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qui ont le diable pour chef, et les montagnes de Dieu dont le chef est le Christ. Mais de ces montagnes, les unes ont été ébranlées par les autres. C’est alors qu’elles ont élevé leurs voix et leurs cris contre les chrétiens quand montaient leurs flots en courroux. Oui, ces montagnes furent ébranlées, et il se fit un grand bruit sur la terre et sur les flots. Mais contre qui toutes ces clameurs ? Contre cette ville bâtie sur la pierre[1]. Les eaux mugissent, les montagnes se troublent à la prédication de l’Évangile. Que deviens-tu, cité de Dieu ? Écoutez ce qui suit.
8. « Les bonds du fleuve portent la joie ce dans la cité de Dieu »[2]. Lorsque les montagnes sont ébranlées, et que la mer s’élève en courroux, Dieu témoigne par l’impétuosité du fleuve qu’il n’abandonne point sa cité. Qu’appelle-t-on les bonds du fleuve ? Cette inondation du Saint-Esprit dont le Seigneur a dit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne et ce qu’il boive ; qui croit en moi, des fleuves ce d’eau vive couleront de son sein »[3]. Ces fleuves coulaient donc du sein de Pierre, de Paul, de Jean, des autres apôtres, des autres évangélistes fidèles. Et comme ces fleuves coulaient d’un seul fleuve, « les élans multipliés du fleuve portent la joie dans la cité ce de Dieu ». Et pour vous faire mieux comprendre que cela est dit du Saint-Esprit, voici ce qu’ajoute l’évangéliste, au même endroit : « Il disait cela du Saint-Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. Car ce l’Esprit-Saint n’était pas encore envoyé, ce puisque Jésus n’était pas encore glorifié »[4]. Or, après que Jésus eut manifesté sa gloire par sa résurrection, sa gloire encore par son Ascension, au jour de la Pentecôte, l’Esprit-Saint descendit, et remplit les fidèles qui parlèrent diverses langues[5], et se mirent à prêcher aux Gentils. De là cette joie dans la cité de Dieu, tandis que la mer se troublait au mugissement de ses eaux, que les montagnes s’ébranlaient et demandaient ce qu’il fallait faire, comment repousseraient-elles cette nouvelle doctrine, et pourraient-elles exterminer de la terre la famille chrétienne. Contre qui tous ces efforts ? Contre ces élans du fleuve qui portaient la joie dans la cité de Dieu. De là aussi nous comprenons facilement de quel fleuve il veut parler, et qu’il désigne l’Esprit-Saint quand il dit : « Les bonds du fleuve portent la joie dans la cité de Dieu ». Que dit-il en effet après cela ? « Le Très-Haut a sanctifié son tabernacle ». Dès lors qu’il parle immédiatement de sanctification, il est évident que ces bonds du fleuve doivent s’entendre de l’Esprit-Saint, qui sanctifie toute âme pieuse croyant au Christ, pour prendre place dans la cité de Dieu.
9. « Mais Dieu est au milieu de la cité, elle ne sera point ébranlée ». Que la mer se soulève, que les montagnes s’ébranlent ; ce Dieu est au milieu de la cité, elle ne sera ce point ébranlée »[6]. Qu’est-ce à dire, « au milieu d’elle ? » Faut-il croire que Dieu se tienne en quelque lieu, et qu’il soit environné de tous ceux qui croient en lui ? Dieu alors serait circonscrit dans un lieu, et ce qui l’environne est au large, tandis que lui, qui est environné, serait à l’étroit ? Point du tout. N’imaginons rien de semblable à l’égard de Dieu, qui ne peut être circonscrit dans aucun lieu, qui a son trône dans la conscience des justes ; et telle est la manière dont il habite le cœur des hommes, que si l’homme vient à tomber en se retirant de Dieu, Dieu néanmoins demeure en lui, sans être en danger de tomber, comme s’il ne trouvait plus d’appui. Il te relève pour que tu sois en lui, plutôt qu’il ne s’abaisse vers toi, de manière à tomber, si tu te dérobes à lui. Qu’il se dérobe à toi et tu tomberas ; dérobe-toi, s’il te plaît, et lui ne tombera pas. Que signifie donc : « Dieu est au milieu d’elle ? » Cela signifie que Dieu a la même justice pour tous et ne fait acception de personne. De même que le milieu d’un cercle est à égale distance des extrémités qui l’environnent ; de même il est dit que Dieu est au milieu, parce qu’il veille également sur chacun des hommes : « Dieu est ce au milieu de la cité, elle ne sera point ébranlée ». Pourquoi ne sera-t-elle point ébranlée ? parce que Dieu est au milieu d’elle. « Le Seigneur la protégera de sa face. C’est ce lui qui est notre appui dans les tribulations excessives qui sont venues fondre sur nous. Dieu la protégera de sa face ». Qu’est-ce à dire de sa face ? En se faisant voir. Et comment Dieu se montre-t-il de manière que nous voyions sa face ? Je vous le rappelle, vous connaissez la présence de Dieu, nous la connaissons par ses œuvres ; et quand nous recevons

  1. Mt. 7,24
  2. Ps. 45,5
  3. Jn. 7,37-38
  4. Id. 37-39
  5. Act. 2,4
  6. Ps. 45,6