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sacrifices », dit-il, « je vous en aurais offert. Mais les holocaustes ne vous sont point agréables[1] ». N’aurons-nous donc rien à offrir ? Nous présenterons-nous ainsi devant Dieu ? Comment alors l’apaiser ? Eh bien ! offre à Dieu, tu as en toi de quoi lui offrir. Ne va pas au loin chercher de l’encens ; mais dis : « En moi, Seigneur, sont les vœux que je vous présenterai, les louanges que je vous offrirai[2] ». Ne cherche point un animal pour l’égorger, tu as en toi de quoi immoler à Dieu. « Le sacrifice que veut le Seigneur est une âme brisée, et Dieu ne dédaigne pas un cœur contrit et humilié[3] ». Le taureau, le bouc, le bélier, il les dédaigne ; ce n’est plus le moment de les offrir. On les offrait quand ils étaient des symboles, des promesses ; mais la promesse a dû disparaître devant l’objet lui-même. « Dieu donc ne rejette pas un cœur contrit et humilié ». Dieu est élevé, tu le sais : si tu t’élèves, il s’éloignera de toi ; si tu t’abaisses, il s’en approchera.
22. Voyez celui qui parle ici : il semblait que cette prière n’était que de David, et néanmoins voyez ici notre image, et la figure de l’Église. « Dans votre bonté, Seigneur, répandez vos faveurs en Sion[4] ». Soyez favorable à cette Sion. À quelle Sion ? À la cité sainte. Quelle est la cité sainte ? Celle qui ne peut être cachée, qui est établie sur la montagne[5]. En Sion est la contemplation, parce qu’elle contemple ce qu’elle espère. Sion signifie donc la contemplation, et Jérusalem vision de la paix. Vous vous reconnaissez donc en Sion et en Jérusalem, si vous attendez avec certitude l’espérance à venir, et si vous êtes en paix avec Dieu. « Elevez les murs de Jérusalem. Seigneur, dans votre bonté, répandez vos faveurs en Sion ; élevez les murs de Jérusalem ». Que Sion ne s’attribue aucun mérite ; mais vous, Seigneur, comblez-la de vos grâces : « Elevez les murs de Jérusalem », mettez les boulevards de notre immortalité, dans la foi, dans l’espérance, dans la charité.
23. « Alors vous recevrez le sacrifice de justice[6]. Maintenant pour nos fautes vous recevez le sacrifice d’une âme brisée, d’un cœur contrit et humilié, alors on ne vous offrira plus qu’un sacrifice de justice, uniquement des louanges. « Bienheureux ceux qui habitent vos demeures, ils vous béniront éternellement[7] ». Voilà le sacrifice de justice. « Quant aux offrandes et aux holocaustes ». Qu’appelle-t-on holocaustes ? L’offrande entièrement consumée par le feu. Quand le corps de la victime était brûlé entièrement par le feu de l’autel, ce sacrifice prenait le nom d’holocauste. Que le feu divin nous consume entièrement, qu’une sainte ferveur nous absorbe. Quelle ferveur ? « Nul ne peut se dérober à ses feux[8] ». Quelle ferveur encore ? L’Apôtre l’a dit : « Ayons la ferveur de l’esprit[9] ». Non seulement que notre âme, que notre corps aussi soit embrasé de ce feu de la divine sagesse, afin de mériter là-haut l’immortalité ; que notre holocauste s’élève jusqu’à absorber la mort dans sa victoire[10]. « On fera en votre honneur des offrandes et des holocaustes, et l’on placera la chair des veaux sur vos autels ». Pourquoi des veaux ? Qu’y choisira le Seigneur ? Est-ce l’innocence du jeune âge, ou l’affranchissement du joug de la loi ?
24. Nous voici, mes frères, par la grâce du Christ, à la fin du Psaume, non peut-être comme nous l’aurions voulu ; mais, du moins, comme nous l’avons pu. Il nous reste à vous adresser quelques mots sur les malheurs dans lesquels nous vivons. Car nous vivons en ce monde et il nous est impossible de nous séparer des désordres du monde. Il nous faut donc de la patience pour vivre au milieu des méchants, car les bons qui vivaient avec nous quand nous étions impies, nous ont supportés avec patience. N’oublions pas ce que nous étions, ne désespérons pas de ceux qui sont aujourd’hui ce que nous avons été. Toutefois, mes frères, dans une telle diversité de mœurs, et dans une si effroyable corruption, gouvernez vos maisons, gouvernez vos enfants, gouvernez vos familles. Autant nous sommes obligés de vous parler au nom de l’Église, autant le devoir vous oblige à veiller sur vos familles, afin que vous puissiez rendre un bon témoignage de ceux qui vous sont confiés. Dieu aime l’ordre. C’est une innocence bien fausse et bien perverse, que de lâcher les rênes aux péchés. C’est une indulgence bien inutile et même bien funeste que celle d’un père pour un fils qui ressentira la sévérité de Dieu ; et non seulement le fils, mais avec

  1. Ps. 50,19
  2. Id. 55,12
  3. Id. 50,19
  4. Id. 20
  5. Mt. 5,14
  6. Ps. 50,21
  7. Ps. 82,5
  8. Id. 17,7
  9. Rom. 12,11
  10. 1 Cor. 15,51