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ne suis aucune hérésie. – S’il en est ainsi, les lois précitées sont fausses, puisqu’elles émanent d’empereurs qui n’appartiennent pas à ta communion, et qu’elles désignent sous le nom d’hérétiques tous ceux qui ne sont pas de la même communion qu’eux. Mais je ne m’inquiète pas de savoir si ces lois sont vraies ou si elles sont ’fausses ; mettons de côté cette question, si tant est que c’en soit encore une : je me borne pour le moment à te demander ton opinion à ce sujet : Ces lois sont-elles vraies ? sont-elles fausses ? Si elles sont vraies, qu’on les regarde comme telles ; si elles sont fausses, pourquoi t’en servir ? Tu as fait au proconsul cette déclaration : Je suis catholique : chasse les hérétiques. Celui-ci a exigé de toi les preuves de ton assertion : tu as alors produit les actes de ton concile, et fait voir que les Maximianistes y ont été condamnés. Soit connivence, soit ignorance des choses, le proconsul a, comme juge, appliqué la loi, et tu lui as fait faire ce que tu ne veux pas faire toi-même ; car s’il a appliqué, par suite de tes sollicitations, les lois impériales, pourquoi ne pas t’en servir personnellement pour te corriger ? Il a dépossédé de son église un hérétique, et cela en vertu des lois impériales pourquoi ne pas vouloir qu’on agisse de même envers toi, d’après les mêmes lois ? Nous nous résumons : Quelle a été votre conduite en toute cette affaire ? Les Maximianistes étaient en possession de certaines églises : aujourd’hui, vous en êtes les maîtres, parce que vous en avez chassé les Maximianistes : on a fait paraître les édits des proconsuls, on a cité les actes, on a employé des huissiers, des villes ont été soulevées, et les gens chassés de leurs sièges. Pourquoi ? Parce qu’ils étaient hérétiques. En vertu de quelles lois les a-t-on dépossédés ? Réponds. En vérité, vos dents ont été brisées dans votre bouche. Si la loi est fausse, elle n’a aucune force contre ceux qui se séparent de ta croyance. Si elle est vraie, elle doit s’appliquer à toi comme à eux. Que peuvent-ils répliquer ? « Le Seigneur a brisé leurs dents dans leur bouche ». Lorsqu’ils ne peuvent, par leurs subtilités trompeuses, se glisser comme des aspics, ils emploient la violence ouverte et rugissent comme des lions. Les circoncellions se forment en bandes armées pour courir de tous côtés et commettre le crime : nul ne saurait dire ni le nombre ni la scélératesse de leurs sanglants forfaits, car ils y emploient toutes leurs forces : mais « le Seigneur a brisé aussi les mâchoires des lions ».
16. « Ils seront anéantis comme l’eau qui court dans le lit d’un torrent[1] ». Ne vous épouvantez pas à la vue de ces cours d’eau auxquels on donne le nom de torrents ; ne tremblez pas, si vous les voyez gonflés par les pluies d’hiver : leurs eaux, en s’écoulant, ne font que passer : par la violence et la rapidité de leurs flots, ils font grand bruit pour un moment ; mais bientôt ce bruit s’apaise, car ils ne sauraient longtemps garder le même niveau. C’en est déjà fini d’un grand nombre d’hérésies : pareilles à des torrents que contiennent avec peine leurs rives, elles se sont précipitées avec toute la violence dont elles se sentaient capables : elles ont eu leurs cours ; leur lit s’est desséché, et c’est tout au plus si l’on se sou-vient d’elles : à peine sait-on qu’elles ont existé. « Ils seront anéantis comme l’eau qui court dans le lit d’un torrent ».
Les hérétiques ne sont pas seuls à faire du bruit pour un moment, et à vouloir nous entraîner à leur suite : ce monde tout entier en est là. Tous les impies, tous les orgueilleux font grand bruit en frappant le rocher de leur orgueil, comme les flots rapides et pressés d’une rivière retentissent en se brisant contre leurs rives : ce sont des eaux d’hiver ; elles ne peuvent rester en place ; il faut qu’elles se rendent où les dirige leur cours ; elles doivent parvenir à leur destination c’est à ce torrent du siècle que le Seigneur s’est abreuvé, car il a souffert ici-bas, il a bu de l’eau du torrent, mais seulement en passant, parce qu’il ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs[2]. Voici comme l’Écriture s’exprime à son sujet : « Dans son chemin il boira de l’eau du torrent : c’est pourquoi il lèvera la tête[3] ». C’est-à-dire : il est mort, aussi est-il couronné de gloire ; il a souffert, aussi est-il ressuscité. Si dans son chemin, il n’avait pas consenti à boire de l’eau du torrent, il ne serait pas mort ; sa mort a été le prélude de sa résurrection ; et, parce qu’il est sorti vivant d’entre les morts, il est entré dans le séjour de la gloire. Donc, « il boira dans son chemin de l’eau du torrent, et à cause de cela, il lèvera la tête ». Notre chef est aujourd’hui exalté ; puissions-nous, puisque nous sommes

  1. Ps. 57,8
  2. Id. 1,1
  3. Id. 109,7