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Médecin prouva qu’il avait bien jugé, et le malade perdit sa confiance en lui-même. C’est ainsi que Dieu connaît et qu’il recherche. Pourquoi rechercher ce qu’il connaît ? C’est tour toi, afin que tu puisses te connaître toi-même et que tu en rendes grâces à ton Créateur. « Dieu ne doit-il pas rechercher tout cela ? »
21. « C’est lui qui connaît les secrets des azurs ». Que signifie : « Il connaît les secrets ? » Quels secrets ? « C’est que pendant tout le jour nous sommes livrés à la mort à cause de vous, que nous sommes regardés comme des brebis qu’on va égorger »[1]. Tu peux voir en effet qu’un homme se mortifie, non le motif pour lequel il se mortifie ; Dieu le connaît ; c’est là un secret. Mais quelqu’un s’en vient me dire : Voilà qu’on arrête cet homme pour le nom du Christ, il confesse le nom du Christ. Les hérétiques ne confessent-ils pas aussi le nom du Christ, et pourtant ils ne meurent point pour lui ? Et dans l’Église catholique, vous dirai-je, pensez-vous qu’il n’y en ait pas eu, qu’il ne s’en puisse trouver qui aient souffert pour une gloire purement humaine ? S’il n’y avait point de ces gens-là, saint Paul ne dirait point : « Quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai la charité, cela ne me sert de rien »[2]. Il savait qu’il pouvait s’en trouver quelques-uns qui n’endurassent ces douleurs que par ostentation, et non par amour. C’est donc là un secret impénétrable pour nous, et que Dieu seul peut sonder. Il peut seul en juger, lui qui connaît les secrets du cœur. « Pendant tout le jour, on nous livre à la mort, nous ressemblons aux brebis que l’on égorge ». Je vous ai dit déjà que saint Paul cite ce passage pour encourager les martyrs, afin qu’ils ne viennent pas à défaillir dans leurs douleurs pour le nom du Christ.
22. « Levez-vous, Seigneur, pourquoi dormez-vous ? » À qui va cette parole ? Quel est l’interlocuteur ? Ne semble-t-il pas plutôt dormir lui-même et rêver, celui qui parle de la sorte : « Levez-vous, Seigneur, pourquoi dormir ? » Alors il vous répond : Je sais ce que je dis ; je sais qu’il ne dort point, celui qui est le gardien d’Israël ; et toutefois les martyrs crient : « Levez-vous, Seigneur, pourquoi dormez-vous ? » Seigneur Jésus, vous avez été mis à mort, vous avez dormi dans votre passion et vous vous êtes levé en ressuscitant pour nous. Oui, c’est pour nous que vous êtes ressuscité, nous le savons ; pourquoi êtes-vous ressuscité ? Les Gentils qui nous persécutent croient que vous êtes mort, sans croire que vous êtes ressuscité. Levez-vous donc pour eux. Pourquoi dormir, et dormir pour eux, non pour nous ? S’ils croyaient en effet à votre résurrection, pourraient-ils bien persécuter ceux qui croient en vous ? Mais d’où viennent leurs persécutions ? Pourquoi ces cris : Effacez de la terre, tuez je ne sais quels hommes qui ont cru en vous, en je ne sais quel homme mort sur un gibet ? Vous dormez encore pour eux : levez-vous, afin qu’ils comprennent que vous êtes ressuscité, et qu’ils demeurent en paix. Enfin, il est arrivé que les martyrs, mourant au milieu de ces cris, se sont endormis, mais leur sommeil a éveillé le Christ vraiment mort ; et le Christ s’est comme éveillé parmi les Gentils, c’est-à-dire qu’ils ont cru à sa résurrection ; ainsi peu à peu leur foi au Christ, leur conversion a grossi leur nombre, a inspiré des craintes aux persécuteurs et a fait cesser les persécutions. Pourquoi ? parce que le Christ s’est levé chez les Gentils, lui qui dormait auparavant pour leur incrédulité. « Levez-vous, Seigneur, ne nous rejetez pas toujours ».
23. « Pourquoi détourner votre visage ? » comme si vous n’étiez point avec nous, comme si vous nous aviez oubliés. « Pourquoi oublier notre pauvreté et notre misère ? »[3].
24. « Notre âme est abaissée dans la poussière »[4]. Où a-t-elle été abaissée ? Dans la poussière, c’est-à-dire que la poussière nous persécute. Ils nous persécutent, ceux dont il est dit : « Il n’en est pas ainsi des impies, non, il n’en est pas ainsi ; mais ils seront comme la poussière que le vent chasse de la surface de la terre »[5]. « Notre âme est abaissée dans la poussière, nos entrailles rampent sur la terre ». Il paraît désigner par là un excès d’humiliation, que subit un homme lorsqu’il se prosterne et que son ventre touche à la terre. Quand on s’abaisse en effet jusqu’à mettre un genou en terre, on a de quoi s’abaisser encore. Mais quand par l’abaissement le ventre touche à la terre, on ne peut s’abaisser davantage. Tenter de le faire ne serait plus s’abaisser, mais s’écraser. C’est là peut-être

  1. Ps. 43,22
  2. 1 Cor. 13,3
  3. Ps. 43,24
  4. Id. 25
  5. Id. 1,4