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dans son corps, se servant néanmoins de ses tribulations pour communiquer à tous ses membres la vie éternelle, et méritant, par ses immortelles promesses, le titre de désirable.
2. « Seigneur », dit-il, « jugez ceux qui me dont du mal : domptez mes persécuteurs »[1]. Si Dieu est pour nous, qui est-ce qui sera contre nous[2] ? Et comment Dieu nous procure-t-il son secours ? Il ajoute : « Prenez vos armes et votre bouclier : levez-vous pour me secourir ». Admirable spectacle ! Un Dieu armé pour ta défense ! Quel est son bouclier ? quelles sont ses armes ? « Seigneur », dit encore ailleurs cet homme qui parle ici, « votre bonne volonté m’a couvert comme un bouclier »[3]. Si nous profitons bien de son aide, nous deviendrons nous-mêmes les armes avec lesquelles il nous protégera et frappera nos ennemis : car, si nos armes viennent de lui, flous lui servons nous-mêmes d’armure : tandis qu’il est armé de ceux qu’il a créés, ses créatures puisent en lui leurs moyens de défense. L’Apôtre nomme, quelque part, ces armes divines mises à notre portée : c’est le bouclier de la foi, le casque du salut, le glaive spirituel de la parole de Dieu[4]. Le Seigneur nous a munis, comme vous l’avez entendu, d’armes admirables et indestructibles, invincibles et brillantes, vraiment spirituelles et invisibles, parce que nous ne voyons pas les ennemis que nous combattons. Si tu aperçois ton ennemi, il te faut des armes qu’on puisse voir : la toi en des choses que mous ne voyous pas, voilà notre force pour terrasser des adversaires invisibles. Toutefois, mes très-chers, n’allez pas croire que, parmi nos armes, celles qui nous tiennent lieu de bouclier doivent toujours être considérées comme telles ; que celles qui tiennent la place du casque, soient toujours un casque, et que la cuirasse soit toujours une cuirasse. Les armes matérielles restent les mêmes, quoiqu’on puisse donner une autre destination, au fer qui a servi à les fabriquer, et changer ainsi une épée en une hache ; mais nous voyons l’Apôtre lui-même parler, tantôt de la cuirasse de la foi, et, tantôt, du bouclier de la foi. La foi peut donc être, eu même temps, et bouclier et cuirasse : bouclier, parce qu’elle reçoit et repousse les traits de l’ennemi ; cuirasse, parce qu’elle les empêche de transpercer ta poitrine. Voilà nos armes ; mais celles de Dieu ? Nous lisons en quelque endroit : « Arrachez mon âme aux impies : retirez votre framée aux ennemis de votre bras »[5]. Ceux qu’il désigne d’abord sous le nom « d’impies », il les appelle dans le verset suivant : « Les ennemis de votre bras » ; et ce qu’il entend en premier lieu, par « mon âme », il en parle ensuite sous le nom de « votre framée », c’est-à-dire, votre épée. Dans son langage, la framée de Dieu et son âme avaient donc le même sens. « Arrachez », dit-il, « mon âme aux « impies », c’est-à-dire, « retirez votre framée aux ennemis de votre bras ». Car vous prenez mon âme en vos mains, et vous mettez – mes ennemis hors de combat. Mais qu’est-ce que notre âme, si brillante, si grande, si pénétrante, si polie, si flamboyante, si étincelante des feux de la sagesse, que vous la supposiez ? Qu’est-ce que notre âme ? De quoi est-elle capable, si Dieu lui-même ne la tient et ne s’en sert pour combattre ? La meilleure framée, quand elle n’est pas aux mains d’un guerrier, gît inutile. Nous avons dit qu’à nos armes on ne peut donner un nom unique et constamment le même, parce que les unes et les autres sont susceptibles d’un autre emploi : ainsi en est-il des armes de Dieu, puisque, à l’entendre, l’âme du juste est la framée de Dieu, ou bien le trône de Dieu, ou bien encore le temple de la sagesse. Il fait donc de notre âme tout ce qu’il veut ; puisqu’elle est entre ses mains, qu’il s’en serve selon son bon plaisir.
3. Qu’il se lève donc, selon l’expression de celui qui l’invoque, qu’il prenne ses armes, qu’il se lève pour nous secourir ! D’où peut-il se lever ? La même voix le lui dit ailleurs « Levez-vous : pourquoi dormez-vous, Seigneur[6] ? » Quand on dit que Dieu dort, c’est que nous dormons : si l’on dit qu’il se lève, c’est que nous sortons nous-mêmes des bras du sommeil. Car le Seigneur dormait dans la barque, et parce que Jésus dormait, la barque était battue par les flots : il n’en eût pas été de même, si Jésus avait, veillé. Ta barque, c’est ton cœur : Jésus dans ta barque, c’est la foi dans ton cœur. Si ta foi occupe tes pensées, ton cœur est tranquille à l’abri des tempêtes ; mais si tu as perdu le souvenir de ta foi, le Christ dort, prends garde de faire naufrage, emploie ta dernière ressource, éveille-

  1. Ps. 34,1-2
  2. Rom. 8,31
  3. Ps. 5,13
  4. Eph. 6,16-17
  5. Ps. 21,21
  6. Id. 43,23