Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/624

Cette page n’a pas encore été corrigée

de ce jour, et il nous rappelle la charité de Jésus-Christ qui a donné sa vie pour nous, afin que nous donnions aussi la nôtre pour nos frères[1]. Il y a donc entre l’Évangile d’aujourd’hui et ce psaume, rapport et accord : nous pouvons apprendre par la lecture de l’un et de l’autre combien Notre-Seigneur nous a aimés en donnant sa vie pour nous, puisque le LVIe psaume a trait à sa passion. Vous savez déjà, sans aucun doute, que considéré dans son entier, le Christ est en même temps tête et corps. Comme tête, notre Sauveur a souffert sous Ponce-Pilate, il est ressuscité ensuite d’entre les morts, et il est maintenant assis à la droite de son Père son corps, c’est l’Église ; non pas telle ou telle Église, mais l’Église répandue dans tout l’univers : cette Église qui comprend tout à la fois les hommes aujourd’hui vivant dans son sein, et ceux qui lui ont appartenu dans les siècles passés, et ceux qui lui appartiendront après nous jusqu’à la fin des siècles. Dans son intégrité, l’Église se compose de tous les fidèles, parce qu’ils sont tous membres du Christ ; elle a sa tête dans le ciel, d’où celle-ci gouverne le reste du corps. Le corps est privé de la vue de son divin Chef, mais il lui est uni par les liens de la charité. Puis donc que le Christ, envisagé dans son entier, est en même temps tête et corps, nous devrons comprendre en ce sens les mots de tête et de corps, et les lui appliquer, toutes les fois que nous les rencontrerons dans la lecture de n’importe quel psaume. Le Sauveur n’a pas voulu que dans ces différents passages on parlât de lui sans parler de nous, puisqu’il n’a pas voulu s’en séparer ; n’a-t-il pas dit, en effet : « Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles[2] ? » S’il est avec nous, il parle en nous, il parle de nous, il parle par nous : de même, parlons-nous en lui, et disons-nous pour cela la vérité, tandis que nous tombons dans l’erreur et le mensonge dès que nous voulons parler en nous-mêmes et d’après nous.
2. Ce psaume a donc trait à la passion du Seigneur : aussi commence-t-il par ces mots « Pour la fin[3] ». Jésus-Christ est la fin. En quel sens ? Il est la fin, non pour consumer, mais pouf’ consommer. Consumer, c’est détruire : consommer, c’est conduire à la perfection. Quand nous disons qu’une chose est finie, nous parlons de sa fin, mais nous n’entendons pas toujours ce mot dans le même sens. Si nous disons que le pain est fini, que le vêtement est fini, nous n’attachons pas à ces paroles une signification analogue. Le pain est fini, quand il est mangé ; le vêtement est fini, quand il est terminé. Le pain est détruit, le vêtement est parfait. Le Christ est donc la fin de notre entreprise ; quels que soient, en effet, nos efforts, c’est en lui et par lui que nous nous perfectionnons, et notre perfection consiste à parvenir jusqu’à lui : et lorsque tu y seras parvenu, tu n’auras plus d’autre but à atteindre, car il est ta fin. Ton voyage n’a d’autre but que l’endroit où tu vas ; une fois arrivé là, tu y restes. Ainsi celui vers qui tu te diriges, est la fin de tes recherches, de tes projets, de tes efforts, de tes intentions : dès que tu seras parvenu à le posséder, tu ne désireras plus rien, parce que tu ne saurais posséder rien de meilleur. Jésus-Christ nous a donc donné l’exemple de la vie que nous devons mener en ce monde : il nous donnera, dans l’autre, la récompense de notre fidélité à suivre ses traces.
3. « Pour la fin. Ne corromps rien, pour David sur l’inscription du titre ; lorsqu’il fuyait de devant la face de Saül dans une caverne ». Si nous nous reportons à la sainte Écriture, nous verrons que le saint roi d’Israël, David, qui a donné son nom au Psautier, a été persécuté par Saül, aussi roi du même peuple ; beaucoup d’entre nous le savent pour avoir lu ou entendu lire les Écritures[4]. Saül devint donc le persécuteur de David : l’un était violent, et l’autre d’un caractère extrêmement doux ; celui-ci se montrait aussi simple, aussi patient, aussi bienfaisant que celui-là se montrait jaloux, cruel et ingrat. David usa de tant de ménagements à l’égard de Saül, qu’ayant vu tomber celui-ci entre ses mains, il ne lui fit aucun mal et ne le toucha pas même du bout du doigt. Dieu lui ménagea l’occasion de faire mourir son persécuteur : il préféra lui pardonner et lui laisser la vie. Un pareil bienfait ne désarma point Saül ; il continua de tendre des embûches à son bienfaiteur. Au moment où ce roi, déjà réprouvé de Dieu, persécutait celui qui était choisi d’avance pour lui succéder, David s’éloigna de la présence de Saül, et se réfugia dans une caverne.

  1. Jn. 3,16
  2. Mt. 28,20
  3. Ps. 56,1
  4. 2 Sa. 24,1-4