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l’Apôtre nous avertit de ne rien juger avant le temps, jusqu’à ce que Dieu vienne, qu’il éclaire la profondeur des ténèbres, qu’il manifeste les pensées des cœurs, et alors chacun recevra sa gloire de Dieu même[1]. Cette cité sainte se rendra en quelque sorte témoignage à elle-même, quand ces peuples qui la composent la béniront éternellement ; ainsi elle ne sera plus cachée à elle-même et en aucune de ses parties, puisque nul de ses membres n’aura rien de caché.


DISCOURS SUR LE PSAUME 45

SERMON AU PEUPLE.

LA PRÉDICATION DES APÔTRES

Ce Psaume est pour les fils de Coré ou du Calvaire, et dès lors pour nous, et le Christ est notre fin, puisque nous unir à lui c’est arriver au dernier terme de la gloire. Dieu est pour nous un refuge, parce qu’il habite notre conscience, à moins que le péché ne l’en bannisse ; le péché nous ferme alors cet asile, et où recourir ? C’est une créance que Dieu a sur nous, et que l’on ne solde que par la douleur. Les fils de Coré sont les Juifs convertis à la voix de Pierre, quand le Saint-Esprit descendit, ils trouvèrent le calme dans la foi. Les montagnes transportées dans la mer, ce sont les Apôtres an milieu des nations qui s’ébranlent, se convertissent, reçoivent la rosée de la grâce, tandis qu’Israël demeure stérile, se heurte contre la petite pierre qui devient montagne. Paix avec Dieu.


1. Il est, mes frères, plusieurs sujets fort connus de vous, ce me semble, et sur lesquels nous passons légèrement, car il n’est pas besoin d’appuyer longuement sur les choses que vous savez. Comprenons bien que nous sommes les fils de Coré. Je ne fais que vous rappeler ce que vous savez déjà, que Coré signifie Chauve, et que Notre-Seigneur, parce qu’il fut crucifié au Calvaire[2], s’attira beaucoup de fidèles, comme ce grain de froment qui serait demeuré seul, s’il ne fût mort dans la terre[3] ; et que ces hommes attirés au Crucifié, s’appellent mystérieusement fils de Coré. Du reste, je ne sais quels étaient ces fils de Coré, quand on chantait ce psaume[4] ; mais nous devons suivre l’esprit qui vivifie, et non la lettre qui tue[5]. C’est donc nous qu’il faut comprendre ici, et voir si c’est à nous que s’adresse la suite du psaume ou son contexte. Nous nous y retrouverons sans nul doute, si nous nous attachons aux membres de ce corps dont la tête est dans le ciel, où elle s’est élevée après la passion, afin d’élever avec elle ceux qui étaient dans la bassesse, de les rendre fertiles avec elle, en leur faisant porter des fruits dans la patience. Or, le psaume a pour titre : « Pour la fin, psaume aux enfants de Coré, pour les mystères »[6]. Il y a donc ici des choses cachées, mais vous savez que celui qui fut crucifié au Calvaire, déchira le voile du temple, afin d’en mettre les secrets en évidence[7], Comme la croix de Notre-Seigneur fut une clé qui ouvrit ce qu’il y avait de plus caché, croyons qu’il voudra bien nous venir en aide, et nous révéler ces figures. « Pour la fin », cette expression doit toujours s’appliquer à Jésus-Christ, « qui est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront »[8]. Or, on l’appelle fin, non parce qu’il détruit, mais parce qu’il perfectionne. En effet, nous disons d’un pain qu’il est fini quand il est mangé ; d’une robe que l’on tissait, qu’elle est finie. Dans le premier cas il y a destruction, dans le second achèvement. Mais comme en allant au Christ nous ne pouvons nous élever davantage, il est appelé la fin de notre course. N’allons pas croire qu’une fois arrivés à lui il nous reste encore à faire de nouveaux efforts pour aller au Père. Ainsi le pensait Philippe, qui lui disait : « Seigneur, montrez-nous le Père et cela nous suffit »[9]. En disant : « Cela

  1. 1 Cor. 4,5
  2. Mt. 27,35
  3. Jn. 12,24
  4. 1 Chr. 26,1
  5. 2 Cor. 3,6
  6. Ps. 45,1
  7. Mt. 27,51
  8. Rom. 10,4
  9. Jn. 14,8-9