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plus que le pardon qui puisse nous donner la sécurité, pourvu qu’après le pardon nous ne contractions plus de nouvelles dettes.
4. Ainsi ces fils de Coré peuvent s’entendre de ceux à qui Pierre adressa la parole dans les Actes des Apôtres, alors que leur attention était excitée par la descente merveilleuse de l’Esprit-Saint, lorsque tous ceux qui l’avaient reçu parlaient toutes les langues. Il leur prêcha en effet le Christ, qui faisait éclater son pouvoir en envoyant le Saint-Esprit. Ces hommes pesant, d’une part, combien leur avait paru méprisable celui qu’ils avaient tué de leurs propres mains ; et, d’autre part, combien il était grand et puissant devant Dieu, lui qui remplissait du Saint-Esprit des hommes simples, et leur faisait parler diverses langues, s’écrièrent dans la componction de leur cœur : « Que ferons-nous ? » C’étaient les peines intérieures qui les venaient trouver. Pour eux, en effet, ils ne trouvèrent point eux-mêmes leurs péchés ; mais la parole des Apôtres les leur fit trouver. D’où il suit que ce fut la tribulation qui les trouva, et qu’ils ne trouvèrent point eux – mêmes la tribulation. Qu’un homme, sans en être aucunement averti, considère ses œuvres et se mette à prier Dieu, que dit-il ? » J’ai trouvé « l’affliction et j’ai invoqué le nom de mon Dieu »[1]. Il y a donc une affliction que vous trouvez vous-même, et une affliction qui vient vous trouver. Mais pour écarter celle que nous trouvons, ou celle qui vient nous trouver, il nous faut recourir à Celui qui est notre refuge dans les afflictions. Aussi David ayant rencontré l’affliction, s’écriait : « Et j’ai invoqué le nom du Seigneur » ; et ceux que l’affliction est venue trouver disaient encore : « Dieu est notre refuge et notre force, il est notre soutien dans les tribulations qui ce sont venues nous accabler ». Mais, puisque Dieu est devenu protecteur, où a-t-il fait voir sa protection ? « Touchés de componction », est-il écrit, « ils dirent dans leur cœur : Que ferons-nous ? »[2] Ils sont pris comme d’un grand désespoir. S’il est si grand celui que nous avons mis à mort, que deviendrons-nous ? Et Pierre : « Faites pénitence, que chacun de vous soit baptisé au nom du Christ, et vos péchés vous seront remis »[3]. Car ils n’ont rien pu trouver de plus grave que ce péché. Quoi de plus horrible pour un malade que de tuer son médecin ? Oui, quel plus funeste emportement pour le malade que d’ôter la vie au médecin ? Quand on pardonne un tel crime, que ne peut-on point pardonner ? Ils reçurent donc une grande assurance de la part de celui qui est appelé « notre refuge et notre force. Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus » ; c’est au nom de celui que vous avez mis à mort qu’il vous faut être baptisés, « et vos péchés vous seront pardonnés ». Vous n’avez connu votre Médecin qu’après, buvez sans crainte le sang que vous avez répandu.
5. Enfin, après une telle assurance, quel est leur langage ? « Aussi bien, serons-nous sans crainte dans les troubles de la terre ? »[4]. Naguère ils étaient dans l’inquiétude, les voilà tout à coup dans la sécurité ; d’un trouble excessif ils passent au plus grand calme. Pour eux le Christ dormait, et ils étaient dans le trouble ; le Christ s’éveille, et, comme nous l’avons entendu tout à l’heure dans l’Évangile, il commande aux tempêtes et les tempêtes s’apaisent[5]. Comme le Christ est dans le cœur de chacun de nous parla foi, cette figure nous montre que tout homme dont le cœur perd la foi est troublé par les ouragans du siècle ; il est troublé comme si le Christ dormait ; mais que le Christ s’éveille, et le calme se rétablit. Que dit donc enfin le Seigneur ? « Eh ! où est votre foi ? »[6] Le Christ s’éveille et réveille votre foi, afin que le calme du navire devienne aussi le raine de vos cœurs. « Vous êtes notre soutien dans les afflictions qui sont venues fondre sur nous ». Voilà ce qu’il fit pour établir la paix.
6. Voyez quel fut ce calme. « Aussi n’aurons-nous aucune crainte, quand la terre serait ébranlée et que les montagnes seraient transportées au milieu de la mer ». Alors même nous ne craindrons rien. Cherchons ces montagnes transportées, et si nous pouvons les trouver, il est clair que c’est en cela que sera notre sécurité. Car le Seigneur a dit à ses disciples : « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : « Ôte-toi et jette-toi dans la mer, et il en serait ainsi »[7]. Peut-être était-ce de lui-même qu’il parlait en disant : « Cette montagne », car il a été, appelé montagne : « Et dans les derniers

  1. Ps. 114,3
  2. Act. 2,37
  3. Id. 38
  4. Ps. 45,3
  5. Mt. 8,24-26
  6. Lc. 8,25
  7. Mt. 17,19 ; Mc. 11,23