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et de la science[1]. Il te délivrera au jour mauvais, parce qu’il est Dieu ; parce qu’il est homme, il a ressuscité ce qu’il y avait en lui d’humain, l’a changé, l’a amélioré, l’a élevé au ciel. Mais cette nature divine qui a voulu ne faire en l’homme et avec l’homme qu’une seule personne, ne pouvait ni décroître, ni croître, ni mourir, ni ressusciter. Il est mort à cause de l’infirmité de l’homme ; mais, après tout, Dieu ne saurait mourir. Que le Verbe de Dieu ne meure pas, n’en sois pas étonné, puisque l’âme d’un martyr ne meurt point. N’entendions-nous pas tout à l’heure Jésus-Christ qui nous disait : « Ne craignez « point ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ? »[2] Donc, à la mort des martyrs les âmes ne sont point mortes, et le Verbe serait mort quand le Christ expira ? Le Verbe de Dieu est bien plus que l’âme humaine, puisque celte âme de l’homme a été faite par Dieu ; et si elle est faite par Dieu, elle est faite par le Verbe, puisque tout a été fait par lui[3]. Donc le Verbe ne meurt pas, puisque l’âme faite par le Verbe est immortelle. Mais de même que nous disons : L’homme est mort, bien que son âme ne meure point ; nous disons de même sans erreur que le Christ est mort, bien que la divinité ne meure pas en lui. D’où vient sa mort ? de sa pauvreté, de son indigence. Que sa mort ne te blesse point, ne t’empêche point de contempler sa divinité. « Bienheureux celui qui comprend le pauvre et l’indigent ». Jette les yeux sur les pauvres, sur les indigents, sur ceux qui ont faim, qui ont soif, qui sont étrangers, qui sont nus, qui sont malades, qui sont en prison ; comprends bien ce pauvre, car si tu le comprends, tu comprendras aussi celui qui a dit : « J’ai eu faim, j’ai eu soif, j’ai été nu, étranger, malade, prisonnier »[4]. Et de la sorte, le Seigneur te délivrera au jour mauvais.
3. Vois aussi quel sera ton bonheur. « Que le Seigneur le conserve ». Le prophète souhaite le bonheur à l’homme qui comprend le pauvre et l’indigent. Ce souhait est une promesse : ceux qui en agissent ainsi peuvent attendre en toute sécurité : « Que le Seigneur le conserve et le vivifie »[5]. Qu’est-ce à dire, « le conserve et le vivifie ? » En quel sens « le vivifie ? » Dans le sens de la vie éternelle. Car on ne donne la vie qu’à celui qui est mort. Mais un mort peut-il comprendre le pauvre et l’indigent ? Le prophète nous promet donc la vie dont parle saint Paul : « Le corps est mort à cause du péché, mais l’esprit vit à cause de la justice ; or, si celui qui a ressuscité le Christ d’entre les morts habite en vous, il rendra aussi la vie à vos corps mortels, à cause de l’esprit qui habite en vous »[6]. C’est là cette vie qui est promise à celui qui comprend le pauvre et l’indigent. Mais saint Paul a dit à Timothée, que « nous avons reçu la promesse de cette vie et de la vie future »[7], donc, ceux qui ont l’intelligence du pauvre et de l’indigent ne doivent pas croire que, certains d’aller au ciel, ils sont négligés sur la terre ; qu’ils n’ont à espérer que pour l’avenir et l’éternité, et que Dieu ne prend aucun soin de ses saints et de ses fidèles en cette vie : aussi le prophète, après nous avoir dit ce que nous devons attendre principalement : « Que le Seigneur le conserve et le vivifie » ; jette les yeux sur la vie actuelle et s’écrie : « Qu’il le rende heureux sur la terre ». Élevé donc tes regards sur ces promesses de la foi chrétienne : Dieu ne t’abandonne pas sur la terre, et il te fait des promesses pour le ciel. Beaucoup de mauvais chrétiens, de ces consulteurs d’éphémérides, qui observent les temps et les jours, pressés par les reproches qu’ils reçoivent de nous ou de chrétiens qui valent mieux qu’eux, au sujet de ces pratiques nous répondent : Ces choses nous servent pour la vie présente, mais nous sommes chrétiens pour la vie éternelle ; nous croyons au Christ afin qu’il nous donne la vie céleste, mais cette vie temporelle, qui est aujourd’hui la nôtre, il n’en prend aucun souci. Il ne leur reste plus qu’à dire, en résumé, qu’il faut honorer Dieu en vue de la vie éternelle, et le diable en vue de la vie temporelle. Mais Jésus-Christ lui-même va leur répondre : « Vous ne pouvez servir deux maîtres »[8]. Or, tu sers celui-ci à cause de tes espérances du ciel, et tu sers celui-là à cause de tes espérances de la terre ; combien ne serait-il pas mieux de servir celui qui a fait le ciel et la terre ? Celui qui a pris soin qu’il y eût une terre, négligera-t-il son image sur la terre ? Donc, « Que le Seigneur conserve, qu’il vivifie » celui qui comprend le pauvre et l’indigent. De

  1. Col. 2,3
  2. Mt. 10,28
  3. Jn. 1,3
  4. Mt. 25,15
  5. Ps. 40,3
  6. Rom. 8,10-11
  7. 1 Tim. 4,8
  8. Mt. 6,24