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à ce que la plénitude des nations fût entrée »[1]. Qu’ils l’insultent donc, ces fous, ces stupides, ces insensés, et qu’ils disent : « Chauve, chauve » ; pour vous, rachetés par son sang qui a été répandu au Calvaire, « Peuples, battez des mains », applaudissez à la grâce de Dieu qui est allée jusqu’à vous. « Applaudissez ». Qu’est-ce à dire : « Applaudissez ? » Réjouissez-vous. Mais pourquoi « des mains ? » c’est-à-dire par de bonnes œuvres. Que votre joie n’éclate pas dans vos paroles tandis que vos mains seraient oisives. Si vous vous réjouissez, « battez des mains ». Qu’il voie les mains des nations, celui qui a daigné leur départir cette joie. Que signifient les mains des nations ? Les œuvres de ceux qui font le bien. « Peuples, battez des mains, élevez jusqu’à Dieu les chants de votre allégresse ». Aux mains unissez la voix. Bénir Dieu de la voix seulement serait une bénédiction imparfaite, puisque les mains seraient désœuvrées ; l’applaudir des mains serait encore imparfait, la langue serait muette ; que les mains s’unissent à la voix ; que celle-ci parle, que celles-là travaillent, « Élevez jusqu’à Dieu vos chants d’allégresse ».
4. « Car le Seigneur est le Très-Haut, le Dieu terrible ». Il est le Très-Haut celui qui est descendu sur la terre pour être tourné en dérision, et qui est devenu terrible en montant au ciel. « C’est le grand roi qui domine la terre »[2]. Non seulement les Juifs, bien qu’il soit aussi leur roi ; c’est delà en effet que sont venus les Apôtres qui ont embrassé la foi, et ces milliers d’hommes qui ont vendu leurs biens pour en déposer le prix aux pieds des Apôtres[3]. Ainsi se vérifia le titre que Pilate avait mis sur la croix : Roi des Juifs[4]. Car il est leur Roi en effet. « Peuples, battez des mains, parce que le Seigneur est le Dieu de toute la terre ». Il ne lui suffit pas de dominer une seule nation, car il n’a donné un si grand prix que pour racheter le monde entier. « C’est le grand Roi qui domine la terre ».
5. « Il nous a soumis tous les peuples et a jeté les nations sous nos pieds »[5]. Quelles nations, et à qui les a-t-il soumises ? Quels sont les interlocuteurs ? des Juifs peut-être ? Cela est juste à l’égard des Apôtres, à l’égard des saints. C’est à eux que Dieu a soumis les peuples et les nations, de sorte qu’ils sont en honneur chez tous les peuples, ces hommes qui ont mérité que leurs concitoyens les fissent mourir, de même que leur Dieu a été livré à la mort par ses concitoyens, et qu’il est en honneur chez les gentils ; lui que les siens ont crucifié, est adoré par des étrangers, devenus les siens à cause du prix dont il les a rachetés. Car il nous a rachetés afin que nous ne fussions plus étrangers. Penses-tu dès lors que ces paroles appartiennent aux Apôtres : « Il nous a soumis les nations, il a mis les peuples à nos pieds ? » Je ne sais. Mais un langage si fastueux étonnerait dans les Apôtres, qui se réjouiraient alors de voir les nations à leurs pieds, c’est-à-dire les chrétiens sous les pieds des Apôtres. Leur joie au contraire est de nous voir avec eux aux pieds de celui qui est mort pour nous. C’est en effet sous les pieds de Paul que venaient se jeter ceux qui voulaient être à Paul, et à qui il disait : Paul a-t-il donc été crucifié pour vous ?[6] Que signifient donc ces paroles ? Comment faut-il entendre : « Il nous a soumis les nations, il a mis les peuples sous nos pieds ? » Tous ceux qui appartiennent à l’héritage du Christ sont parmi les nations, et tous ceux qui n’appartiennent pas à l’héritage du Christ sont aussi disséminés parmi les peuples, et vous voyez l’Église du Christ, tellement élevée au nom du Christ, que tous ceux qui ne croient pas en lui sont sous les pieds des chrétiens. Combien maintenant qui, sans être chrétiens, viennent vers l’Église implorer son assistance, nous demandent quelque secours temporel, bien qu’ils refusent encore de régner éternellement avec nous ? Si donc tous, et même ceux qui n’appartiennent pas à l’Église, viennent en implorer les faveurs, n’est-il pas vrai que Dieu nous a soumis tous les peuples et qu’il a mis les nations à nos pieds ? »
6. « Il nous a choisis pour son héritage ; c’est la beauté de Jacob qu’il a aimée »[7]. C’est parce que Dieu a trouvé en Jacob une certaine beauté, qu’il nous a choisis en Jacob pour son héritage. Esaü et Jacob étaient deux frères, et ils se battaient dans le sein de leur mère, et ses entrailles maternelles étaient ébranlées par ce conflit ; et de ces deux le plus jeune fut choisi et préféré à l’aîné ; et il fut répondu : « Il y a dans votre sein deux peuples, et l’aîné servira le plus jeune »[8]. Cet aîné se rencontre chez tous les peuples,

  1. Rom. 11,25
  2. Ps. 46,3
  3. Act. 4,34
  4. Mt. 27,37
  5. Ps. 46,4
  6. 1 Cor. 1,13
  7. Ps. 46,5
  8. Gen. 25,23