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Voyez qu’il ne se tait pas maintenant, si vous prêtez l’oreille, celui qui doit venir et qui ne se taira point. « Ecoute, ô mon peuple, et je te parlerai ». Car si tu n’écoutes, je ne parlerai point. « Ecoute, et je te parlerai ». Si tu n’écoutes, je parlerai, mais non pour toi. Quand donc te parlerai-je ? quand tu écouteras. Quand écouteras-tu ? Quand tu seras mon peuple. « Ecoute, ô toi qui es mon peuple ». Tu n’écoutes pas, si tu es un peuple étranger. « Ecoute, ô mon peuple, et je te parlerai. Israël, je te rendrai témoignage ». Ecoute, Israël, écoute ô mon peuple. Israël est un nom choisi : « On ne t’appellera plus Jacob, est-il dit, Israël sera ton nom[1] » – Écoute donc comme Israël, comme celui qui voit Dieu ; pas encore face à face, mais par la foi. Car Israël signifie celui qui voit Dieu. « Qu’il entende, celui qui a des oreilles pour entendre[2], et qu’il voie, celui qui a des yeux pour voir. Ecoute, Israël, et je te rendrai témoignage ». Celui qui disait plus haut : « Mon peuple », dit ensuite : « Israël » ; et après avoir dit : « Je te parlerai », il dit : « Je te rendrai témoignage ». Que dira donc à son peuple celui qui est le Seigneur notre Dieu ? Quel témoignage rendra-t-il à son Israël ? Écoutons : « Moi Dieu, je suis ton « Dieu ». Je suis Dieu et suis ton Dieu. Qu’est-ce à dire : « Je suis ton Dieu ? » C’est-ce qui fut dit à Moïse : « Je suis celui qui suis[3] ». Qu’est-ce à dire encore : « Je suis ton Dieu ? » Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. Je suis Dieu et je suis ton Dieu. Et quand même je ne serais pas ton Dieu, je suis Dieu. Je suis Dieu pour mon bonheur, et ce serait ton malheur si je n’étais pas ton Dieu. Car à vrai dire, cette parole : « Je suis ton Dieu », ne s’adresse qu’à celui que Dieu traite plus familièrement, qu’il regarde comme son serviteur fidèle, comme son bien. « Moi Dieu, je suis ton Dieu ». Que veux-tu de plus ? Voudrais-tu demander à Dieu qu’il te récompense, qu’il te donne quelque bien qui t’appartiendrait en propre ? Ce Dieu qui te le donnerait se donne lui-même à toi. Y a-t-il rien de plus riche ? Tu voulais un don, tu as le donateur. « Moi Dieu, je suis ton Dieu ».
15. Voyons ce que Dieu exige de l’homme ; quel tribut veut lever sur nous notre Dieu, notre chef et notre roi ; car il a voulu être pour nous un roi, il veut que nous soyons sa province. Écoutons ses édits. Que le pauvre ne craigne point les édits du Seigneur, puisqu’il nous donne le premier ce qu’il exige de nous ; donnez-le seulement de bon cœur. Dieu n’exige de nous rien qu’il ne nous ait donné, et il a donné à tous ce qu’il demande à tous. Qu’exige-t-il en effet ? Écoutons : « Je ne t’accuserai point au sujet de tes sacrifices[4] ». Je ne te dirai point : Pourquoi ne m’as-tu pas immolé un taureau puissant ? Pourquoi n’as-tu pas choisi dans ton troupeau le plus fort des chevreaux ? Pourquoi se promène-t-il dans le bercail, au lieu d’être sur mon autel ? Je ne dirai point : Cherche dans tes champs, dans ton parc, dans ta maison, de quoi m’offrir. Non, « je ne t’accuserai point au sujet de tes sacrifices ». Quoi donc ? Vous n’acceptez point mes sacrifices pour agréables ? « Vos holocaustes sont toujours en ma présence ». Il parle de certains holocaustes dont il est dit dans un autre psaume : « Si vous aviez voulu des sacrifices, je vous en aurais offert, mais les holocaustes ne vous sont point agréables » ; puis le psalmiste ajoute : « Le sacrifice qui plaît à Dieu est une âme brisée, et Dieu ne dédaigne pas un cœur contrit et humiliée »[5]. Quels sont donc les holocaustes que Dieu ne méprise pas ? Quels holocaustes sont toujours en sa présence ? « O Dieu », continue le Prophète, « dans votre amour, répandez vos bénédictions sur Sion, élevez les murs de Jérusalem ; c’est alors que vous recevrez le sacrifice de justice, et les offrandes et les holocaustes[6] ». Il assure que Dieu recevra certains holocaustes. Quand y a-t-il holocauste ? quand toute la victime est consumée par le feu ; des mots grecs kausis action de brûler, et olon entièrement : holocauste signifie donc brûlé totalement. Or, il est un feu qui vient d’une charité très fervente ; que notre âme soit donc embrasée de cette flamme de l’amour, que cette charité s’empare de nos membres et les fasse servir à son usage ; qu’elle ne les laisse point au service de l’iniquité, afin qu’il soit totalement embrasé du feu de l’amour divin, celui qui veut offrir à Dieu un holocauste. Voilà « ces holocaustes qui sont toujours en ma présence ».
16. Mais peut-être que cet Israël ne comprend point encore les sacrifices que Dieu toujours en sa présence, et qu’il pense à ses bœufs, à ses chevreaux, à ses béliers. Arrière cette

  1. Gen. 32,28
  2. Mt. 11,15
  3. Exod. 3,14
  4. Ps. 49,8
  5. Id. 50,18-20
  6. Id. 20,21