et doivent nous servir d’exemple, car ils ont été dispersés et tous leurs desseins contre le Christ sont devenus inutiles. Ceux au contraire qui ont profité de la mort du Sauveur ont trouvé dans l’humilité le principe de leur perfection et le pardon de Dieu ; de la sorte, et par l’effet de sa miséricorde ou de sa vengeance, le Seigneur domine les pécheurs et les justes, les Juifs et les Gentils.


1. L’Écriture a coutume d’indiquer, aux titres des psaumes, les secrètes vérités qu’ils renferment, et d’orner la tête de chacun d’eux de l’énoncé de ces grands mystères, pour nous instruire d’avance du sens caché que nous y trouverons en l’étudiant ; ainsi lisons-nous, au frontispice d’une maison, ce qui s’y passe, le nom de celui qui l’habite ou à qui elle appartient. Voilà pourquoi se trouve écrit, au commencement de ce psaume, ce que j’appellerais un titre de titre. Car il porte : « Pour la fin. N’altère rien, pour David sur l’inscription du titre ». Voilà bien ce que j’ai appelé un titre de titre. Quelle est l’inscription de ce titre qu’il ne faut pas altérer ? L’Évangile lui-même nous le dit. Lorsque le Sauveur fut attaché à la croix, une inscription rédigée par Pilate fut placée au-dessus de lui ; elle était ainsi conçue Voilà le Roi des Juifs, et se trouvait écrite en hébreu, en grec et en latin[1], les trois principales langues de l’univers. Le roi des Juifs a été crucifié ; les Juifs ont crucifié leur Roi ; mais, en le crucifiant, ils en ont fait le Roi des gentils, plutôt qu’ils ne l’ont fait mourir. Autant que faire se pouvait, ils ont anéanti le Christ ; mais ç’a été à leur détriment, et à notre profit, puisqu’il est mort pour nous et qu’il nous a rachetés au prix de son sang. Nous sommes à même de le voir aujourd’hui : l’inscription de sa croix n’a pas été altérée ; il est le Roi des gentils : il est le Roi des Juifs eux-mêmes. En effet, pour s’être opposés à la rédaction de son titre, sont-ils parvenus à détruire sa puissance royale ? Il est Roi, et il exerce son empire, même sur eux. Car il porte en ses mains un sceptre de fer ; et, armé de ce sceptre, il gouverne et brise ses

  1. Lc. 23,38