Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/642

Cette page n’a pas encore été corrigée

convainc d’erreur ; ils n’ont rien à dire contre l’Église. À quoi sont-ils réduits ? À nous dire : Pourquoi nous chercher ? Que nous voulez-vous ? Retirez-vous de nous. À dire à leurs partisans : Que personne d’entre vous n’engage de conversation avec eux ! Ne les fréquentez pas, ne les écoutez pas. Leur fureur est pareille à celle des serpents, « à la fureur d’un aspic sourd, qui se bouche les oreilles, et qui n’entend ni la voix de l’enchanteur, ni la voix du médicament que lui prépare le sage ». D’après ce passage, n’est-il pas facile d’imaginer de quel remède veut parler le Prophète, puisqu’il y est question de la voix ? Est-ce qu’un médicament aune voix ? Oui, il est un remède qui peut parler ; ce remède, nous vous l’apportons ; écoutez donc ce qu’il vous dit, mais non à la manière d’un aspic sourd. « Enfants des hommes, si vous parlez « vraiment selon la justice, que vos jugements soient justes ». C’est la parole « du remède », mais « du remède préparé par le sage ». Car Jésus-Christ est venu pour accomplir la loi et les Prophètes[1], pour affermir la vérité elle-même, pour établir enfin les deux commandements, qui renferment toute la loi et tous les Prophètes[2].
10. On dit que, pour boucher parfaitement ses oreilles, l’aspic presse l’une contre terre, et qu’à l’aide de sa queue, il ferme l’autre. Voulons-nous voir encore en cela un autre mystère ? Demandons-nous quel est le sens de ce fait ? Dans la queue, il faut voir le symbole des choses passées, qui sont derrière nous ; nous devons donc tourner le dos au passé, pour porter notre attention vers ce qu’on nous promet ; ne nous attachons donc d’affection ni à notre vie passée, ni à la vie présente ; c’est l’avis que nous donne l’Apôtre : « Quel fruit », nous dit-il, « avez-vous retiré de ce qui vous fait maintenant rougir[3] ? » Il nous défend par là de nous rappeler avec plaisir le passé ; par là, aussi, il arrête le désir secret d’en jouir encore, et ainsi nous empêche-t-il de reporter nos affections dans la terre d’Égypte. Pour le présent, en quels termes nous commande-t-il de le mépriser ? « Nous ne regardons point les choses visibles ; nous ne considérons que les choses invisibles. Les choses visibles appartiennent au temps et passent vite ; mais les choses invisibles sont éternelles[4] ». Il raisonne de la même manière au sujet de la vie présente : « Si nous espérons en Jésus-Christ seulement en ce qui regarde la vie présente, nous sommes les plus misérables de tous les hommes »[5]. Oublie donc le passé ; car, pendant son cours, tu as mal vécu ; méprise le présent, parce qu’il s’écoule avec rapidité, et qu’en y attachant tes affections, tu trouverais en lui l’obstacle le plus sérieux à l’acquisition des biens à venir. Si la vie présente fait ton bonheur, tu appliques une oreille contre terre ; et, si le passé te charme encore, malgré la vitesse avec laquelle il s’éloigne de toi, tu fermes avec la queue ton autre oreille. Va donc au jour, c’est ton devoir ; écoute la voix du remède que t’a préparé le sage ; sors des ténèbres ; ainsi marcheras-tu à la lumière, et pourras-tu dire, dans le sentiment de la joie : « J’oublie ce qui est derrière moi, et je m’avance vers ce qui est devant moi[6] ». L’Apôtre ne dit pas : J’oublie ce qui est passé, pour mettre mon bonheur dans le présent. En affirmant qu’il oublie le passé, il montre qu’il ne se sert pas de la queue pour fermer l’une de ses oreilles ; et, en ajoutant qu’il s’avance vers les choses de l’avenir, il fait preuve de n’être point assourdi par les affaires du moment. Puisqu’il entend, il est juste qu’il prêche ensuite, qu’il se livre aux transports de la joie, et que, sous l’influence de ce sentiment d’allégresse, il se dépouille de son premier vêtement et vienne au grand jour annoncer la vérité.
Le serpent fait encore un autre emploi de sa malice, et, sous ce rapport, le Seigneur nous engage à l’imiter : « Soyez », nous dit-il, « soyez malins comme des serpents[7] ». Qu’est-ce à dire, « malins comme des serpents ? » Pour mettre sa tête à l’abri des coups de son adversaire, le serpent lui présente le reste de son corps. Agis de même, car la tête de l’homme, c’est le Christ[8]. Mais tu es appesanti par le poids de ta première peau, si j’ose parler ainsi, et par la lourdeur du vieil homme ; aussi l’Apôtre nous adresse-t-il cet avertissement : « Dépouillez-vous du vieil homme, et revêtez-vous de l’homme nouveau[9] ». – Comment, diras-tu, comment me dépouiller du vieil homme ? – Imite la malice du serpent. Que fait-il pour se dépouiller de sa vieille peau ? Il se force à passer par

  1. Mt. 5,17
  2. Id. 22,40
  3. Rom. 6,21
  4. 2 Cor. 4,18
  5. 1 Cor. 15,19
  6. Phil. 3,13
  7. Mt. 10,16
  8. 1 Cor. 11,3
  9. Col. 3,9-10