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DISCOURS SUR LE PSAUME 55

PRÊCHÉ À CARTHAGE.

CONFIANCE DURANT L’ÉPREUVE.

Comme David, comme le Sauveur surtout, les justes sont ici-bas tourmentés par les pécheurs ; malgré leurs souffrances, ils sont à l’abri de la crainte, ils sont confiants et tranquilles, parce qu’en réalité leurs ennemis ne peuvent leur faire de mal ; parce que la tribulation nous perfectionne et nous rend pareils à Jésus-Christ ; parce que les méchants se convertiront eux-mêmes plus tard, sous l’influence de la colère divine et de leur propre humilité ; parce qu’enfin Dieu est un bon Père, qui récompensera les justes de leur affectueux dévouement pour lui. Assurés de leur délivrance comme s’ils en étaient déjà les témoins, ils s’attachent au Seigneur d’une manière plus parfaite, et lui offrent leur cœur comme une louange digne de lui.


1. Lorsque nous sommes sur le point d’entrer dans une maison, nous portons nos regards sur le frontispice, afin d’y lire le nom de celui qui l’habite et de celui à qui elle appartient ; par là, nous évitons de pénétrer mal à propos où il ne faut pas, et de nous tenir par timidité en dehors d’une maison où nous pourrions entrer. De même qu’au portail de cette habitation se trouve cette inscription : Cet immeuble appartient à tel ou tel propriétaire, ainsi lisons-nous en tête de ce psaume le titre suivant : « Pour la fin ; pour le peu ple qui s’est éloigné des saints ; à David, pour l’inscription du titre, lorsque les étrangers le prirent dans Geth ». Voyons quel est ce peuple qui s’est éloigné des saints, pour l’inscription du titre. Ce psaume a trait à David, et, vous le savez déjà, ce nom doit être entendu dans un sens spirituel, car il est, à vrai dire, question ici de celui-là seul dont l’Apôtre a dit : « Le Christ est la fin de la loi pour la justification de ceux qui croient[1] ». Aussi, quand tu lis : « Pour la fin », porte tes regards vers le Christ, dans la crainte de t’arrêter en chemin et de ne point parvenir au but. Car n’importe où tu t’arrêtes, si tu ne t’es pas encore élevé jusqu’au Christ, la sainte Écriture ne te dit rien autre chose que ceci : Marche ! car, dans l’endroit où tu es, la sécurité te se trouve pas encore. Il est un lieu où l’on peut s’établir en toute sûreté ; il est une pierre sur laquelle s’élève une maison solide qui n’a rien à craindre ni de la pluie, ni de la tempête. Les fleuves ont rompu leurs digues, et leurs eaux furieuses sont venues la battre en brèche, et elle ne s’est pas écroulée, parce qu’elle était bâtie sur la pierre[2] ; et cette pierre, c’était le Christ[3]. C’est le Christ qui est désigné sous le nom de David, car il a été dit de lui : « Il est né, selon la chair, de la race de David[4] ».
2. Quel est donc ce peuple qui s’est éloigné des saints, pour l’inscription du titre ? Ce titre lui-même va nous le dire. Pendant la passion du Seigneur, au moment où il fut attaché à la croix, on écrivit une inscription, car il y en avait une là, et elle était écrite en hébreu, en grec et en latin : « Voici le roi des Juifs » ces trois langues étaient comme trois témoins appelés à confirmer l’authenticité de ce titre, parce que toute parole tire son autorité de la déposition de deux ou trois témoins[5]. À la lecture de ce titre, les Juifs s’indignèrent et dirent à Pilate : « Garde-toi d’écrire : C’est le Roi des Juifs ; mais : Il s’est dit le Roi des Juifs ». Écris donc ses paroles, et n’écris pas que ce qu’il a dit est vrai. Mais parce que ces paroles d’un autre psaume sont vraies « Ne change rien à l’inscription du titre », Pilate répondit : « Ce que j’ai écrit est écrite. Comme s’il avait voulu dire : Si vous aimez la fausseté, moi je n’altère pas la vérité. Les Juifs regardèrent cette réponse comme un outrage ; ils en devinrent furieux et s’écrièrent : « Nous n’avons point d’autre roi que César »[6] ; et parce qu’ils se trouvaient offensés de la teneur de l’inscription, ils s’éloignèrent des saints. Que ceux qui reconnaissent et disent que Jésus-Christ est leur Roi, s’approchent des saints et s’attachent fortement au Saint par excellence ; mais que ceux qui ont protesté contre l’inscription placée au-dessus du Christ, qui ont refusé de reconnaître

  1. Rom. 10,4
  2. Mt. 7,25
  3. 1 Cor. 10,4
  4. Rom. 1,3
  5. Deut. 19,15 ; Ps. 56,1
  6. Jn. 19,15-22