Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/604

Cette page n’a pas encore été corrigée

cette idole : un pareil homme est singulièrement loin de moi. Mais quand je dis à quelqu’un : Es-tu chrétien ? et qu’il me répond : Oui, je le suis ; j’ai près de moi mon ennemi : sa proximité est dangereuse. « Il rachètera mon âme dans la paix ; il la délivrera de ceux qui s’approchent de moi, car ils étaient avec moi en beaucoup ». Pourquoi ai-je dit qu’ils s’approchent de moi », sinon parce qu’ « ils étaient avec moi en beaucoup ? » Ce verset a deux sens. « Ils étaient avec moi en beaucoup de choses ». Nous avions les uns et les autres le même baptême : en cela, ils étaient avec moi ; nous lisions le même Évangile : en cela, ils étaient avec moi. Nous célébrions ensemble les fêtes des martyrs : en cela, ils étaient avec moi. Nous solennisions la même fête de Pâques : en cela encore, ils étaient avec moi. Mais nous n’étions pas tout à fait d’accord, car je n’étais avec eux ni dans le schisme, ni dans l’hérésie. Unis en beaucoup de points, nous différions en quelques-uns ; mais, parce qu’ils sont en désaccord avec moi sur un petit nombre de choses, il ne leur sert de rien de s’accorder avec moi sur beaucoup d’autres. Car voyez, mes frères, combien de choses nous énumère saint Paul, qui pourtant nous deviennent inutiles, dès qu’une seule nous manque, a Quand », dit-il, « je parlerais le langage des hommes et des « anges eux-mêmes, quand j’aurais le don de prophétie, quand je pénétrerais tous les mystères et que j’aurais une parfaite science a de toutes choses, quand je transporterais les montagnes, que je distribuerais mon bien « aux pauvres et que je livrerais mon corps au supplice du feu » : que de choses il énumère ! et pourtant, que la charité manque au milieu de ce merveilleux ensemble, elle l’emportera toute seule sur toutes les autres qualités, si nombreuses qu’elles soient[1]. D’accord avec moi dans foules les pratiques religieuses, ils en diffèrent sous le rapport de la charité, car ils ne l’ont pas. « Ils étaient avec moi en « beaucoup de choses ». Autre sens : « Parce qu’ils étaient avec « moi en beaucoup », ceux qui se sont séparés de moi étaient avec moi, non pas en petit nombre, mais en grand nombre. Sur toute la surface de la terre, il y a peu de bon grain, mais beaucoup de paille. Que veut donc dire le Prophète ? Ils étaient avec moi comme de la paille ; ils n’y étaient pas comme du bon grain : la paille, je le veux bien, est proche, voisine du froment : tous deux viennent de la même semence ; le même champ les produit tous deux ; à l’une et à l’autre la même pluie donne la même sève ; à tous deux sont réservés le même moissonneur, le même fléau, le même van, mais non le même cellier : « Parce qu’ils étaient avec « moi en grand nombre ».
20. « Dieu m’exaucera, et il les humiliera, « lui qui est avant tous les siècles ». Car ils ont placé leur confiance dans je ne sais quel chef, qui s’est mis à leur tête et qui n’est que d’hier. « Celui qui est avant tous les siècles « les humiliera ». Quoique le Christ soit né, dans le temps, de la Vierge Marie, néanmoins « le Verbe était au commencement », avant tous les siècles, « et le Verbe était en « Dieu, et le Verbe était Dieu[2] ». Celui qui est « avant tous les siècles, les humiliera, car il « n’y a pas de changement pour eux ». Je parle de ceux pour lesquels il n’y a pas de changement. Il savait que quelques-uns persévéreraient dans la méchanceté et y mourraient. Nous le voyons, en effet, il n’y a pas de changement pour eux. Ceux-là ne changent pas, qui meurent dans le dérèglement, dans le schisme ; Dieu les humiliera, parce qu’ils se sont élevés par leur séparation ; ils seront humiliés par leur condamnation. Il n’y a point de changement pour eux, car on ne peut appeler de ce nom le mouvement d’une personne, non vers le bien, mais vers le mal : ils ne changeront ni maintenant, ni au moment de la résurrection, car nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés[3]. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de changement pour eux, et qu’ils n’ont pas craint Dieu. Mes frères, je ne vois à cela qu’un remède : c’est qu’ils craignent le Seigneur et qu’ils abandonnent le parti de Donat. Tu dis à un donatien : Tu périras dans l’hérésie, dans le schisme ; il faut que Dieu te punisse de ton infidélité ; tu seras condamné, il est inutile de te flatter ; ne prends point un aveugle pour ton guide, « car si un aveugle 8 en conduit un autre, ils finissent par tomber tous deux dans le précipice[4] ». Peu m’importe : je vivrai aujourd’hui comme j’ai vécu hier : ce qu’ont été mes parents, je le serai moi-même. – Tu ne crains pas Dieu. –

  1. 1 Cor. 13,1 et suiv.
  2. Jn. 1, 1
  3. 1 Cor. 15, 31
  4. Mt. 15, 11