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comme un tribut qui lui est dû, médite en son cœur, et se dit : Chaque jour je me lèverai, j’irai à l’église et je chanterai au Seigneur un hymne le matin, un hymne le soir, un troisième et un quatrième dans ana demeure, chaque jour je fais à Dieu le sacrifice de la louange, l’offrande à mon Dieu. En cela vous ferez bien ; mais ne vous laissez point aller à la sécurité, parce que vous en agissez ainsi, et que votre langue bénit Dieu, tandis que votre vie est pour lui une malédiction. O mon peuple, te dit le Dieu des dieux, le Seigneur qui appelle la terre de l’Orient à l’Occident, bien que tu sois confondu avec l’ivraie[1]. « Offre au Seigneur un sacrifice de louanges, et présente-lui tes prières ». Mais garde-toi de chanter bien, et de vivre mal. Pourquoi ? « Dieu a dit au pécheur : Est-ce à toi de publier mes décrets, et à ta bouche d’annoncer mon alliance[2] ? ». Vous voyez, mes frères, avec quelle crainte nous parlons ainsi. Notre bouche publie l’alliance du Seigneur, nous vous prêchons ses enseignements et ses décrets. Et que dit Dieu au pécheur ? « Est-ce à toi ? » Il défend donc aux pécheurs de prêcher ? Que devient cette parole : « Faites ce qu’ils vous disent, et ne faites point ce qu’ils font[3] ? » Et cette autre « Peu m’importe que le Christ soit annoncé par occasion, ou par un zèle véritable[4] ! » Ces paroles de l’Apôtre doivent rassurer les fidèles au sujet du prédicateur quel qu’il soit, mais non ceux qui disent le bien et font le mal. Pour vous donc, mes frères, vous n’avez rien à craindre maintenant ; si vous entendez le bien, vous entendez Dieu, quel que soit celui qui vous prêche. Toutefois le Seigneur n’a pas voulu laisser les prédicateurs sans quelque menace ; de peur que ce seul titre ne les endorme dans la voie pernicieuse, et qu’ils ne se disent : Le Seigneur ne nous perdra point, lui qui s’est servi de notre bouche pour verser de si grands biens sur son peuple. O toi qui prêches, écoute ce que tu dis, écoute le premier tes paroles, toi qui veux qu’on les écoute ; et dis en toi-même ces paroles d’un autre psaume : « J’écouterai ce que me dira le Seigneur, car il annoncera la paix à son peuple[5] ». Qui suis-je, pour forcer les autres à écouter ce que le Seigneur dit par ma bouche, moi qui n’entends point ce qu’il dit en moi ? J’écouterai d’abord, oui j’écouterai ; mon premier soin sera d’écouter ce que le Seigneur dira en moi, parce qu’il dira des paroles de paix à son peuple. Que j’écoute, que je châtie mon corps, que je le réduise en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux autres, je sois moi-même réprouvé[6]. « Est-ce bien à toi de publier mes décrets ? » Est-ce à toi de publier ce qui n’a pas d’utilité pour toi ? Dieu donc avertit l’homme de s’écouter, non de renoncer à la prédication, mais bien de pratiquer l’obéissance. « Mais est-ce bien à toi d’ouvrir la bouche pour publier mon alliance ? »
24. « Mais toi, tu as pris en haine le châtiment[7] ». Tu hais les corrections. Le pardon te fait chanter mes louanges ; le châtiment soulève tes murmures ; comme si je n’étais pas ton Dieu et quand je châtie, et ton Dieu encore quand je pardonne. « Car je réprime et corrige ceux que j’aime[8] ». Mais toi, tu hais le châtiment, tu as rejeté loin de toi mes discours. Tu rejettes loin de toi ce que je dis par ta bouche. « Tu as donc rejeté mes discours derrière toi », de manière que sans les voir, tu en sentiras le poids. « Tu as rejeté mes discours derrière toi ».
25. « En voyant un voleur, tu courais avec « lui, et tu partageais l’héritage des adultères[9] ». Ne va point dire : Je n’ai commis aucun vol, aucun adultère. De quoi cela te sert-il, si tu as des complaisances pour celui qui commet ces crimes ; n’est-ce point là courir avec eux ? Louer celui qui agit de la sorte, n’est-ce pas entrer en partage avec lui ? C’est là, mes frères, courir avec le voleur et entrer en partage avec les adultères ; si tu ne le fais pas en effet, tu vantes celui qui le commet, tu deviens solidaire avec lui, c’est là louer le pécheur dans les désirs de son âme, et le bénir dans ses crimes[10]. Tu t’abstiens du crime, tu applaudis les criminels. N’est-ce là qu’un léger mal ? « Tu as pris part avec les adultères ».
26. « Ta bouche a été féconde en malice, ta langue a embrassé la fraude[11] ». Le Prophète dénonce ici la méchanceté, la fourberie de ces hommes flatteurs qui, connaissant le mal qu’on leur dit, non seulement n’osent reprendre ceux qui le disent, de peur de les blesser, mais les applaudissent par un silence

  1. Mt. 13,25
  2. Ps. 49,6
  3. Mt. 23,3
  4. Phil. 1,18
  5. Ps. 84,9
  6. 1 Cor. 9,27
  7. Ps. 49,17
  8. Apoc. 3,19
  9. Ps. 49,18
  10. Id. 9,3
  11. Id. 42,19