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jours se manifestera la montagne du Seigneur ». Mais cette montagne sera placée sur d’autres montagnes, car les Apôtres aussi sont des montagnes qui portent cette montagne principale. Aussi Isaïe a-t-il ajouté : « Dans les derniers temps se manifestera la montagne du Seigneur sur le sommet d’autres montagnes »[1]. Cette montagne s’élève donc au-dessus des autres montagnes et s’assied sur leurs cimes, car les autres montagnes prêchent cette montagne sainte. Quant à la mer, elle est le symbole de ce monde, et en comparaison de cette mer la Judée paraissait une terre ferme, car elle n’était point couverte des flots amers de l’idolâtrie, mais elle était comme une terre sèche, environnée de toutes parts de Gentils qui ressemblaient à une onde amère. Or, cette terre devait être troublée, c’est-à-dire la Judée elle-même ; et les montagnes devaient se transporter au milieu des eaux, c’est-à-dire premièrement cette grande montagne, assise sur les sommets des montagnes. Car il abandonna la nation juive pour passer aux autres nations ; il passa de la terre dans la mer. Par qui fut effectué ce passage ? Par les Apôtres, à qui il avait dit : « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Ote-toi et jette-toi dans la mer, et il en serait ainsi » ; c’est-à-dire, votre prédication pleine de foi fera que cette montagne, ou moi-même, je sois prêché parmi les Gentils, glorifié parmi les Gentils, connu chez les Gentils, que s’accomplisse cette parole : « Le peuple que je ne connaissais point m’a servi »[2]. Quand ces montagnes ont-elles été transportées ? Que l’Écriture nous le dise encore. Lorsque l’Apôtre prêchait aux Juifs, ils rejetèrent sa parole, et Paul leur dit alors : « Nous étions envoyés vers vous, mais puisque vous avez méprisé la parole de Dieu, nous allons vers les Gentils »[3]. Les voilà donc transportés au sein des mers. Or, les Gentils crurent à ces montagnes, et il arriva que ces montagnes furent dans le cœur de la mer ; et il n’en fut pas ainsi des Juifs, dont il est dit : « Ce peuple m’honore des lèvres, et leur cœur est loin de moi »[4]. Telle est la promesse que le Seigneur faisait par son Prophète pour le Nouveau Testament : « Je mettrai mes lois dans leurs cœurs »[5]. Ces lois, ces préceptes, présentés par les Apôtres à la foi et à la croyance des Gentils, voilà ce que notre psaume appelle des montagnes transportées au cœur des mers. Pour nous alors il n’y aura point de crainte. Pour qui n’y aura-t-il rien à craindre ? Pour nous qui avons été touchés de componction, afin de n’être point des rameaux retranchés, comme les Juifs réprouvés. Quelques-uns d’entre eux ont cru et se sont attachés aux Apôtres qui prêchaient. Qu’ils craignent, ceux que les montagnes ont abandonnés ; mais nous, nous ne quittons pas les montagnes ; et, quand elles sont transférées au sein des mers, nous les y suivons.
7. Qu’est-il arrivé après que les montagnes ont été transférées au sein des mers ? Écoutez et voyez la vérité. Quand ces choses étaient annoncées, elles étaient obscures, puisqu’elles n’étaient pas encore accomplies ; maintenant qu’elles sont accomplies, qui ne les reconnaîtra ? Que l’Écriture te serve de livre pour les comprendre ; que toute la terre te serve de livre pour en voir l’accomplissement. Ceux-là seuls peuvent lire dans les livres qui connaissent les lettres ; mais dans le livre du monde entier un idiot peut lire. Qu’est-il donc arrivé quand les montagnes ont été transférées du sein des mers ? « Leurs flots ont mugi, ils ce se sont troublés », quand on prêchait l’Évangile, ils ont dit : « Quelle est cette parole ? Il ce semble que cet homme noué annonce d’autres dieux »[6]. Ainsi disaient les Athéniens. Mais quel tumulte ne soulevèrent pas les Éphésiens, qui voulurent tuer les Apôtres, et poussèrent dans le théâtre ces grands cris : « Vive la grande Diane d’Éphèse »[7], Or, au milieu de ces flots et de ces tempêtes de la mer, ils ne craignaient pas, ceux qui avaient pris Dieu pour soutien. Enfin l’apôtre saint Paul voulait entrer dans le théâtre, et il en fut empêché par les disciples, car il fallait qu’il demeurât dans sa chair à cause d’eux[8]3. Et toutefois les eaux de la mer se soulevèrent ce avec fracas ; les montagnes furent ébranlées ce par sa force as. De qui cette force ? Est-ce de la mer, ou plutôt de Dieu dont il est dit : « Vous êtes notre refuge, notre force, notre ce soutien dans les tribulations sans nombre qui nous ont assaillis ? »[9] Les montagnes, ou les puissances du siècle, ont été troublées. Il y a en effet les montagnes de Dieu et les montagnes du siècle ; les montagnes du siècle,

  1. Isa. 2,2
  2. Ps. 17,45
  3. Act. 13,46
  4. Isa. 29,13 ; Mt. 15,8
  5. Jer. 31,33 ; Héb. 8,10
  6. Act. 17,18
  7. Id. 19,28
  8. Phil. 1,24
  9. Ps. 45,2