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ce que nous voyons, ce que nous désirons imiter. Voilà les spectacles des chrétiens, que Dieu contemple du haut du ciel ; c’est à cela qu’il nous exhorte, pour cela qu’il nous soutient ; c’est à ces luttes qu’il promet et décerne des récompenses. « Je ne tiendrai point mes lèvres fermées ». Garde-toi de craindre et de tenir tes lèvres fermées. « Seigneur, vous le savez » ; mon cœur ressent ce que disent mes lèvres.
17. « Je n’ai point recelé ma justice dans « mon cœur »[1]. Qu’est-ce à dire : « Ma justice ? » Ma foi, parce que « le juste vit de la foi »[2]. Ainsi un persécuteur demande, comme il en avait jadis le pouvoir : Qui es-tu ? es-tu païen ou chrétien ? Chrétien, répond l’interrogé. Voilà sa justice : il a cru et il vit de la foi. Il n’a pas enfoui sa justice dans son cœur. Il n’a point dit en son âme : Je crois au Christ, à la vérité ; mais à ce persécuteur furieux et menaçant, je ne dirai point que je crois ; mon Dieu voit bien ma foi dans mon cœur ; il sait que je ne le renonce point. Voilà ce qui est dans ton cœur, j’y consens ; mais sur tes lèvres ? Je ne suis pas chrétien ? Alors le témoignage de tes lèvres est contraire à celui de ton cœur. « Je n’ai point caché ma u justice dans mon cœur ».
18. « J’ai proclamé votre vérité et votre salut ». J’ai chanté votre Christ, qui est « votre vérité comme votre salut o. D’où vient que le Christ est la Vérité ? « Je suis la Vérité », a-t-il dit[3]. De quelle manière est-il pour lui le salut ? Siméon, dans le temple, reconnut le saint Enfant dans les bras de sa Mère, et s’écria : « Mes yeux ont vu votre salut »[4]. Le vieillard reconnut l’Enfant, il redevint enfant dans l’Enfant divin, et se renouvela par sa foi. Il avait reçu une réponse du ciel, et il parla de la sorte ; le Seigneur lui avait promis qu’il ne sortirait point de cette vie sans avoir vu le salut de Dieu. Il est bon que Dieu fasse connaître ainsi le Sauveur aux hommes ; mais qu’ils s’écrient : « Montrez-nous, Seigneur, votre miséricorde, et donnez-nous votre Sauveur »[5], ce Sauveur de Dieu dans toutes les nations. Car, après avoir dit en un endroit : « Que le Seigneur nous prenne en pitié, nous bénisse et projette sur nous la lumière de sa face, afin que sur la terre nous connaissions votre voie »[6] ; il ajoute aussitôt : « Et que les nations connaissent votre salut ». Il dit d’abord : « Afin que sur la terre nous connaissions votre voie » ; et ensuite : « Que les nations connaissent votre salut ». Comme si on lui disait : Quelle est cette voie que tu veux connaître ? Les hommes cherchent après la voie ; est-ce la voie qui vient aux hommes ? Eh bien ! c’est votre voie qui est venue vers les hommes, qui les a trouvés dans l’égarement, et qui a invité à marcher en elle ceux qui étaient en dehors. Marchez en moi, a-t-elle dit, et vous ne vous égarerez pas : « Je suis la voie, la vérité et la vie »[7]. Ne dis donc plus : Où est la voie de Dieu ? en quelle contrée dois-je aller ? quelle montagne me faut-il gravir ? quelles campagnes explorer ? Cherches-tu la voie de Dieu ? Le salut de Dieu est lui-même la voie de Dieu, et il se trouve partout, parce que le salut du Seigneur est dans toutes les nations. « J’ai proclamé votre vérité et votre salut ».
19. « Je n’ai point caché votre clémence ni votre vérité au milieu d’un grand peuple »[8]. Soyons donc ce peuple, faisons partie de ce grand corps ; ne cachons ni la miséricorde, ni la justice de Dieu. Veux-tu entendre la miséricorde du Seigneur ? Retire-toi de tes péchés, et il te pardonnera tes péchés. Veux-tu connaître la vérité du Seigneur ? Pratique la justice, et ta justice sera couronnée. On te prêche aujourd’hui sa miséricorde, pour te montrer ensuite sa vérité. Car Dieu n’est pas miséricordieux jusqu’à être injuste, ni juste au point de manquer de miséricorde. Est-ce peu de miséricorde pour toi que d’oublier tes actes jusqu’à présent ? Tu as vécu dans le désordre jusqu’aujourd’hui, tu y vis encore ; commence aujourd’hui à bien vivre, et tu n’échapperas pas à cette clémence. Si telle est la miséricorde, quelle est la vérité ? Toutes les nations seront rassemblées devant lui, et ce pasteur séparera les brebis d’avec les boucs pour mettre les brebis à la droite et les boucs à la gauche. Que dira-t-il aux brebis ? « Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé ». Et aux boucs ? « Allez au feu éternel »[9]. C’est là qu’il n’y aura plus de pénitence. Après avoir méprisé la bonté de Dieu, tu en sentiras la justice ; mais si tu n’as point méprisé sa bonté, sa vérité te remplira de joie.
20. « Pour vous, Seigneur, n’éloignez pas

  1. Ps. 39,11
  2. Hab. 2,4 ; Rom. 1,17
  3. Jn. 14,6
  4. Lc. 2,30
  5. Ps. 84,8
  6. Id. 66,2
  7. Jn. 14,6
  8. Ps. 39,11
  9. Mt. 25,32-33.41