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on le frappe, on lui tire les oreilles, on le traîne par les bras, on le conduit à l’école. « Vous conduirez les peuples dans votre colère ». Combien sont entrés dans la maison de Dieu, combien ont contribué à la remplir, qui s’y sont trouvés amenés par sa colère ! Accablés de tribulations, ils se sont vus remplis de foi. La tribulation nous secoue, comme on secoue un vase pour en faire sortir les immondices qu’il contient, et alors la grâce vient remplir notre âme. « Vous conduirez les peuples dans votre colère ».
14. « Seigneur, je vous ai fait connaître ma vie ». Vous m’avez accordé le bienfait de la vie : voilà pourquoi je vous l’ai fait connaître. Est-ce que Dieu ignore quel don il t’a fait ? Pourquoi donc le lui annonces-tu ? Aurais-tu la prétention de lui apprendre quelque chose ? Non, sans doute. Pourquoi donc le Prophète dit-il : « Je vous ai fait connaître ? » Serait-ce, Seigneur, parce que cette connaissance pourrait vous être utile ? Quel avantage le Seigneur pourrait-il en tirer ? Dieu y gagne pour sa gloire. Quand l’apôtre saint Paul disait : « J’ai été d’abord un blasphémateur, un pécheur, un homme injuste », comment faisait-il connaître sa vie ? Il la faisait connaître en ajoutant : « Mais j’ai obtenu miséricorde[1] ». Il a annoncé sa vie, non pour lui-même, mais pour Dieu : car il l’a annoncée de manière à en amener d’autres à la foi ; il l’a annoncée, non pour son propre avantage, mais pour l’avantage de la cause de Dieu. En effet, il ajoute : « Car Jésus-Christ est mort et il est ressuscité, afin que celui qui vit ne vive plus pour lui-même, mais pour celui qui est mort en faveur de tous[2] ». Si tu vis, ce n’est pas de toi-même que tu tiens ce bienfait, parce que c’est Dieu qui te l’a accordé ; fais-le donc connaître, non pour toi, mais pour lui ; ne cherche point ton intérêt, ne vis pas pour toi : vis pour celui qui est mort en faveur de tous. L’Apôtre, parlant de certains réprouvés, ne dit-il pas : Ils cherchent tous leur avantage, et ils oublient les intérêts de Jésus-Christ ?[3] Si, de la connaissance que tu donnes de ta vie, tu cherches à tirer ton utilité personnelle au lieu d’en tirer celle des autres, c’est pour toi que tu la fais connaître, et non pour Dieu. Mais si tu l’annonces de manière à exciter le prochain à la recevoir lui-même de la main qui te l’a donnée, tu l’annonces pour la gloire de ton bienfaiteur ; aussi recevras-tu une plus ample récompense, par cela même que le don de Dieu n’a pas trouvé en toi un ingrat. « Seigneur, je vous ai fait connaître ma vie, vous avez mis mes larmes en votre présence ». Vous avez exaucé ma prière. « Selon la promesse que vous m’en avez faite ». Votre conduite envers moi a répondu à vos promesses. Vous m’aviez dit que vous écouteriez le cri de ma douleur : j’ai cru à votre parole, j’ai pleuré, et vous m’avez exaucé. Par vos promesses vous avez montré une miséricorde infinie à mon égard, et vous avez manifesté votre infaillible véracité par votre fidélité à les accomplir. « Selon la promesse que vous m’en aviez faite ».
15. « Que mes ennemis retournent en arrière[4] ». C’est pour leur bien, et non pour leur malheur, que le Prophète exprime ce désir : la cause de leur persévérance dans le mal se trouve dans leur persistance à marcher toujours devant eux. Tu engages ton ennemi à bien vivre, à se corriger : il méprise tes conseils, il rejette bien loin tes avis : Voilà, dit-il, un grand personnage pour me donner des conseils ! Voilà un grand docteur pour m’instruire ! Il prétend l’emporter sur toi, et, parce qu’il se regarde comme supérieur à toi, il ne se corrige pas. Il ne remarque pas que tes paroles ne sont pas de toi ; il ne remarque pas que tu fais connaître ta vie, non pour toi-même, mais pour Dieu : il veut marcher le premier, et il ne se corrige pas : il serait avantageux pour lui de se retourner en arrière, et de marcher à la suite de celui qu’il voudrait précéder. Avant sa passion, le Sauveur entretenait ses disciples des douleurs qu’il devait alors endurer ; Pierre, saisi d’horreur, s’écria : « Non. Seigneur, il n’en sera pas ainsi ». Il avait dit, peu de temps auparavant : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant », et il avait reconnu sa divinité ; et déjà il tremblait de le voir mourir, comme s’il ne voyait plus en lui qu’un homme. Mais le Seigneur était venu en ce monde pour souffrir, et nous ne pouvions arriver au salut qu’à la condition d’être rachetés au prix de son sang. Au moment où Pierre avait confessé hautement sa divinité, Jésus l’avait félicité et lui avait dit : « Ce n’est ni la chair ni le sang qui te l’ont révélé, mais c’est mon Père, qui est dans le ciel. C’est pourquoi tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes

  1. 1 Tim. 1,13
  2. 2 Cor. 5,15
  3. Phil. 2,21
  4. Ps. 55,10