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Jésus-Christ, et « quand il se heurtera, il ne sera point troublé, parce que ses mains sont fortifiées par le Seigneur », qui a le premier passé par ces peines. Que pourrais-tu craindre, ô homme, puisque Dieu dirige tes pas, pour te faire désirer ses voies ? Que peux-tu redouter ? Les douleurs ? Le Christ a été flagellé[1]. Les affronts ? Il s’est entendu lire : « Vous êtes possédé du démon »[2], lui qui chassait les démons. Craindrais-tu les trames et les conspirations des méchants ? Ou a conspiré contre lui[3]. Tu ne saurais peut-être établir ton innocence en toute accusation, et tu as la douleur d’entendre de faux témoins déposer contre toi. Ils ont porté un faux témoignage contre Jésus-Christ tout le premier, non seulement avant sa mort, mais encore après sa résurrection. On produisit de faux témoins pour le faire condamner par les juges[4] ; et de faux témoins encore calomnièrent son tombeau. Jésus-Christ ressuscita avec tout l’éclat du miracle, et la terre ébranlée annonça la résurrection du Sauveur. Il y avait là une terre qui gardait la terre, mais cette terre plus dure ne put être changée. Elle rendit témoignage à la vérité, mais elle fut séduite par la terre menteuse. Les gardiens racontèrent aux Juifs ce qu’ils avaient vu, ce qui était arrivé ; mais ils reçurent de l’argent, et on leur dit : « Rapportez que pendant votre sommeil ses disciples sont venus et l’ont enlevé »[5]. Voilà de faux témoins contre sa résurrection. Mais quel aveuglement dans ces faux témoins, mes frères ; quel aveuglement ! Voilà ce qui arrive d’ordinaire aux faux témoins, c’est de tomber dans l’aveuglement su point de parler contre eux-mêmes sans le savoir, et de démasquer ainsi leur faux témoignage. Qu’ont-ils dit contre eux-mêmes ? Pendant que nous dormions, ses disciples mont venus et l’ont enlevé ». Quoi donc ? Oui fait cette déclaration ? celui qui dormait, le ne croirais pas de tels hommes, quand même ils ne me raconteraient pas leurs songes. Quelle extravagance ! Si tu veillais, pourquoi le laisser enlever ? Si tu dormais, d’où le sais-tu ?
18. Ainsi en est-il de ceux qui sont leurs enfants, comme il vous en souvient, et dont il faut dire un mot, puisque c’est l’occasion. Plus, en effet, nous voulons leur salut, et plus nous devons démasquer leur vanité. Voilà que le corps de Jésus-Christ est encore en butte aux faux témoins ; ce qu’a d’abord enduré le chef, le corps l’endure aussi. Il n’y a là rien d’étonnant, et aujourd’hui il ne manque pas de gens pour dire à ce corps du Christ répandu sur la terre : Race de traîtres. C’est là un faux témoignage, et peu de mots me suffiront pour te convaincre que tu es un faux témoin. Tu me dis : Tu es un traître. Je réponds : Tu mens. Nulle part et jamais tu n’as pu prouver ma trahison ; et moi, dans tes paroles et à l’instant, je démasque ton mensonge. Il est constant que tu as dit que nous avons aiguisé nos épées ; je cite les actes de tes circoncellions. Tu as dit, et cela y est constaté, que tu ne réclames pas les biens enlevés[6] ; et je lis dans ces mêmes actes que tu donnes procuration pour les exiger. Tu as dit encore : Nous ne présentons uniquement que les Évangiles ; et je lis une foule d’arrêts des juges, dont tu as tourmenté ceux qui sont séparés d’avec toi ; je lis des suppliques à un empereur apostat, à qui tu as dit qu’il n’y a que la justice pour avoir accès auprès de lui[7]. L’apostasie de Julien vous paraissait sans doute faire partie de l’Évangile ? Te voilà donc convaincu de mensonge. Que doit-on croire de tout ce que tu as dit de moi ? Quand même je ne pourrais démasquer la fausseté de tes reproches, il me suffit de prouver que tu es menteur. Que dis-tu ? Tel on te voit, tels on voit tous les autres. C’est avec raison que tu as envoyé partout ces paroles, tu as voulu grossir le mensonge par d’autres mensonges, afin de n’avoir plus à rougir d’avoir menti.
19. Mais il faut, dit-il, maintenir le jugement de nos pères contre Cécilien. Pourquoi le maintenir ? parce que c’est le jugement des évêques ? Il faut donc aussi maintenir le jugement porté contre toi par les Maximianistes. Car c’était auparavant, et je pense que vous le savez, que les évêques, unis à Maximien, qui était encore son diacre, vinrent à Carthage, comme le porte la requête qu’ils ont

  1. Mt. 27,26
  2. Jn. 8,48
  3. Id. 9,22
  4. Mt. 26,60
  5. Id. 28,12-13
  6. Saint Augustin se propose évidemment dans ces discours de réfuter cette déclaration de Primianus, dont il fait mention dans son Abrégé des Conférences avec les Donatistes, 3e jour, ch. 8 ; mais d’une manière plus expressive dans son livre contre Cresconius, chap. 27, en ces termes : Puisque Primianus, dans ses actes de tribunal de Carthage, a dit entre autres calomnies dont il nous a chargés : Ils enlèvent les biens des autres, et nous abandonnons ce que l’on nous prend.
  7. C’est le langage de Rogatien et de Pontius, dans les requêtes présentées à Julien l’Apostat, au nom des Donatistes, d’après la let. 105 aux Donatistes, n. 8, et liv. 2 contre Pétilien, ch. 22 et 27.