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SUR LE PSAUME 35==

L’IMPIÉTÉ

L’impie ne veut point connaître son iniquité afin de ne point la haïr, il cherche à se dérober à Dieu, il ne prie point dans les secret ou pour demander les biens du ciel. Il ne peut espérer qu’un jugement sévère, parce qu’il se laisse entraîner dans l’abîme jusqu’à mépriser Dieu. Nos ressources pour éviter ce malheur sont dans la miséricorde divine, à laquelle nous devons demander non les biens terrestres, comme Israël, mais les biens du ciel. Sainte ivresse du ciel. Eviter l’orgueil afin d’y arriver.


1. J’appelle toute l’attention de votre charité sur les paroles et sur les mystères de ce psaume, afin que nous puissions l’exposer rapidement, car il est clair en bien des endroits ; et quand l’obscurité nous obligera de sous étendre quelque peu, le plaisir d’apprendre nous adoucira cette longueur. « L’impie s’est en lui-même déterminé au mal ; la crainte de Dieu n’est point devant ses yeux »[1]. Ce n’est point un seul homme que désigne ici le Prophète, mais bien cette espèce d’hommes pervers, ennemis d’eux-mêmes, parce qu’ils ne comprennent pas la sainteté de la vie, non qu’ils ne le puissent, mais parce qu’ils ne le veulent pas. Il y a une différence entre un homme qui s’efforce de comprendre et qui est empêché par l’infirmité de sa chair, comme il est dit dans l’Écriture : « Que ce corps corruptible appesantit l’âme, et que cette habitation terrestre abat l’esprit capable des plus hautes pensées. »[2] ; et un homme dont le cœur se livre une guerre funeste, afin de ne point comprendre ce qu’il comprendrait avec quelque bonne volonté, non que cela soit difficile, mais parce que sa volonté y répugne. C’est ce qui arrive quand on aime ses péchés et que l’on hait la loi de Dieu. Cette parole de Dieu est haïssable pour toi, si tu as de l’attachement pour ton iniquité. Si au contraire tu hais ton iniquité, la parole de Dieu devient aimable pour toi et repousse ton iniquité. Haïr le mal, c’est donc travailler de concert avec la parole de Dieu ; et ainsi vous serez deux, cette parole et toi, pour le détruire. Pour toi, tu ne peux rien par tes propres forces ; mais celui qui t’a envoyé cette parole te prête son secours, et te mal est surmonté. Si tu la hais, Dieu te la pardonne et l’affranchit de la servitude ; mais si tu l’aimes, il te répugne de comprendre le blâme que l’on en fait. Montrez-moi un homme qui cherche comment le Fils est égal au Père ; il croit, mais il cherche à comprendre et ne le peut encore. C’est en effet une doctrine bien relevée et qu’on ne peut saisir qu’avec les plus grandes forces de l’esprit ; et il est un commencement de foi qui préserve l’âme jusqu’à ce qu’elle se fortifie. Elle se nourrit d’abord de lait, jusqu’à ce qu’elle prenne de l’accroissement et devienne plus capable d’un aliment plus solide, afin qu’elle puisse comprendre : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu »[3]. Avant d’en arriver là, elle s’alimente par la foi ; elle s’efforce de comprendre, afin de le faire enfin autant que Dieu lui en donne la grâce. Mais faut-il un grand effort pour comprendre : « Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas que l’on te fasse »[4], en sorte que tu ne commettes point d’injustice, puisque tu n’aimes pas qu’on soit injuste envers toi, et que tu ne tendes aucune embûche, puisque tu ne veux pas être victime des embûches ? Ne pas comprendre cela, c’est le tort de ta volonté. Aussi « l’injuste a-t-il résolu en lui-même de commettre le mal » ; il a résolu de pécher.
2. Mais est-ce bien publiquement ? n’est-ce pas en soi-même que l’on prend la résolution de pécher ? Pourquoi en soi-même ? Parce que l’homme ne la voit point. Quoi donc ? parce que l’homme ne voit point dans le cœur la résolution de pécher, Dieu ne la voit-il point ? Dieu la voit, assurément. Mais qu’est-il dit ensuite ? « La crainte de Dieu n’est point devant ses yeux ». Il n’a devant les yeux que

  1. Ps. 35,12
  2. Sag. 9,15
  3. Jn. 1,1
  4. Tob. 4,16