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parce que lui seul a pu l’apercevoir. « Vous attachez », dit-il, « la douleur à vos préceptes », vous me faites de la douleur un précepte. C’est vous qui formez cette douleur que j’endure, vous ne la laissez point inachevée, mais vous la formez : et cette douleur que vous avez formée pour me l’infliger, me devenait un précepte, afin que je fusse délivré par vous. Vous formez la douleur, fingis, est-il dit ; vous la façonnez, et non, vous la simulez : ainsi façonne l’artiste ; ainsi le potier tire son nom de la poterie qu’il façonne. « C’est donc à cause de l’iniquité que vous avez châtié l’homme ». Je me vois dans les peines, je me vois dans l’affliction, et je ne vois en vous aucune injustice. Donc, si je suis dans la peine et qu’il n’y ait aucune injustice en vous, n’en faut-il pas conclure que vous châtiez l’homme à cause de l’iniquité ?
18. Et comment « l’avez-vous châtié » ou instruit ? Dis-nous cette leçon, ô Idithun comment Dieu t’a-t-il instruit ? « Et vous avez fait dessécher mon âme comme l’araignée »[1]. Telle est la leçon. Quoi de plus desséchée que l’araignée ? Je parle de l’animal. On pourrait dire aussi : Quoi de plus frêle que la toile de l’araignée ? Pressez-la légèrement du doigt, tout se brise ; rien, absolument rien n’est plus frêle. C’est l’état où vous avez réduit mon âme en me châtiant à cause de l’iniquité. Quand le châtiment rend faible, c’est que la force a du vice. Je vois que quelques-uns d’entre vous ont pris les devants et ont compris ; mais ceux dont la course est agile ne doivent pas abandonner ceux qui sont tardifs, afin que tous suivent le chemin de l’Évangile. Voici donc ce que j’ai dit et ce qu’il faut comprendre : Si la juste leçon de Dieu a réduit à cette infirmité, il y avait donc du vicieux dans la force. L’homme a déployé ses forces pour déplaire à Dieu, qui l’en a châtié par la faiblesse ; car il a déplu par un orgueil qu’a dû rabattre l’humilité. Tous les orgueilleux vantent leurs forces. C’est pourquoi beaucoup sont venus de l’Orient et de l’Occident, et ont remporté la victoire, afin de reposer avec Abraham, et Isaac, et Jacob, dans le royaume des cieux. Pourquoi ont-ils vaincu ? Parce qu’ils n’ont pas voulu être forts. Qu’est-ce à dire, qu’ils n’ont pas voulu être forts ? Ils ont craint de trop présumer d’eux-mêmes, ils n’ont point établi leur propre justice et se sont soumis à la justice de Dieu[2]. Enfin, quand le Seigneur dit : « Beaucoup viendront de l’Orient et reposeront avec Abraham, et Isaac, et Jacob, dans le royaume des cieux ; mais les enfants du royaume »[3], c’est-à-dire les Juifs qui ignorent la justice de Dieu et qui veulent établir leur propre justice, « iront dans les ténèbres extérieures » ; rappelez-vous la foi de ce centenier, de cet homme de la gentilité, si faible en lui-même, si peu fort, qu’il disait : « Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison ». Il ne se croyait pas digne de recevoir le Christ dans sa maison, lui qui l’avait déjà reçu dans son cœur. Car le maître de l’humanité, le Fils de l’homme, avait trouvé dans son cœur où reposer sa tête[4]. Le Seigneur, prenant en considération la parole du centenier, dit à ceux qui le suivaient : « En vérité, je vous le déclare, je n’ai pas trouvé une si grande foi en Israël »[5]. Il trouva ce centenier faible et les Israélites forts, et se prononça ainsi entre eux : « Le médecin n’est pas nécessaire à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui se portent mal »[6]. Et pour cela, c’est-à-dire à cause de cette humilité, « beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident, et reposeront avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux ; mais les enfants du royaume iront dans les ténèbres extérieures ». Vous voilà mortels, portant une chair corruptible, et vous tomberez comme l’un des princes. « Vous mourrez comme les hommes »[7], vous tomberez comme le diable. De quel remède est pour vous l’assujettissement à la mort ? Le diable est superbe, comme l’ange qui n’a point une chair mortelle ; mais toi, qui es revêtu d’une chair mortelle, et à qui ne profite pas une semblable humiliation, tu tomberas comme l’un des princes. Le premier bienfait de la grâce de Dieu est donc de nous amener à confesser notre infirmité, afin que nous lui rapportions tout ce que nous avons de bonté et de puissance « Afin que celui qui se glorifie, se glorifie en Dieu[8]. Quand je suis faible », dit saint Paul, « c’est alors que je suis fort[9]. Vous avez donné à l’homme une leçon à cause de l’iniquité ; et vous avez fait dessécher mon âme comme l’araignée ».
19. «

  1. Ps. 38,12
  2. Rom. 10,3
  3. Mt. 8,8-12
  4. Lc. 9,58
  5. Mt. 8,10
  6. Id. 1112
  7. Ps. 81,7
  8. 1 Cor. 1,31
  9. 2 Cor. 12,10