Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/580

Cette page n’a pas encore été corrigée

 Dieu ». Et comme s’il avait trouvé ce qu’il cherchait à apercevoir en jetant ses regards du haut du ciel, il prononce ce jugement « Tous se sont écartés de la voie et sont de-« venus inutiles ; il n’y en a pas qui fassent le « bien ». De ce verset surgissent deux difficultés peu aisées à résoudre. Si Dieu regarde du haut du ciel pour voir s’il y a un homme qui ait l’intelligence ou qui cherche Dieu, l’insensé peut s’imaginer que Dieu ne connaît pas tout. Voilà la première difficulté ; voici la seconde : S’il n’y a pas un homme pour faire le bien, s’il n’y en a pas un seul, où trouver celui qui supporte au milieu des méchants des douleurs pareilles à celles de l’enfantement ? Pour résoudre la première difficulté, il faut se rappeler que l’Écriture attribue à Dieu lui-même ce que la créature fait sous l’influence de la grâce. Ainsi, par exemple, si tu prends pitié d’un pauvre, on dit que c’est Dieu qui en a pitié, parce que tu agis par son inspiration. Tu te connais toi-même, c’est lui qui t’éclaire ; si tu lui dis comme le Prophète « Seigneur, vous allumerez ma lampe, mon Dieu, vous dissiperez mes ténèbres[1] ». Mais parce qu’il t’aide à te connaître, parce qu’il te donne la connaissance de toi-même, il te connaît ; car, s’il n’en était ainsi, comment pourrait-on dire : « Le Seigneur votre Dieu vous tente pour savoir si vous l’aimez[2] ? » Que-signifie : pour savoir ? Afin de vous communiquer par sa grâce cette science. Nous devons donc entendre dans le même sens ces paroles : « Du haut du ciel le Seigneur a jeté « ses regards sur les enfants des hommes, afin « de savoir s’il en est qui aient la sagesse ou « qui cherchent Dieu ». Puisse-t-il nous venir en aide et nous accorder la faveur de mettre en pratique les bons désirs qu’il a déposés dans nos cœurs ! Selon l’apôtre saint Paul : « Nous n’avons point reçu l’esprit de ce monde, mais l’Esprit de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits ». Cet Esprit qui nous a fait connaître les-faveurs dont Dieu nous a gratifiés, nous fait aussi mettre une différence, entre ceux à qui ces faveurs ont été refusées et nous ; il nous aide à les comparer à nous et à les connaître. Si, en effet, nous comprenons que tout ce que nous possédons de bien nous vient uniquement de la bonté et de la générosité de l’auteur de tout bien, il nous sera aussi facile de comprendre que ceux à qui il n’a rien accordé ne peuvent rien avoir. Cette science nous vient de l’Esprit de Dieu, et par cela même que nous le voyons, il est dit que Dieu le voit, car il est la source de notre science. Il faut encore entendre dans le même sens ces autres paroles : « L’esprit examine tout, même ce qu’il y a de plus élevé en Dieu ». Non pas que l’Esprit examine, puisqu’il connaît tout, mais parce que Dieu te le donne pour te faire approfondir toutes choses ; et comme sa grâce te fait agir, on dit qu’il fait ce que tu ne pourrais faire sans lui, Donc, quand tu fais quelque chose, Dieu est censé le faire. C’est donc par une faveur de l’Esprit de Dieu qu’ils ont reçu, que ses enfants « jettent leurs regards sur les enfants des hommes pour voir s’il en est qui aient la sagesse ou qui cherchent Dieu ». Mais parce qu’ils le font par l’influence de sa grâce et de son Esprit, on dit que Dieu le fait, c’est-à-dire qu’il regarde et qu’il voit. Pourtant, puisque ce sont des hommes qui regardent et qui voient, pourquoi dire : « Du haut du ciel ? » Parce que saint Paul a dit : « Votre demeure est dans le ciel[3] ». N’est-ce point par le cœur que vous voyez, que vous regardez pour comprendre ? Chrétien, puisque c’est par le cœur que tu agis de la sorte, vois donc si ton cœur est en haut ; en ce cas, tu jettes du haut du ciel tes regards sur la terre ; et comme tu le fais par la grâce de Dieu, « le Seigneur jette du haut du ciel ses regards sur les enfants des hommes » ; suivant notre manière de voir on peut ainsi résoudre là première difficulté.
6. Que voyons-nous en regardant, en jetant les yeux sur les enfants des hommes ; qu’est-ce que Dieu aperçoit ? Que peut remarquer celui à qui le Seigneur fait la grâce de voir ? Écoute, je vais te le dire : « C’est que tous se sont écartés de la voie et sont devenus inutiles : il n’y en a pas qui fasse le bien, il n’y en a pas un seul ». S’il n’y en a pas qui fasse le bien, s’il n’y en a pas un seul, il n’y aura donc pas de justes pour gémir au milieu des méchants ? Attends, dit le Seigneur, ne te hâte point de te prononcer ; j’ai donné aux hommes le pouvoir de bien faire, mais avec le secours de ma grâce et non pas avec leurs propres forces ; car d’eux-mêmes ils sont méchants ; quand ils font le mal, ils sont enfants

  1. Ps. 17,29
  2. Deut. 13,3
  3. Phil. 3,20