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qu’il s’est revêtu de notre chair, et que le Prophète a dit de lui : « Nous l’avons vu, et il n’avait ni apparence ni beauté »[1] ; il y a une grande beauté, si nous considérons la miséricorde qui l’a réduit à cet état. C’était ou nom des Juifs que le Prophète s’écriait : « Nous l’avons vu, et il n’avait ni apparence ni beauté ». Pourquoi ? parce qu’ils ne le comprenaient point. Mais pour ceux qui le comprennent, il y a dans « le Verbe qui s’est fait chair »[2], une beauté suprême. « A Dieu ne plaise », disait un ami de cet Époux, « que je me glorifie, sinon en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ »[3] C’est peu n’en pas rougir, si tu ne vas jusqu’à t’en glorifier. Mais pourquoi n’avait-il ni apparence ni beauté ? Parce qu’un Christ à la croix était un scandale pour les Juifs, une folie pour les Gentils. Pourquoi n’avait-il aucune beauté sur la croix ? Parce que, en Dieu, ce qui est folie, est plus sage que les hommes ; ce qui est faible en Dieu, est plus fort que les hommes[4]. Pour nous qui croyons, que cet Époux apparaisse toujours dans sa beauté. Il est beau comme Dieu, puisque le Verbe est Dieu ; il est beau dans le sein de la Vierge il se revêt de la nature humaine sans se dépouiller de la nature divine : il est beau dans sa naissance, ce Verbe enfant ; car cet Enfant à la mamelle, et dans les bras de sa mère, donne la parole aux cieux, fait chanter sa gloire par les anges ; une étoile amène à sa crèche les Mages qui l’y adorent, lui qui est la nourriture des pacifiques[5]. Il est donc beau dans le ciel et beau sur la terre ; beau dans les entrailles virginales, beau dans les bras maternels ; beau dans ses miracles et beau dans la flagellation ; beau quand il nous invite à sa vie, beau quand il méprise la mort ; beau quand il donne son âme, et beau quand il la reprend ; beau sur la croix, beau dans le sépulcre, beau dans le ciel. Écoutez ce cantique pour le comprendre, et que l’infirmité de la chair ne détourne point vos yeux de la splendeur et de la beauté de cet Époux. La grande et la véritable beauté, c’est la justice : dès que tu découvres l’injustice, il n’y a plus de beauté à tes yeux ; si donc il est toujours juste, il est toujours beau. Qu’il se montre donc aux yeux de notre âme, cet Époux qu’un de ses prophètes a si bien chanté. Le voici qui commence.
4. « Une bonne parole s’échappe de mon cœur, c’est au roi que j’adresse mes œuvres »[6]. Quel est ici l’interlocuteur ? est-ce Dieu le Père, ou le Prophète ? Plusieurs ont compris que c’est le Père qui dit : « Une bonne parole est sortie de mon cœur », pour désigner une naissance ineffable, et nous empêcher de croire que Dieu eut besoin d’un secours étranger pour engendrer son Fils, comme un homme qui, pour engendrer des enfants, a recours au mariage, sans lequel nul homme n’a de postérité. Dieu donc, pour nous empêcher de croire que, pour engendrer son Fils, il a besoin de quelque mariage, s’écrie : « Une bonne parole ce s’est échappée de mon cœur ». Aujourd’hui, ô homme, ton cœur enfante un dessein généreux et n’a nul besoin d’une Épouse d’après ce conseil né de ton cœur, tu construis un édifice ; or, cette œuvre était déjà celle de ton esprit avant d’être celle de tes mains : elle est déjà faite dans ton esprit, par cela même que tu dois la faire : et tu t’extasies devant une construction qui n’existe pas encore, qui n’a nulle apparence d’un édifice, et qui n’existe que dans ton dessein ; nul autre ne peut louer ton dessein, si tu ne lui en as fait part ou s’il n’a vu ton œuvre. Donc, si tout est l’œuvre du Verbe, et si le Verbe vient de Dieu, regarde l’œuvre de cet édifice construit par le Verbe, et que l’édifice t’en fasse admirer le dessein. Quel doit être le Verbe, par qui sont faits le ciel et la terre, et toute la beauté des cieux, et la fécondité de la terre, et l’étendue des mers, et la capacité de l’air, et l’éclat des astres, et la clarté du soleil et de la lune ? Voilà ce qui est visible ; mais franchis au-delà, élève-toi par la pensée jusqu’aux Anges, aux Principautés, aux Trônes, aux Dominations, aux Puissances : « Tout a été fait par lui ». Pourquoi donc toutes ces choses ont-elles été faites si bien ? C’est parce que ce la bonne parole » qui devait les faire s’est échappée. Donc le Verbe est bon ; et c’est au Verbe que l’on a dit : « Bon Maître ». Et le Verbe lui-même a répondu : « Pourquoi m’appeler bon ? Il n’y a que ce Dieu seul qui soit bon »[7]. On lui dit donc : « Bon Maître » ; et il répond : « Pourquoi ce m’appeler bon ? » puis il ajoute : « Il n’y a de bon que Dieu seul ». Comment donc lui-

  1. Isa. 53,2
  2. Jn. 1,14
  3. Gal. 6,14
  4. 1 Cor. 1,23-25
  5. Lc. 2,8-14
  6. Mt. 2,1
  7. Mc. 10,18