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frappé de mort ? Cette action, dès qu’elle, est chaste, n’est point criminelle ; mais l’origine du péché entraîne le châtiment qui lui est dû. Un Époux, pour être Époux, n’en est pas moins mortel, et il n’est mortel qu’à cause du péché. Le Seigneur aussi était assujetti à la mort, mais non cause du péché ; il a pris sur lui notre peine, et a dès lors expié notre faute. Il est donc juste que tous meurent en Adam, et que tous vivent en Jésus-Christ[1]. « Le péché », dit saint Paul, « est entré dans ce monde, et par le péché la mort ; ainsi la mort a passé en tous les hommes par celui-là seul en qui tous ont péché[2] ». C’est un arrêt, dit l’Apôtre : tous ont péché en Adam. Un seul enfant a pu naître dans l’innocence, parce qu’il n’était point l’œuvre d’Adam.
11. « Voilà que vous avez aimé la vérité, vous m’avez découvert ce qu’il y avait pour moi d’incertain et de caché dans votre sagesse[3] ». « Vous avez aimé la vérité » ; c’est-à-dire, vous ne laissez point sans châtiment les péchés que vous couvrez du pardon. « Vous avez aimé la vérité » ; et vous dispensez la miséricorde, de manière néanmoins à sauvegarder la vérité. Vous pardonnez à celui qui avoue sa faute, et vous lui pardonnez parce qu’il se châtie lui-même ; ainsi sont d’accord la miséricorde et la vérité : la miséricorde, parce que l’homme est délivré ; la vérité, parce que le péché reçoit son châtiment. « Voilà que vous avez aimé la vérité ; vous m’avez découvert ce qu’il y avait pour moi d’incertain et de caché dans votre sagesse ». Qu’y avait-il d’incertain, qu’y avait-il de caché ? C’est que Dieu pardonne même à de tels coupables. Rien d’aussi caché, rien d’aussi incertain. C’est dans cette incertitude que les Ninivites firent pénitence. Ils se dirent en effet, nonobstant les menaces du Prophète, nonobstant cette lugubre parole : « Dans trois jours Ninive sera détruite » ; ils se dirent qu’il fallait implorer la divine miséricorde ; ils se dirent dans leur perplexité : « Qui sait si Dieu n’adoucira point sa sentence et n’aura point pitié de nous ? » Dire : « Qui sait », c’est être dans l’incertitude. Donc dans leur incertitude ils firent pénitence, et obtinrent une miséricorde incertaine ; ils se prosternèrent et s’humilièrent dans les larmes, dans le jeûne, dans le cilice et dans la cendre ; ils gémirent, ils pleurèrent, et Dieu leur pardonna[4]. Ninive demeura-t-elle sur pied ou, fut-elle renversée ? Autres sont les pensées des hommes, et autres celles de Dieu. Pour moi, je crois que la prédiction du Prophète fut accomplie. Voyez ce qu’était Ninive, et comprenez qu’elle fut renversée : elle fut détruite du côté du mal, et reconstruite dans le bien ; de même que Saul persécuteur dut être renversé, pour que s’élevât Saul le prédicateur[5]. Qui ne croirait que cette ville où nous sommes a été renversée pour son bonheur, si tous ces insensés quittaient leurs folies, pour revenir dans l’Église avec componction, et demandaient à Dieu pardon de leurs fautes passées ? Ne dirions-nous pas alors : Où est cette Carthage d’autrefois ? Elle n’est plus ce qu’elle était, elle est renversée ; mais, pour être ce qu’elle n’était pas, elle est donc reconstruite ? C’est en ce sens qu’il fut dit à Jérémie : « Voilà que je t’ai établi pour arracher, pour détruire, pour renverser, pour dissiper, et ensuite pour édifier et planter[6] ». De là encore ce mot du Seigneur : « Je frapperai et je guérirai[7] ». Il frappe ce qu’il y a de gangrené dans le vice, il guérit la douleur de la blessure. Ainsi en usent les médecins : ils tranchent, ils frappent, ils guérissent ; ils s’arment pour frapper, ils prennent le fer et ne viennent que pour guérir. Mais comme les Ninivites étaient de grands coupables, ils dirent : « Qui sait ? » Cette incertitude, le Seigneur en avait délivré David son serviteur. Quand, en face du Prophète qui lui reprochait son crime, il s’écria : « J’ai péché » ; aussitôt il entendit le Prophète, c’est-à-dire l’Esprit-Saint par la bouche du Prophète, qui, lui dit : « Votre péché vous est remis[8] ». Le Seigneur donc lui avait découvert ce qu’il y a d’incertain dans sa sagesse.
12. « Vous me laverez avec l’hysope », dit-il, « et je deviendrai pur[9] ». Nous savons que l’hysope est une herbe peu élevée, mais curative : on dit que sa racine s’attache à la pierre. De là vient qu’elle est choisie comme un symbole de la pureté du cœur. Toi aussi, embrasse la pierre, par la racine de l’amour : sois humble devant ton Dieu qui est humble, afin de t’élever un jour avec ton Dieu glorifié, Tu seras lavé avec l’hysope, l’humilité, du Christ te purifiera. Au lieu de mépriser la

  1. 1 Cor. 15,22
  2. Rom. 5,12
  3. Ps. 50,8
  4. Jn. 3,4-10
  5. Act. 9,4
  6. Jer. 1,10
  7. Deut. 32,39
  8. 2 Sa. 12,13
  9. Ps. 50,9