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ses membres, arriver à la même gloire. « Ils seront anéantis comme l’eau qui court dans le lit d’un torrent. Le Seigneur a bandé son arc, jusqu’à ce qu’ils soient réduits à la défaillance ». Le Seigneur ne cesse de nous faire entendre ses menaces : ses menaces, voilà son arc ; il tend son arc, il ne frappe pas encore. « Il a bandé son arc jusqu’à ce qu’ils soient réduits à la défaillance » Il en est beaucoup qui sont tombés en défaillance ; car, en le voyant bander son arc, ils ont eu peur. Voilà le motif qui a fait défaillir Saul, et lui a fait dire : « Seigneur, que dois-je faire pour me montrer soumis à vos ordres ? Je suis », répondit le Sauveur, « je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes »[1]. En lui parlant ainsi du haut du ciel, Dieu bandait son arc, Après avoir été ses ennemis, plusieurs se sont sentis faiblir et se sont convertis, n’osant point lever longtemps la tête contre Dieu, qui ne cessait de tendre contre eux son arc. Ne craignons pas de défaillir : saint Paul l’a fait avant nous : « C’est », dit-il, « quand je tombe en défaillance, que je suis plus fort ». Aussi, quand il priait Dieu de lui ôter l’aiguillon de la chair, lui fut-il répondu : « La force se perfectionne dans la faiblesse[2] ». « Il a bandé son arc jusqu’à ce qu’ils tombent en défaillance ».

17. « Ils disparaîtront comme de la cire qui se fond[3] ». Tu diras peut-être : Tous ne me ressemblent pas ; tous ne tombent pas en défaillance pour puiser la foi dans leur faiblesse, car on en voit un grand nombre persévérer dans le péché et dans la malice. Ne crains rien de leur part ; « ils disparaîtront comme de la cire qui se fond ». Ils ne tiendront pas longtemps contre toi ; leur résistance ne sera pas de longue durée ; ils seront consumés par les ardeurs mêmes de leur concupiscence. Il y a, pour ces pécheurs endurcis, une sorte de peine cachée ; à partir de ce verset jusqu’à la fin du psaume, le Prophète nous en parlera : il nous reste peu de versets à expliquer ; veuillez me prêter toute votre attention. L’avenir réserve aux pécheurs une peine d’une certaine nature ; c’est la géhenne du feu, c’est le feu éternel. Elle est de deux sortes. La peine de l’enfer, d’abord : le mauvais riche en souffrait ; après avoir relégué en dehors de sa porte le pauvre Lazare, objet de ses mépris, il eût désiré qu’une goutte d’eau, tombée du bout du doigt de ce malheureux, vînt rafraîchir ses lèvres desséchées par le feu ; et il s’écriait : « Que je souffre dans ces flammes[4] ! » Ensuite, la peine finale à laquelle seront condamnés ceux que le Seigneur placera à sa gauche en leur disant : « Allez au feu éternel, qui a été préparé au démon et à ses anges[5] ». Ces punitions seront visibles à tous les yeux, soit au moment où nous sortirons de cette vie, soit à la fin des temps, lorsque sera venu le jour de la résurrection des morts. Mais pour aujourd’hui, n’y a-t-il aucune peine réservée aux pécheurs, et le Seigneur laissera-t-il leurs iniquités impunies jusqu’à ce dernier jour ? Non, il est pour eux ici-bas une peine secrète ; nous allons vous en entretenir. L’Esprit de Dieu veut nous la faire connaître ; puissions-nous en concevoir une idée juste, y prendre garde et l’éviter ! Par là, nous nous préserverons de ces punitions terribles que je vous signalais tout à l’heure. Quelqu’un me dira peut-être : Pendant cette vie mortelle, l’homme est exposé à des peines de plus d’une sorte, à la prison, à l’exil, aux tourments, à la mort, à des douleurs et à des tribulations de tout genre. Oui, l’existence humaine est traversée de ces peines diverses, et Dieu nous en afflige, par un juste jugement de sa Providence ; elles servent à éprouver les uns et à punir les autres. Parfois il arrive que les justes se voient soumis à de pareilles épreuves et que les pécheurs en sont exempts. Le Prophète s’en était aperçu ; il avait alors senti une sorte de faiblesse dans sa démarche ; mais enfin, il s’était écrié : « Que le Dieu d’Israël est bon pour ceux qui ont le cœur droit ! Mes pieds se sont ébranlés, parce que j’ai été saisi d’indignation en u voyant la paix dont ils jouissent ». Il avait été témoin de la félicité des méchants ; il aurait presque désiré de leur ressembler, car il les voyait placés au faîte des honneurs, réussissant à merveille, nageant, en quelque sorte, dans l’abondance des biens de ce monde ; pareil à un enfant encore faible, il souhaitait recevoir de la main de Dieu tous ces avantages temporels ; ses pas devinrent donc chancelants, jusqu’au moment où il réfléchit à ce qu’il y avait à craindre ou à espérer pour l’avenir. Aussi dit-il dans le même psaume : « Je ne vois, que difficultés devant moi, jusqu’à ce que j’entre dans le sanctuaire

  1. Act. 9,5
  2. 2Co. 12,10.9
  3. Psa. 57,9
  4. Lc. 16,24
  5. Mat. 25,41