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ardents qui le font présider au jour : vous êtes l’auteur des harmonies du ciel ! – Il y a d’autres créatures, elles sont invisibles et meilleures ; peut-être me dira-t-on aussi : Honore les anges, adore-les : – et, ici encore, je m’écrierai : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Les anges eux-mêmes sont sortis de vos mains. Que seraient-ils, s’ils ne vous voyaient pas ? Rien. Il vaut bien mieux vous posséder avec eux, que tomber, loin de vous, dans les abîmes, pour les avoir adorés.
14. « Tous mes os vous diront : Seigneur, qui est semblable à vous ? » O corps du Christ, ô sainte Église, que tous tes os disent : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Et si tes chairs ont disparu sous l’effort de la persécution ; que tes os, du moins, disent encore « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Car il a été dit des justes : « Le Seigneur aime tous leurs os ; aucun d’eux ne sera brisé »[1]. Comment énumérer tous les justes dont les os ont été brisés pendant la persécution ? Enfin, le juste vit de la foi[2], et l’impie est justifié par le Christ[3] ; et quel est l’homme ainsi ramené à la justification, sinon celui qui croit et qui confesse sa foi, puisque l’on croit de cœur pour être justifié, et que l’on confesse de bouche pour être sauvé[4] ? Parce qu’il a cru de cœur et confessé de bouche, le larron a été justifié sur la croix, même après que ses crimes l’eurent conduit aux pieds du juge, et de là au dernier supplice ; car le Seigneur n’aurait pas dit à un scélérat non encore justifié : « Tu seras aujourd’hui avec moi dans le paradis[5] » Et, cependant, on a brisé ses os. En effet, lorsqu’on arriva pour enlever les corps à cause de la proximité du sabbat, on s’aperçut que le Seigneur était déjà mort, et on ne lui brisa pas les os[6]. Pour les autres, comme ils vivaient encore, on les leur brisa, afin de hâter leur mort par ce supplice, et ainsi de pouvoir les détacher plus vite de la croix et les ensevelir. Le larron, qui persévéra dans son impiété jusque sur la croix, fut-il le seul à qui on brisa les os, et n’en fut-il pas de même de celui qui crut de cœur pour être justifié et confessa de bouche pour être sauvé ? Qu’est donc devenue cette promesse : « Le Seigneur garde tous leurs os ; aucun d’eux ne sera brisé ? » Mais n’est-ce pas que, dans le corps du Seigneur, les os sont tous les justes, chrétiens au cœur énergique, pleins de courage, intrépides en face des persécutions et des tentations, incapables de consentir au mal ? Et comment résister à toutes les tentations ? Comment demeurer ferme, quand les persécuteurs vous disent : Voilà le vrai Dieu ; voilà ce qu’il est ; qu’il vienne et soit ton sauveur ; il y a ici je ne sais quel grand-prêtre, au sommet de la montagne ; si tu es pauvre, c’est peut-être parce que ce Dieu ne vient pas à ton secours ; prie-le, il t’aidera ; tu ne fais point monter vers lui tes supplications : voilà, sans doute, pourquoi tu es malade ; prie-le, et la santé te sera rendue ; peut-être encore est-ce pour ce motif que tu n’as pas d’enfants : adresse-toi donc à lui, et tu en auras ? Celui qui appartient au corps du Seigneur et ht partie de ses os, repousse tous ces conseils et répond : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Si vous daignez m’accorder, mène dès cette vie, ce que je recherche, donnez-le moi ; mais si vous ne voulez pas me l’accorder, soyez ma vie, car je ne cesse point de vous chercher. En sortant de ce monde, oserai-je paraître devant vous, la tête haute, si j’ai adoré un autre que vous, si je vous ai offensé ? Grande est sa miséricorde ! Il nous engage à bien vivre et il nous cache le dernier de nos jours, celui de notre mort, pour que nous ne puissions rien nous promettre de l’avenir. Je fais mal aujourd’hui et je vis ; demain je cesse d’agir ainsi. Et si demain tu n’es plus ? Sois donc du nombre des os du Christ, et dis-lui : « Seigneur, qui est semblable à vous ? Tous mes os diront : Seigneur, qui est semblable à vous ? C’est vous qui tirez le pauvre des mains de ceux qui sont plus forts que lui, et celui qui est abandonné et dans l’indigence, de celles de ses ennemis qui le dépouillent ».
15. Ce psaume a été lu aujourd’hui jusqu’ici, et nous l’avons expliqué de même : mais afin que ce que nous avons dit ne devienne point pour vous un sujet d’ennui, nous n’y ajouterons rien. Arrêtons-nous donc à ces paroles : « C’est vous qui tirez le pauvre des mains de ceux qui sont plus forts que lui ». Qui est – libérateur, si ce n’est celui dont le bras est robuste ? Cet autre David délivrera le pausa des mains de ceux qui sont plus forts que lui. Le démon avait été le plus fort ; il s’était rendu maître de toi : il t’avait vaincu, parce

  1. Ps. 33,21
  2. Rom. 1,17
  3. Id. 4,5
  4. Id. 10,10
  5. Lc. 23,43
  6. Jn. 19,33