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Dieu ; et, si tu veux agir ainsi, que personne ne se substitue à lui. « Jette sur lui ta sollicitude ». Vois comment saint Paul, ce grand soldat de Jésus-Christ, a défendu aux petits de se décharger sur lui-même de tous leurs soins, « Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? ou bien, est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés[1] ? » N’était-ce pas leur dire : « Déchargez-vous sur le Seigneur de « tous vos soins, et il vous nourrira ? » Aujourd’hui un enfant veut se jeter avec sa sollicitude dans les bras du Seigneur, et voilà que je ne sais quel étranger se présente à lui, et lui dit : C’est moi qui te reçois. Cet enfant ressemble à un vaisseau qui est devenu le jouet de la tempête, et l’étranger lui dit : Je te reçois. Réponds-lui : Je cherche un port afin de m’y réfugier, et non pas un rocher pour me briser contre lui : « Jette dans le sein de « Dieu ta sollicitude, et il te nourrira », et vois bien qu’il est comme un port où tu trouveras ton salut. « Il ne permettra pas que le « juste soit éternellement agité ». Tu sembles ballotté au gré des flots de la mer orageuse de cette vie : tu arriveras au port ; seulement, avant d’y entrer, aie soin de ne pas laisser briser le câble qui te relient à l’ancre : maintenu par l’ancre, le vaisseau peut être agité : jamais la tempête ne le pousse loin du rivage, et, bien qu’il soit agité aujourd’hui, il ne le sera pas toujours. C’est à celle agitation que le Prophète faisait tout à l’heure allusion, quand il disait : « Je me suis affligé dans mon a exercice, et je me suis troublé : j’attendais « celui qui devait me délivrer du découragement et de la tempête ». Lorsqu’il parlait, il était en proie à l’agitation, mais il ne devait pas être toujours agité, car il était fortement retenu à l’ancre, et cette ancre était son salut. « Il ne permettra pas que le juste soit éternellement agité ».
25. Mais que deviendront les impies ? « Pour vous, Seigneur, vous les conduirez dans un puits de corruption[2] ». Ce puits de corruption désigne un abîme de ténèbres. « Vous « les conduirez dans un puits de corruption » : parce que, quand un aveugle en conduit un autre, ils tombent tous les deux dans le précipice[3]. Dieu les conduit dans le puits de la corruption, non parce qu’il est l’auteur de leurs fautes, mais parce qu’il est le juge de leurs iniquités : il les a abandonnés aux passions de leur cœur[4] : car ils ont préféré les ténèbres à la lumière ; ils ont mieux aimé être aveugles que jouir de la vue. Le Seigneur Jésus a brillé aux yeux de l’univers entier : qu’ils s’unissent donc à tous les autres hommes, et qu’ils chantent : « Il n’y a personne qui « puisse se dérober à l’ardeur bienfaisante de « ses rayons ^ ». Mais non ; ils se sont séparés de tous pour s’attacher à. un seul : ils ont quitté tout le corps pour suivre un membre pourri ; ils ont abandonné la vie pour se jeter dans la mort : quel sera leur châtiment, sinon de tomber dans le puits de la corruption ?
26. « Les hommes de sang et d’hypocrisie ». Le Prophète les appelle a hommes de « sang », en raison de l’influence désastreuse et meurtrière qu’ils exercent autour d’eux : si seulement ils se bornaient à tuer les corps, sans toucher aux âmes ! Le sang qui s’échappe d’une plaie corporelle fait mal à voir : mais voit-on saigner le cœur de celui qu’on a rebaptisé ? Un spectacle pareil ne frappe que les regards de l’âme. Les circoncellions ne se font pas faute de commettre des meurtres visibles, et, par conséquent, nous pouvons les appeler à la lettre « des « hommes de sang ». Considère leurs armes, et dis-moi s’ils ne sont pas plutôt des hommes de sang que des hommes de paix. Ils ne se contentent pas de porter en leurs mains des bâtons : on y voit encore des frondes, des haches, des pierres, des lances : munis de ces instruments dangereux, ils se répandent et pénètrent partout où ils peuvent : ils ont soif du sang innocent ; ils sont donc, à vrai dire, a des hommes de sang ». Quoi qu’il en soit, nous serions encore tentés de dire : Plaise à Dieu que de tels hommes se bornent à faire mourir les corps sans faire périr les âmes ! Et qu’ils ne se l’imaginent pas : nous ne détournons point de leur sens les paroles du Psalmiste, quand nous appelons « hommes de sang », ceux qui tuent les âmes, car ils ont donné le même nom à leurs Maximianistes, Ils les ont, en effet, condamnés, et, dans la sentence de condamnation prononcée contre eux, les membres de leur concile ont dit : « Leurs pieds sont prompts et légers pour répandre le sang : l’affliction et le malheur a se trouvent dans leurs voies, ils n’ont point connu le chemin de la paix[5] ». Voila ce qu’ils ont dit des Maximianistes. Et moi, je

  1. 1 Cor. 1, 13
  2. Ps. 54, 24
  3. Mt. 15, 14
  4. Rom. 1, 24
  5. Rom. 13, 3