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et parlaient mal de leur frère, et plaçaient le scandale devant le fils de leur mère que l’Apôtre devait nourrir. Ils obligeaient ainsi cette mère à enfanter de nouveau. « Devant le fils de ta mère tu plaçais le scandale ».
28. « Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu[1] ». C’est pourquoi le Seigneur Dieu viendra et ne se taira point. Aujourd’hui il nous dit : « Voilà ton ouvrage et je me suis tu ». Qu’est-ce à dire : « Je me suis tu ? » Pour toi, j’ai différé ma vengeance, j’ai suspendu toute sévérité, j’ai prolongé ma patience, et longtemps j’ai attendu ton repentir. « Voilà tes œuvres et je me suis tu ». Or, quand j’attends patiemment ton repentir, toi, comme l’a dit l’Apôtre : « Par la dureté et l’impénitence de ton cœur, tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère, et de la manifestation du juste jugement de Dieu[2]. Dans ton iniquité, tu m’as cru semblable à toi ». C’est peu que le mal ait pour toi de l’attrait, tu crois encore qu’il en a pour moi. Parce que Dieu ne fait pas éclater sa vengeance, tu en fais un complice, et comme à un juge corrompu, tu lui donnes part à tes rapines. « Dans ton iniquité, tu m’as cru semblable à toi », parce que tu refusais d’être semblable à moi. « Soyez parfaits », dit le Sauveur, « comme votre Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants[3] ». Loin de prendre pour modèle celui qui fait du bien même aux méchants, tu veux t’asseoir pour calomnier les bons. « Dans ta malice tu m’as cru semblable à toi, je t’accuserai ». Quand viendra le Seigneur notre Dieu, et qu’il ne gardera point le silence, alors « je t’accuserai ». Que ferai-je pour te reprendre ? Que te ferai-je ? Tu ne te vois pas maintenant, je te forcerai à te voir. Si tu te voyais, tu te déplairais à toi-même et tu me plairais dès lors ; mais parce que sans te voir tu as mis en toi tes complaisances, tu te déplairas un jour ainsi qu’à moi, à moi quand tu seras jugé, à toi quand tu brûleras dans les flammes. Que te ferai-je, dit le Seigneur ? « Je te mettrai en présence de toi-même ». Pourquoi vouloir te dérober à tes yeux ? Tu te rejettes en arrière pour ne point te voir, je te forcerai à te regarder ; ce que tu as rejeté derrière loi, je l’exposerai à tes regards, tu verras ta laideur, non pour l’effacer, mais pour en rougir. Et quand le Seigneur tient ce langage, mes frères, faut-il désespérer de celui qu’il menace de la sorte ? Cette ville dont on publia jadis : « Dans trois jours Ninive sera détruite[4] », n’employa-t-elle point ces trois jours à se convertir, à prier, à pleurer, à mériter son pardon au lieu d’un châtiment imminent ? Qu’ils écoutent, ceux qui sont dans le même état, pendant qu’ils peuvent écouter le Seigneur, même dans son silence. Il viendra et ne se taira point, et il t’accusera, quand il n’y aura pas moyen de t’amender. « Je le mettrai », dit le Seigneur, « en face de lui-même ». Qui que tu sois, fais donc aujourd’hui ce que le Seigneur menace de te faire. Ne rejette plus derrière toi ces fautes que tu dissimules, que tu ne veux point voir, mets-les sous tes regards. Assieds-toi sur le tribunal de ta conscience, deviens ton propre juge, cède à la crainte, que l’aveu s’échappe de ton cœur, et dis à ton Dieu : « Je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant mes yeux[5] ». Mets devant toi ce que tu rejetais encore ; de peur que ton Dieu dans sa justice ne te mette sous tes propres regards, et que tu ne puisses te dérober à toi-même.
29. « Comprenez enfin tout cela, vous qui oubliez le Seigneur ». Vous le voyez, Dieu crie, il ne se tait point, il n’épargne personne. Tu avais oublié le Seigneur, tu ne pensais pas à ta vie désordonnée ; comprends donc que tu as oublié le Seigneur, « de peur qu’enfin il ne te saisisse comme un lion, et que nul ne puisse te délivrer ». Qu’est-ce à dire : « Comme un lion ? » Avec une force, avec une puissance, à laquelle on ne peut résister. Tel est le sens qu’il donna au mot « lion ». Car cette expression se prend tantôt comme un blâme, tantôt comme un éloge. Le diable est appelé un lion dans l’Écriture : « Votre adversaire est comme un lion rugissant », dit-elle, « qui rôde autour de vous, cherchant à vous dévorer[6] ». Or, parce que le diable a été appelé lion à cause de son impitoyable fureur, le Christ ne peut-il être appelé lion à cause de sa force souveraine ? D’où vient donc ce mot de l’Écriture : « Il a vaincu le lion, de la tribu de Juda[7] ? » De grâce, mes frères, écoutez ce qui reste ; je vous en conjure, oubliez votre fatigue, il vous soutiendra, celui qui vous a donné des forces jusqu’ici. Tout à l’heure, comme pour nous désigner le tribut de

  1. Ps. 49,21
  2. Rom. 2,5
  3. Mt. 5,45-48
  4. Jon. 3,4-10
  5. Ps. 50,5
  6. 1 Pi. 5,8
  7. Apoc. 5,5