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reçoive toujours les bénédictions de celui « qui aime son salut ».
27. « Pour moi », à qui ils voulaient tant de mal ; « pour moi », dont ils cherchaient l’âme afin de la perdre ; et, pour parler de cette autre catégorie : « Pour moi », à qui tous criaient : Courage ! courage ! pour moi, « je suis pauvre et dans l’indigence ». Il n’y a rien en moi que l’on puisse louer. Que Dieu déchire mon sac, et me couvre du vêtement de sa gloire. « Je vis, non pas moi, mais le Seigneur vit en moi »[1]. Si le Christ vit en toi, si le bien qui est en toi vient du Christ, tout ce que tu as est du Christ. Qu’es-tu donc par toi-même ? « Je suis pauvre et dans l’indigence ». Je ne suis point riche, puisque je ne suis point superbe. 2 était riche celui qui disait : « Seigneur, je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme les autres hommes »[2] ; mais il était pauvre ce publicain qui disait : « Seigneur, ayez pitié de moi qui suis un pécheur ». L’un rejetait le trop plein de son âme, l’autre pleurait à la faim. « Je suis pauvre et dans l’indigence ». Et que deviendras-tu avec ton indigence et ta pauvreté ? Va mendier à la porte du Seigneur ; frappe et l’on t’ouvrira. « Je suis pauvre et dans l’indigence ; mais le Seigneur prendra soin de moi. Jette dans le Seigneur tes angoisses, espère en lui et il fera le reste »[3]. Pourquoi te charger de toi-même ? Comment pourvoir à tes besoins ? Abandonne ces soins à celui qui t’a fait. Si, même avant que tu fusses, il a pris soin de toi, comment t’abandonnerait-il, maintenant que tu es ce qu’il te voulait ? Car déjà tu es fidèle et tu marches dans les voies de la justice. Il t’abandonnerait, « Celui qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes »[4], alors que dans ta justice tu vis de la foi ? il pourrait te mépriser[5], te négliger, te rejeter ? Loin de là, puisqu’il a soin de toi dès ce monde ; il te vient en aide, il te donne ce qui est nécessaire, écarte ce qui est nuisible. Te donner, c’est te consoler, pour que tu demeures ferme ; te reprendre, c’est te châtier, de peur que tu ne périsses. Le Seigneur a donc soin de toi, ne t’inquiète point. Il te porte, celui qui t’a fait ; garde-toi d’échapper à la main de ton Créateur ; échapper à cette main, c’est te briser dans ta chute. C’est l’effet de la bonne volonté que tu demeures dans les mains de ton Créateur. Dis alors : Mon Dieu l’a voulu, il me portera, il me soutiendra. Jette-toi donc dans ses bras : ne crois pas t’y précipiter comme dans le vide ; loin de toi cette pensée. C’est lui qui a dit : « Je remplis le ciel et la terre »[6]. Il ne te manquera nulle part ; pour toi, ne lui manque jamais, ne te manque pas à toi-même.
28. « C’est vous, Seigneur, qui êtes mon soutien, mon protecteur, ne tardez point »[7]. Il prie, il implore, il craint de manquer de courage : « Ne tardez point ». Que signifie : « Ne tardez point ? Si ces jours n’eussent été abrégés, nulle chair n’eût pu être sauvée »[8]. Voilà ce que nous lisions tout à l’heure à propos des jours de tribulation. Ce sont les membres de Jésus-Christ qui invoquent le Seigneur comme s’ils ne formaient qu’un seul homme, qu’un seul corps du Christ, répandu dans toute la terre, un seul mendiant, un seul pauvre ; car il est pauvre aussi, lui qui de riche est devenu pauvre, selon cette parole de l’Apôtre : « Etant riche, il est devenu pauvre, afin de vous enrichir de sa pauvreté »[9]. Il enrichit les vrais pauvres, il appauvrit les faux riches. C’est ce pauvre qui crie à Dieu : « Des extrémités de la terre, je crie vers vous, quand mon âme est dans l’ennui »[10]. Voici venir les jours des tribulations, et des plus grandes tribulations ; ils viendront, selon le témoignage de l’Écriture ; et à mesure qu’ils approchent, les tribulations s’accroissent. Que nul ne se promette ce que l’Évangile ne promet point. Je vous conjure, mes frères, d’examiner si les Écritures nous ont trompés en rien ; si elles ont fait une prédiction, et qu’il soit arrivé le contraire de ce qui était prédit : il est de toute nécessité que tout arrive comme elles l’ont marqué. Or, les Écritures n’ont d’autres promesses pour cette vie, que peines, qu’afflictions, qu’angoisses, que surcroîts de douleurs, que tentations sans nombre. C’est à tout cela qu’il faut nous préparer, de peur d’être surpris et de tomber dans le découragement. « Malheur aux femmes enceintes, aux nourrices »[11] vous venez de l’entendre. Les femmes enceintes figurent ceux qui – sont enflés d’espoir ; les nourrices, ou celles qui allaitent, marquent ceux qui jouissent de ce qu’ils ont désiré. Une

  1. Gal. 2,20
  2. Lc. 18,11-13
  3. Ps. 54,23
  4. Mt. 5,45
  5. Rom. 1,17
  6. Jer. 23,24
  7. Ps. 39,18
  8. Mt. 24,22
  9. 2 Cor. 8,9
  10. Ps. 51,3
  11. Mt. 24,19