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Dieu nous a promis l’unité : les rois ont été rassemblés dans l’unité et non divisés par le schisme. Cette cité qui embrasse le monde entier sera peut-être détruite un jour ? Point du tout. « Dieu l’a fondée pour l’éternité ». Si donc c’est pour l’éternité que Dieu l’a fondée, pourquoi redouter que le fondement soit renversé ?
8. « Grand Dieu ! nous avons senti votre miséricorde au milieu de votre peuple[1] ». Qui donc a ressenti cette miséricorde, et où l’a-t-il ressentie ? N’est-ce point votre peuple, ô Dieu, qui a ressenti votre miséricorde, et comment « l’avons-nous ressentie au milieu de votre peuple ? » comme si autres étaient ceux qui l’ont ressentie, et autres ceux au milieu desquels ils l’ont ressentie. C’est là, mes frères, un grand symbole, que vous connaissez pourtant ; et quand nous aurons dégagé d’ici, ou de ces versets, ce que vous connaissez, il n’en sera pas plus obscur, mais plus doux. En cette vie on range dans le peuple de Dieu tous ceux qui participent à ses sacrements, quoique tous n’aient point la même part à sa miséricorde. Tous ceux qui reçoivent le sacrement de baptême, sont appelés chrétiens, mais tous ne vivent pas d’une manière digne de ce sacrement. Car il est plusieurs dont l’Apôtre a dit « qu’ils ont l’apparence de la piété, sans en avoir la réalité[2] ». Néanmoins celte apparence de piété leur donne un rang dans le peuple de Dieu, de même que, quand on bat le grain dans l’aire, la paille y tient une place comme le froment. Mais aura-t-elle aussi sa place dans le grenier ? C’est au milieu de ce peuple mauvais qu’habite le peuple de Dieu qui a ressenti les effets de sa miséricorde. Il vit d’une manière digne de cette miséricorde, car il écoute, il retient, il pratique ce conseil de saint Paul : « Nous vous enjoignons et vous conjurons de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu[3] ». Celui-là donc reçoit tout à la fois le sacrement et la miséricorde de Dieu, qui ne reçoit pas en vain la grâce de Dieu. Est-ce alors un obstacle pour lui d’habiter au milieu d’un peuple insubordonné, jusqu’à ce que le van passe dans l’aire, et que les bons soient séparés des méchants ? Est-ce un obstacle d’habiter chez ces peuples ? Qu’il s’efforce d’être de ceux qui sont appelés firmament en recevant la divine miséricorde, qu’il soit un lis au milieu des épines. Car veux-tu comprendre que les épines elles-mêmes appartiennent au royaume de Dieu ? Voici une comparaison : « Comme le lis », dit l’Écriture, « est au milieu des épines, ainsi est ma bien-aimée au milieu des filles[4] ». Est-il dit au milieu des étrangères ? Non, mais au milieu des filles. Il y a donc des filles qui sont mauvaises et il y en a d’autres qui sont parmi elles comme des lis au milieu des épines. Donc ceux qui ont part aux sacrements, sans mener une vie pure, sont appelés enfants de Dieu sans être enfants de Dieu : on dit qu’ils sont à lui et ils lui sont étrangers ; à lui à cause du sacrement ; étrangers à cause de leurs vices. Il en est de même des filles étrangères : elles sont filles à cause de leur piété apparente, étrangères parce qu’elles ont perdu la vertu. Que le lis y habite aussi, qu’il y reçoive la divine miséricorde, qu’il conserve la racine d’une belle fleur, et ne se montre pas ingrat envers la douce rosée qui tombera du ciel. Que les épines soient ingrates et croissent par ces pluies ; elles croissent pour le feu, et non pour le grenier. « Grand Dieu ! nous avons reçu votre miséricorde au milieu de votre peuple ». Oui, au milieu de ce peuple insensible à votre miséricorde, nous avons reçu votre miséricorde. « Le Christ est venu en effet chez les siens, et les siens ne l’ont point reçu ». Mais « à tous ceux qui l’ont reçu » au milieu du peuple, « il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu[5] ».
9. Mais ici tout homme qui réfléchit se demande : Quoi donc ? Ce peuple qui, au milieu du peuple de Dieu, reçoit la divine miséricorde, est-il bien nombreux ? Hélas, qu’il est en petit nombre ! c’est à peine si l’on en trouve quelques-uns : et Dieu se contentera-t-il de si peu, et perdra-t-il le grand nombre ? Ainsi parlent ceux qui se promettent ce qu’ils n’ont pas entendu promettre par le Seigneur. Est-il vrai que si nous vivons dans le désordre, si nous jouissons des plaisirs du monde, si nous donnons satisfaction à nos convoitises, Dieu nous perdra ? Combien en trouvera-t-on pour garder les commandements de Dieu ? À peine en trouverez-vous un ou deux, bien peu du moins. Dieu ne doit-il sauver que ceux-là, et damner les autres ? Point du tout, nous dit-on, mais quand il viendra, et qu’il verra une si grande foule à sa gauche, il en aura pitié et pardonnera tout. C’est bien là ce que promit le serpent

  1. Ps. 47,10
  2. 2 Tim. 3,5
  3. 2 Cor. 6,1
  4. Cant. 2,2
  5. Jn. 1,12