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19. Voici la suite : « Ceux qui cherchaient le mal en moi ont parlé vainement ». Que signifie : « Ceux qui cherchaient le mal en moi ? » Ils cherchaient beaucoup et ne trouvaient rien. Peut-être veut-il dire : Ils me cherchaient des crimes ; car ils cherchèrent de quoi l’accuser, « sans rien trouver[1] ». Ils cherchaient le mal chez l’homme de bien, le crime chez l’innocent ; et qu’eussent-ils trouvé chez celui qui n’avait aucune faute ? Mais comme ils cherchaient des fautes chez l’homme qui n’en avait commis aucune, ils n’avaient plus de ressource qu’à feindre ce qu’ils ne trouvaient point. C’est pourquoi, « ceux qui cherchaient le mal en moi, tenaient le langage de la vanité », non de la vérité ; « et tout le jour ils tramaient la fraude » ; c’est-à-dire, ils s’étudiaient sans cesse au mensonge. Vous connaissez tous les faux témoignages qu’ils ont apportés contre le Sauveur, même après sa résurrection. En effet, pour ces soldats du sépulcre, dont Isaïe avait dit : « Je mettrai les méchants près de son tombeau[2] » (c’étaient bien des méchants, puisqu’ils ne voulurent point déclarer la vérité, et qu’ils se laissèrent corrompre, pour semer le mensonge), voyez quelle fut l’ineptie de leur langage. On les interroge, et les voilà qui répondent : « Lorsque nous étions endormis, ses disciples sont venus et l’ont enlevé[3] ». Quelle vanité de langage ! S’ils dormaient, comment savaient-ils ce qui s’était passé ?
20. « Pour moi », dit le Prophète, « je suis comme un sourd qui n’entend rien ». Car il ne répondait pas plus à ce qu’on lui objectait que s’il n’eût point entendu. « Non plus qu’un sourd, je n’entendais pas ; et n’ouvrais ma bouche non plus qu’un muet ». Puis il répète sous une autre forme : « Je suis comme un homme qui n’entend point et qui n’a nulle réponse à la bouche[4] » ; comme s’il n’avait rien à leur dire, aucune réplique pour les confondre. Mais ne leur avait-il pas fait déjà beaucoup de reproches, tenu bien des discours, et dit : « Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites[5] », et autres choses semblables ? Pourtant, dans la passion, il ne dit rien de tout cela, non qu’il n’eût rien à dire, mais il attendait que tout fût achevé, et que s’accomplît tout ce qui était prédit à son sujet, lui dont il est écrit : « Comme une brebis devant celui qui la tond, il est sans voix et n’ouvre pas la bouche[6] ». Il devait donc se taire dans sa passion, celui qui ne se taira point au jugement. Il était venu pour être jugé, lui qui viendra plus tard pour juger ; et pour juger avec une puissance d’autant plus grande qu’il s’est laissé juger avec plus d’humilité.
21. « Parce que j’ai espéré en vous, Seigneur, vous m’exaucerez, Seigneur mon Dieu[7] ». Comme si on lui demandait : Pourquoi n’avez-vous point ouvert la bouche ? pourquoi n’avez-vous point dit : Epargnez-moi ? Pourquoi sur la croix n’avez-vous point confondu les impies ? Voilà qu’il poursuit en disant : « Parce que j’ai espéré en vous, Seigneur, vous m’exaucerez, Seigneur mon Dieu ». Il te montre ce qu’il faut faire quand viendra la tribulation, Tu cherches parfois à te justifier, et nul n’entend ta défense. Alors survient le trouble, comme ta cause était perdue, parce que nul ne vient te défendre ou te rendre témoignage. Mais garde l’innocence dans ton cœur, où nul ne peut opprimer la justice de ta cause. Si le faux témoignage a prévalu contre toi, ce n’est que devant les hommes ; mais prévaudra-t-il devant Dieu, qui sera le juge de ta cause ? Et au jugement de Dieu il n’y aura d’autre juge que ta conscience. Entre un juge qui est juste et la conscience, ne crains rien que ta cause : si tu n’as point une mauvaise causa, tu n’auras ni accusateur à craindre, ni faux témoin à repousser, ni témoin véridique à rechercher. Apporte seulement une bonne conscience, afin de pouvoir dire : « Parce que j’ai espéré en vous, Seigneur, vous m’exaucerez, Seigneur mon Dieu. »
22. « Je disais : Ne permettez plus que mes ennemis m’insultent, eux qui ont fait éditer leur insolence quand mes pieds étaient chancelants[8] ». Il revient à sa faiblesse corporelle, et ce chef a égard à ses pieds. La gloire du ciel ne lui fait point négliger ce qu’il a sur la terre, il nous regarde, il nous voit. Quelquefois, dans cette vie fragile, nos pieds sont ébranlés, ils tombent dans quelque faute ; alors s’élèvent contre nous les langues perverses de nos ennemis. C’est en ce cas que nous comprenons ce qu’ils méditaient dans leur silence, ils parlent avec aigreur et

  1. Mt. 26,59
  2. Isa. 53,9
  3. Mt. 28,13
  4. Ps. 37,14-15
  5. Mt. 23,13
  6. Isa. 58,7
  7. Ps. 37,16
  8. Id. 37,17