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« n’aviez pas reçu[1] ? » « Le Seigneur sera donc connu dans les demeures de cette ville, quand il l’aura prise sous sa garde ».
5. « Car voilà que les rois de la terre se sont rassemblés[2] ». Voyez comme viennent ces flancs de l’Aquilon, voyez comme ils disent : « Venez, allons à la montagne du Seigneur ; car il nous a fait connaître ses voies, afin que nous y marchions[3]. Voilà que les rois de la terre se sont rassemblés, ils se sont réunis dans l’unité ». Où donc se sont-ils réunis dans l’unité, sinon en celui qui est la pierre angulaire[4] ? « Eux-mêmes à cette vue ont été dans l’admiration ». Après qu’ils ont admiré les miracles et la gloire du Christ, qu’est-il arrivé ? « Ils ont été dans la stupéfaction, dans le trouble, saisis de crainte[5] ». D’où leur venait cette crainte, sinon du remords de leurs péchés ? Que les rois courent donc après ce roi, que les potentats le reconnaissent pour maître. Aussi est-il dit ailleurs : « Pour moi, j’ai été établi roi dans Sion, sur la montagne sainte, pour prêcher la loi du Seigneur ; le Seigneur m’a dit : Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui. Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, et ton domaine s’étendra jusqu’aux confins de la terre ; tu les gouverneras avec un sceptre de fer, tu les briseras comme un vase d’argile[6] ». Le roi établi dans Sion a été entendu, et il a reçu en héritage les confins de la terre. Les rois ont-ils donc à redouter de perdre leur domination, de se la voir enlever, comme le craignit ce misérable Hérode, qui, pour tuer un petit enfant, en fit mourir tant d’autres[7] ? Il craignait de perdre la royauté, et il ne mérita point de connaître le roi. Hélas ! que n’adorait-il ce roi avec les Mages ! la malheureuse passion de régner ne lui eût pas fait égorger tant d’innocents pour mourir si coupable. Sa part, en effet, fut d’égorger des innocents, et le Christ, nonobstant son jeune âge, couronna ces enfants qui mouraient pour lui. Il y avait donc de quoi trembler pour les rois, quand le Christ disait : « Pour moi, j’ai été établi roi par lui », et celui qui m’a sacré roi me donnera pour héritage les confins de la terre. Pourquoi, ô rois, porter envie à ce roi ? Voyez-le, mais sans envie. Car il est bien différent des autres, celui qui a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde[8] ». Ne craignez donc point qu’il vous ôte un royaume temporel, il vous donnera au contraire un royaume, mais dans les cieux, dont il est le Roi. Quelle est donc la suite du psaume ? « Et maintenant, ô rois, comprenez ». Déjà s’aiguisait votre envie : « Comprenez » qu’il s’agit d’un roi tout différent, dont le royaume n’est point d’ici-bas. C’est donc à bon droit que les rois de la terre se sont rassemblés, se sont troublés, ont été saisis de crainte ». De là vient qu’on leur dit : « Maintenant, ô rois, comprenez, instruisez-vous, juges de la terre[9] », Et qu’ont-ils fait ? « Ils ont ressenti des douleurs comme celles de l’enfantement ». Quelles sont « ces douleurs comme celles de l’enfantement », sinon les douleurs de la pénitence ? Voyez encore ces douleurs, ce travail de l’enfantement : « Votre crainte, ô Dieu », s’écrie Isaïe, « nous a fait concevoir et enfanter l’esprit de salut[10] », Ainsi conçurent les rois, dans la crainte que leur inspira le Christ, et ils enfantèrent le salut en s’attachant par la foi à celui qu’ils redoutaient. « Là donc sont des douleurs comme celles de l’enfantement ». Quand on parle d’enfantement, espérez un fruit. Le vieil homme a enfanté, et il en est résulté l’homme nouveau. « Là sont des douleurs comme celles de l’enfantement ».
6. « D’un souffle tempétueux vous briserez les vaisseaux de Tharsis[11] ». C’est-à-dire, en un mot, vous renverserez l’orgueil des Gentils. Mais quel est dans cette histoire le fait qui marquerait en figure la chute de l’orgueil des nations ? À cause « des vaisseaux de Tharsis ». Les savants ont cherché quelle était cette ville de Tharsis, c’est-à-dire quelle ville pouvait être ainsi désignée. Les uns ont cru que la Cilicie était désignée sous le nom de Tharsis, à cause de Tharse, qui en est la métropole. C’était la patrie de l’apôtre saint Paul, né à Tharse en Cilicie[12]. D’autres y ont vu Carthage, qui aurait peut-être jadis porté ce nom, ou que désignerait quelque expression semblable. Dans le prophète Isaïe on trouve en effet : « Hurlez, vaisseaux de Carthage[13][14] ». Un même endroit d’Ézéchiel est traduit, Carthage par les uns et Tharsis par les autres[15][16] : cette variante chez les interprètes pourrait bien nous faire croire que cette ville appelée Carthage est

  1. 1Co. 4,7
  2. Psa. 47,5
  3. Isa. 2,3
  4. Eph. 2,20
  5. Psa. 47,6-7
  6. Id. 2,6-9
  7. Mat. 2,3
  8. Jn. 18,36
  9. Psa. 2,10-11
  10. Isa. 26,18
  11. Psa. 47,8
  12. Act. 21,39
  13. Isa. 23,1
  14. selon les LXX
  15. Eze. 38,13
  16. selon les LXX