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sans fraude pour ceux qui suivent. Comment pourraient-ils tromper ceux qui suivent ? En leur promettant de les sauver par eux-mêmes. Que devront faire ceux qui suivent ? « Les justes verront, et ils craindront, et ils espéreront dans le Seigneur », et non dans ceux qui les précèdent ; en considérant ceux qui marchent devant eux, ils les suivent à la vérité, ils les imitent, mais ils attachent leur pensée sur celui qui a donné à ceux-ci la grâce de les précéder, et ils espèrent en lui. Alors, tout en les imitant, ils mettent leur espérance dans celui qui a fait ceux-ci tels qu’ils sont. « Les justes verront, et ils craindront, et ils espéreront dans le Seigneur » : c’est encore ce qui est dit dans un autre psaume : « J’ai levé les yeux vers les montagnes »[1] ; et par ces montagnes nous avons entendu les hommes illustres, les grands hommes de la vie spirituelle, qui ont acquis dans l’Église, non l’enflure, mais une grandeur solide. Ce sont eux qui nous ont ouvert les saintes Écritures, les prophètes, les évangélistes, les saints docteurs. « C’est là, c’est vers ces montagnes que j’ai levé les yeux, et de là me viendra le secours ». Et de peur que nous ne voyions là un secours humain, le Prophète ajoute : « Tout mon secours est dans le Seigneur qui a fait le ciel et la terre[2]. Les justes verront et ils craindront, et ils mettront leur espoir dans le Seigneur ».
7. Courage, mes frères ; que ceux qui veulent espérer dans le Seigneur, qui voient et qui craignent, se gardent bien de marcher dans les voies mauvaises, dans les voies larges ; qu’ils choisissent la voie étroite, où les pas de quelques-uns sont déjà redressés sur la pierre ; et qu’ils écoutent maintenant ce qu’ils ont à faire : « Bienheureux l’homme qui a mis son espérance dans le nom du Seigneur, qui n’a point tourné ses regards vers les vanités et vers les folies du mensonge »[3]. Dans ce chemin que tu voulais prendre, remarque la foule de la voie large : ce n’est pas en vain qu’elle conduit à l’amphithéâtre, ni en vain qu’elle conduit à la mort. La voie large est le chemin de la mort ; sa largeur nous plaît un instant ; mais elle devient étroite, et pour l’éternité. La foule toutefois y marche, la foule s’y presse, la foule s’y livre à ses ébats, la foule y vient de toutes parts. Garde-toi bien de les imiter, de quitter ta voie ; ce sont là des vanités, des folies menteuses. Que le Seigneur ton Dieu soit toujours ton espérance : n’attends de lui rien autre chose, mais qu’il soit lui-même ton espérance. Le grand nombre attend de Dieu de l’argent, d’autres espèrent que Dieu leur donnera des honneurs fragiles et périssables, toute autre chose que Dieu lui-même ; pour toi, ne demande à Dieu que lui seul ; méprise tout ce qui n’est pas lui, ne cherche que lui ; oublie tout le reste pour te souvenir de lui ; laisse tout en arrière pour courir à lui. C’est lui assurément qui l’a redressé dans tes égarements, lui qui te dirige dans la voie droite, lui qui te fera parvenir au terme. Qu’il soit donc ton espérance, puisqu’il te conduit et te fera arriver. Où l’avarice doit-elle te mener et aboutir ? Tu cherchais des domaines, lu voulais posséder la terre, tu évinçais tes voisins ; ceux-ci évincé, tu portais envie à d’autres voisins ; ton avarice ne voyait de bornes que les rivages de la nec Arrivé sur ces bords, tu voudrais les îles ; possédant la terre, tu voudrais prendre le ciel. Laisse là tous ces désirs : celui qui a fait le ciel et la terre a bien plus d’attraits.
8. « Bienheureux l’homme qui a mis son « espérance dans le nom du Seigneur, qui n’a point tourné ses regards sur les vanité et sur les folies du mensonge ». Pourquoi des folies mensongères ? La folie est menteuse, la sagesse est véridique. Tu prends ce que tu vois pour des biens, illusion ! tu manques de sagesse, l’excès de la fièvre t’a rendu frénétique ; ce que tu aimes n’est pas réel. Louer un cocher, acclamer un cocher, raffoler d’un cocher ; voilà ton occupation. C’est là une vanité, une folie menteuse. Nullement, répond-il ; rien de mieux, rien de plus amusant. Que dire à ce fiévreux ? Si vous avez quelque pitié, priez pour ces gens-là. Souvent quand on désespère d’un malade, le médecin se tourne vers ceux qui pleurent autour de lui dans la maison, qui sont suspendus à ses lèvres pour entendre ce qu’il pense du malade en danger ; le médecin est alors dans l’angoisse, il ne voit rien de boni promettre, il craint d’effrayer en disant le mal qu’il appréhende ; alors il choisit na parti modéré : Dieu est bon, dit-il, priez pour ce malade. Auquel de ces insensés pourrai-je donc m’adresser ? Qui voudra m’entendre ? Qui d’entre eux ne nous croit point misérables ?

  1. Ps. 120,1-2
  2. Id. 2
  3. Id. 39,5