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Pourquoi donc a-t-il dit au pluriel : « Délivrez-moi des sangs ? » Il a voulu montrer dans la pluralité du sang, comme dans l’origine de cette chair du péché, la pluralité de fautes. C’est dans le même sens que sain Paul, envisageant ces fautes sans nombre qui nous viennent de la corruption du sang et de la chair, s’écriait : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu[1] ». Et néanmoins, d’après l’enseignement du même Apôtre, il est de foi que notre chair ressuscitera, et qu’elle méritera d’être incorruptible selon cette parole : « Il faut que ce corps corruptible soit revêtu d’incorruptibilité, et que cette chair mortelle soit revêtue d’immortalité[2] ». Comme donc c’est du péché que vient cette corruption, elle donne son nom aux péchés ; de même qu’on donne le nom de langue à cette parcelle de chair, à ce membre qui se meut dans la bouche quand nous articulons des mots distincts, et langue encore ce que profère cette langue ; ainsi nous disons la langue latine ou la langue grecque ; non que la chair soit différente, mais simplement le son. De même alors qu’on appelle une langue ce que produit une langue ; de même on appelle sang l’iniquité qui vient du sang. Jetons donc les yeux sur le grand nombre d’iniquités, ainsi qu’il l’a dit plus haut : « Effacez toutes mes fautes ; et les attribuant à la corruption de la chair et du sang, « Délivrez-moi », dit-il, « des sangs » ; c’est-à-dire, délivrez-moi de mes iniquités, purifiez-moi de toute corruption. Dire alors : Délivrez-moi des sangs, c’est témoigner le désir d’être incorruptible : car la chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu, non plus que la corruption ne possédera l’héritage incorruptible. « Délivrez-moi des sangs, Seigneur, Dieu de mon salut ». Il nous montre ainsi que quand notre corps sera parfaitement sain, il n’y aura en lui rien de cette corruption, que l’on désigne sous le nom de chair et de sang : et que la santé du corps sera complète. Maintenant, en effet, comment dire qu’il est sain, ce corps qui tombe, qui est dans le besoin, qui est sans cesse tourmenté par la maladie de la faim ou de la soif ? Voilà ce qui disparaîtra car les aliments sont pour l’estomac, et l’estomac pour les aliments[3], mais Un jour Dieu détruira l’un et les autres. Dieu donnera au corps une beauté parfaite, la mort sera absorbée dans sa victoire[4], il n’y aura plus aucune corruption, nulle défaillance ne nous surprendra, les années ne nous changeront point, nul travail ne nous fatiguera, nous n’aurons besoin ni de viande pour réparer nos forces, ni de nourriture pour les soutenir. Toutefois nous ne serons privés ni d’aliments ni de breuvage ; mais nous aurons pour nourriture et pour breuvage Dieu lui-même : c’est le seul aliment qui nourrisse toujours et qui ne s’épuise jamais. « Délivrez-moi des sangs, Seigneur, Dieu de mon salut ». Ce salut, nous en jouissons dès maintenant. Écoutez l’Apôtre : « Nous sommes sauvés par l’espérance ». Et voyez qu’il parlait du salut du corps : « En nous-mêmes nous gémissons dans l’attente de l’adoption des enfants de Dieu, qui sera la délivrance de notre corps ; nous sommes en effet sauvés par l’espérance ; or, l’espérance que l’on verrait ne serait plus de l’espérance ; comment espérer ce que l’on voit ? Si donc nous ne voyons pas encore ce que nous espérons, nous l’attendons par la patience[5] ». Celui qui persévérera jusqu’à la lin, et telle est la patience, celui-là sera sauvé[6] ; et voilà le salut que nous n’avons pas encore, mais que nous devons avoir. La réalité n’existe pas encore, l’espérance est certaine. « Et ma langue alors publiera votre justice ».
20. « Seigneur, vous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche publiera vos louanges[7]. Vos louanges, parce que vous m’avez créé ; vos louanges », parce que vous ne m’avez pas abandonné, malgré mon péché ; « vos louanges », parce que vous m’avez averti de confesser ma faute ; « vos louanges », parce que vous m’avez purifié afin que je fusse en sûreté : « Vous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche publiera vos louanges ».
21. « Si vous aviez voulu des sacrifices, je vous en aurais offert[8] ». Au temps de David on offrait à Dieu des animaux en sacrifice, mais il voyait les temps à venir. N’est-ce point nous que nous reconnaissons dans ces paroles ? Ces sacrifices étaient des symboles qui annonçaient l’unique sacrifice du salut. Dieu ne nous a donc pas abandonnés sans nous laisser un sacrifice que nous puissions lui offrir. Écoute le Prophète soucieux de son péché, et cherchant à obtenir le pardon du crime qu’il a commis : « Si vous eussiez voulu des

  1. 1 Cor. 15,5
  2. Id. 53
  3. 1 Cor. 6,13
  4. 1 Cor. 15,54
  5. Rom. 8,23-25
  6. Mt. 10,21 ; 24,13
  7. Ps. 50,17
  8. Id. 18