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et lui dire : « Est-ce que David n’est point caché chez nous[1] ? » Cet acte de lâcheté ne leur fut d’aucun profit, comme il ne fut pour David la cause d’aucun mal : il ne servit qu’à manifester clairement la méchanceté de leurs dispositions. Pas plus après leur trahison qu’auparavant, Saül ne réussit à s’emparer de David ; et même, comme il se trouvait dans une caverne de ce pays, et, à vrai dire, sous la main de David, celui-ci ne voulut point en profiter pour le faire mourir : il renonça à l’occasion favorable qui se présentait, et lui fit grâce de la vie[2]. Pour Saül, il lui fut impossible de mettre à exécution ses projets homicides.
2. Peu nous importe de connaître la valeur morale des Ziphéens ; occupons-nous de ceux que le Psalmiste veut nous désigner sous ce nom. Si nous cherchons la signification de ce mot, nous trouverons qu’il veut dire : florissants, éclatants. Les ennemis du saint roi David brillaient de je ne sais quel éclat : ils paraissaient au grand jour, tandis que David se cachait. Si nous voulons bien comprendre ce psaume, il nous faut savoir quelles sont, parmi les hommes, ces personnes brillantes. Voyons d’abord celles que David préfigurait en se dérobant aux regards d’autrui : il nous sera ensuite plus facile de connaître celles que ses ennemis représentaient en paraissant au grand jour. Saint Paul nous apprend quel est ce David qu’on n’aperçoit pas, lorsque, s’adressant aux membres du Christ, il leur dit : « Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu ». Et quand fleuriront ces fidèles cachés aujourd’hui ? « Lorsque Jésus-Christ, qui est votre vie, paraîtra », ajoute-t-il, « vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire[3] ». Quand ces membres du Christ fleuriront, les Ziphéens ressembleront à une herbe qui se dessèche ; car, voyez à quelle fleur l’Écriture compare leur gloire. « Toute chair n’est que de l’herbe, et tout l’éclat de la chair est comme la fleur de l’herbe ». En fin de compte, « l’herbe se dessèche, et sa fleur fanée tombe à terre ». Et quel sera le sort de David ? Écoute ce qui suit : « Mais la parole de Dieu demeure éternellement[4] ». Il y a donc ici-bas deux classes d’hommes, qu’il nous faut bien distinguer l’une de l’autre, et entre lesquelles nous devons nécessairement choisir. À quoi te servirait-il, en effet, de les connaître, si tu devais être indifférent à faire un choix ? Tu as aujourd’hui le pouvoir de choisir ; le temps viendra où ce pouvoir ne t’appartiendra plus, car alors Dieu se hâtera de rendre à chacun selon ses œuvres. Qui sont donc ces Ziphéens si brillants, sinon ce corps de Doëch l’Iduméen, dont nous avons déjà, il y a quelques jours, entretenu votre charité ? C’est d’eux qu’il a été dit : « Voilà l’homme qui n’a pas pris Dieu pour son appui, mais qui a mis son espérance dans la multitude « de ses richesses, et placé sa force dans la vanité ». Voilà bien ces enfants du siècle, dont l’Évangile a voulu notas parler, quand il nous a dit qu’ils sont dans leurs affaires plus rusés que les enfants de la lumière ; car on les voit supputer toutes les chances d’un avenir qui ne leur appartiendra peut-être pas. Vous savez quelle conduite l’économe infidèle tint à l’égard de son maître : il travailla pour lui-même aux dépens de celui-ci, en remettant à ses créanciers une partie de leur dette, afin de trouver chez eux un asile lorsqu’il serait privé de sa charge. Il avait agi de mauvaise foi, et, pourtant, son maître lui donna des louanges, non pas sans doute à cause de l’injustice qu’il avait commise, mais en raison de l’adresse qu’il avait montrée. À plus juste titre devons-nous, surtout après la recommandation expresse de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous préparer des amis avec le Mammon d’iniquité[5]. Par Mammon on entend les richesses. Nous ne devons avoir de trésor que dans le ciel, où nous habiterons éternellement. C’est pourquoi ceux-là seuls donnent à l’argent le nom de richesses, qui ne savent jeter de l’éclat que sur la terre, et qui ne veulent point s’en servir de manière à se préparer des amis pour l’éternité. La raison en est qu’ils ne connaissent pas les véritables richesses. Les pécheurs, qui brillent comme l’herbe pour un temps, sont seuls à leur donner le nom de richesses : et voilà les Ziphéens, les adversaires de David, les hommes qui jettent en ce monde un si vif éclat.
3. Parfois il arrive que des enfants de lumière, entraînés par la faiblesse humaine, portent leur attention sur de pareils hommes, et quand ils voient le bonheur sourire aux méchants, ils chancellent dans leur route, et ils

  1. 1 Sa. 23,14-15.19
  2. 1 Sa. 24,4-8
  3. Col. 3,3-4
  4. Ps. 40,6-8
  5. Lc. 16,8-9